De notre envoyée spéciale, Souaâd BEN SLIMANE « Celui qui maîtrise la lecture et l'écriture accède à un espace supplémentaire d'évolution personnelle et à un nouveau chemin pour rencontrer les autres ». Fédération suisse lire et écrire. Cela se passe au Palexpo, palais des expositions et des congrès, d'une surface totale de 108.000 m2 et 18 m de hauteur, situé sur la commune du Grand-Saconnex aux abords de l'aéroport international de Genève. La construction a débuté en 1977. Les premiers bâtiments ont été inaugurés le 18 décembre 1981, et la première édition du Salon du livre et de la presse a vu le jour en 1987. A son origine, Pierre-Marcel Favre, fondateur des éditions Favre, à Lausanne. A l'entrée, ce sont les agents de sécurité qui accueillent les visiteurs, avec le sourire et un heureux « Bonjour ». Au bout des escaliers roulants, à droite, il y a le stand tunisien : 651 m2, divisés entre l'espace colloque ou rencontres, l'espace culinaire, l'atelier de modelage, l'exposition de livres, l'espace de projection, des mini- stands réservés l'un à l'Ontt (Office national tunisien du tourisme), à la Fondation El Madanya, à l'association de la communauté tunisienne, et à la Ctrs, Communauté tunisienne résidente en Suisse pour le développement. Tout près de l'entrée, il y a le baobab, un arbre africain, haut d'une quinzaine de mètres, construit avec des barils bariolés. C'est là où se trouve le salon africain. Devant un parterre d'enfants, une conteuse, dont les mains s'envolent en démonstration, raconte une de ces histoires qui a dû bercer son enfance et lui donner le goût de la fiction. Mais une fois que l'on s'arrête, attirés par des centaines de titres qui invitent à la lecture, les bribes d'un débat, ou une parole passionnée, visionnaire ou sage d'un auteur ou d'un expert, on perd le nord ; et ce sont ces indications en forme de lampadaires à la lumière douce qui nous indiquent le chemin des stands. C'est comme ça que l'on s'est retrouvé au pavillon des cultures arabes. Là, il y a les Yasmina Khadhra, Boualem Salsal, écrivains algériens d'expression française (Vip du salon), les Tunisiens Youssef Seddik, Mohamed Talbi, Faouzia Zouari, et même des titres de la littérature afghane ou turque traduits en français. Nous tombons sur une nouvelle parution, celle de la jeune auteure syrienne Samar Yazbek, figure de l'opposition au régime de Bachar Al Assad. Son roman s'intitule « Les portes du néant » où elle livre un témoignage courageux sur le quotidien des combattants et où elle raconte l'une des plus grandes tragédies du XXIe siècle. Tout juste à côté du pavillon des cultures arabes, on croit entendre le dialecte syrien, suivi de notes familières du luth. C'était vendredi dernier. Le nombre d'enfants visiteurs a augmenté depuis le premier jour du salon. Ces mômes courent, d'une allée à une autre, avec leurs gros dépliants, carte de route pour la recherche du trésor, un jeu conçu spécialement par les organisateurs pour les amuser et les familiariser au texte et à l'écrit. Les adolescents et ceux qui le sont restés ont également leur espace : « Young adult ». Il a été conçu par une booktubeuse qui s'appelle Margaud, créatrice de la chaîne Margaud liseuse. On nous apprend, dès le premier jour, que ses auteurs préférés seront là pour des discussions ainsi que des meet-up avec d'autres booktubeurs. La promenade continue, et jusqu'à ce jour où nous écrivons cet article, nous n'en avons pas fini avec les thèmes. Car c'est ainsi que le salon a été organisé, à part le hôte d'honneur de l'année, le salon africain, le pavillon des cultures arabes, Young adult, il y a Apostrophe, la place du moi, scène du crime, scène philo et scène BD. Nous revisitons le « Monde de Coelho », une exposition consacrée à la vie et à l'œuvre de Paulo Coelho, cet écrivain brésilien de renommée internationale, très lu également en Tunisie. Les couvertures de ses livres traduits dans toutes les langues sont collés sur une sorte de triangle géant, des extraits de ses textes sont soigneusement transcrits sur les murs de l'espace, sa machine à écrire trône au milieu, dans une des vitrines il y a son costume d'académicien... Tout est là pour raconter cet auteur très porté sur la spiritualité, qui a dit dans son célèbre roman, L'alchimiste, « chaque homme sur terre a un trésor qui l'attend ». D'ailleurs, Coelho était le guest star du diner organisé à l'ouverture, mercredi 27 avril. L'écrivain ne savait plus à quel « selfie » se vouer. Après une petite halte à « la cuisine des livres », nous nous dirigeons, l'eau à la bouche, vers cette énorme chambre aux murs blancs (500 m2), éclairée par des guirlandes. C'est un monde à part. Le Cercle qui regroupe un grand réseau de libraires et d'éditeurs prend l'allure d'une place à la française, avec son café, sa scène, ses terrasses, ses chalands et ses rencontres. L'ambiance est chaleureuse et conviviale. Avec 26 exposants, le cercle organise des animations pour les écoles, des ateliers, des dédicaces, des débats et des rencontres avec des auteurs. À proximité, l'Université de Genève célèbre par une exposition et des extraits de films le bicentenaire d'un illustre fils de Genève: Frankenstein. Car c'est en 1816, lors d'un séjour près de cette ville suisse, que l'anglaise Mary Shelley écrit son premier roman sur ce Prométhée moderne, publié en 1818. La fiction prend la part du lion dans ce salon. Un stand de gadgets illustrés par des mangas et de super héros attirent un grand nombre de public jeune. Sur les différentes scènes, le public rencontre de grands noms de la fiction écrite, dont l'Anglaise Sophie Kinsella. Eh oui, la plus célèbre des accros au shopping est à Genève ! Une programmation riche d'auteurs, de débats, de rencontres et de spectacles et cinq jours ne suffisent pas pour tout voir. De retour au stand tunisien, nous sommes heureux de constater que le public participe enfin aux panels. Car pendant les deux premiers jours, nous nous sommes retrouvés entre Tunisiens à parler de la Tunisie. D'après la présidente du salon du livre, Isabelle Falconnier, c'est le salon lui-même qui se charge de la communication autour de son hôte d'honneur. Que s'est-il passé alors ? « C'est normal pour les premiers jours. Ce n'est que le week-end que le public commence à venir nombreux », dit-elle. Mais il fallait peut-être concevoir l'espace colloque autrement. C'est-à-dire ouvert, sans parois, à l'instar de toutes les scènes du salon. « Vivons cachés, vivons heureux », c'est un dicton qui ne draine pas la foule suisse.