Les ménages tunisiens manquent cruellement de logements. Et pourtant, on estime que le nombre de ces derniers est de loin supérieur à celui des ménages. Cette équation s'expliquerait, entre autres, par l'inadéquation entre une offre limitée et sélective et une demande sans aucun rapport avec ce qui est proposé. Le vrai problème se situerait, plutôt, du côté de la révision des critères adoptés en matière de construction et d'octroi. La population qui est à la recherche de logement a un profil très simple : c'est une classe en dessous de la moyenne. Le type de logements à exécuter doit répondre à ces profils et satisfaire une demande de plus en plus élevée. Rôle majeur de l'Etat Ce qui correspond à ces nouvelles exigences est, à n'en point douter, le logement social tel qu'il a été pratiqué dans les dernières décennies. C'est à l'Etat, grâce à ses structures (Sprols, Snit ainsi que les caisses de sécurité...), de s'investir à fond dans cette action. Car laisser le champ libre aux entrepreneurs privés ne pourrait, en aucun cas, résoudre la crise du logement. Le Tunisien attend, avec impatience, de posséder sa propre demeure et ne pas passer sa vie dans des maisons de location ou avec ses parents. C'est un désir d'indépendance légitime qui changerait la vie de bien des générations. La politique volontariste des différents gouvernements d'après l'indépendance a permis de fournir des habitations à une grande partie de la population en lui offrant des conditions de vie dignes. On en veut pour preuve les chiffres enregistrés par l'un des acteurs principaux. A savoir la Snit. Cette dernière a réussi à réaliser plus de 263.000 unités depuis 1957 jusqu'à nos jours. Au cours du Ve plan de développement (1977-1981), la Snit a réalisé une performance : 71.000 logements. Par contre, on assiste à une chute dans les prévisions pour le plan quinquennal en cours (2012-2016), elle propose la réalisation de 1.660 logements ! Cela montre à quel point l'Etat est en train de se désengager d'un secteur stratégique et rentable. En effet, et même si l'Etat doit jouer un rôle social, les bénéfices peuvent être au rendez-vous moyennant une politique saine et bien menée. Nouvelles missions Rien qu'à travers le rétablissement et le renforcement des anciennes institutions qui ont joué un rôle majeur dans la politique de l'habitat (et, notamment l'habitat social), on pourra redresser la barre et reprendre les choses en main. La Cnrps, la Sprols, la Cnss, la Snit et même les entreprises peuvent encore poursuivre leurs efforts pour faciliter l'accès au logement au plus grand nombre de citoyens. Il n'est pas nécessaire de le souligner, tous les problèmes que l'on rencontre ont pour origine au moins trois grands maux : le chômage, le logement et la stabilité sociale (à travers, par exemple, le mariage). Ces caisses sociales et ces fonds immobiliers sont, aujourd'hui, capables de remplir la mission qui leur incombe, en réactivant leurs attributions. Le fait d'accorder, de nouveau, des prêts à des taux préférentiels, ou de construire, comme le faisaient jadis la Cnrps ou la Sprols, de grands complexes immobiliers destinés à la vente ou à la location, soulagerait beaucoup la classe des salariés. La bonne gestion, bien sûr, sera de rigueur. Il n'est plus question du laxisme qui a entraîné de lourdes dettes et causé de nombreux torts à ces établissements. Une opération d'assainissement devrait être engagée avant de repartir du bon pied. La Sprols se doit de retrouver ses équilibres financiers et récupérer ses biens immobiliers squattés depuis des années (on estime, d'ailleurs, le déficit de cette société à 22 millions de dinars). La Snit, pour sa part, doit redynamiser ses activités et acquérir davantage de terrains constructibles à l'intérieur du pays. En outre, il est urgent qu'elle régularise la situation des propriétaires. A ce propos, la Snit ne fait pas assez (les services de topographie aussi) pour régulariser les situations juridiques et techniques des lotissements et permettre aux bénéficiaires d'obtenir les titres de propriété privatifs. Il est vrai que, selon cette même société, il y aurait 100.000 cas de logements régularisés. En définitive, il faudrait que le rôle moteur de ces institutions dans la dynamisation du secteur de l'habitat fonctionne de nouveau et à plein régime. Pourquoi ne pas redevenir pionnier ? Il n'y a pas d'autres moyens si on cherche, vraiment, à résoudre la crise aiguë que connaît le secteur.