Le plafond de financement des entreprises communautaires passera à un million de dinars    Tunisie – Démarrage des inscriptions en ligne pour la première année de base    Tunisie – METEO : Un ciel de traîne sur le centre du pays    Tunisie – Baccalauréat 2024 : La filière économie gestion a le vent en poupe    En pleurs, Kaïs Saïed salue le drapeau à la piscine olympique de Radès    Dopage : accélération de l'examen du dossier de la Tunisie    Hideux.    Nabil Ammar en visite officielle en Irak    Sinda Belhassen à la Galerie Kalysté - Tisser la Terre: une exploration de la flore tunisienne à travers le tissage    Pour se venger, il crée un gang spécialisé dans le vol de cabinets d'avocats    Tunisie: L'OIM facilite le retour volontaire de 161 migrants vers la Gambie    Le mufti : le sacrifice de l'Aïd reste tributaire de la capacité du citoyen    Sonia Dahmani : oui, je m'insurge contre la tyrannie et la folie !    La démission de Youssef Elmi confirmée    Lamine Nahdi à l'affiche de la comédie musicale "Le Petit prince" en dialecte Tunisien    Refus de libération de Mohamed Boughalleb    Rome : Ons Jabeur défie Sofia Kenin    L'Université Tunis El Manar domine les universités tunisiennes au niveau des classements internationaux    Le film soudanais 'Goodbye Julia ' projeté dans les salles de cinéma de Tunisie (Synopsis & B.A.)    Kamel Feki reçoit une délégation du Snjt : Le MI veille à garantir la liberté d'expression et la liberté de presse    Le représentant spécial sortant de l'ONU en Libye : Un appui constant de la Tunisie à la médiation onusienne en Libye    ARP : La commission de la sécurité et de la défense se penche sur la révision du Code de justice militaire    Sotumag propose un dividende de 0,52 dinar par action pour l'exercice 2023    Rencontre avec le réalisateur suisse Richard Dindo au Rio : La métaphore dans l'œuvre du maître du cinéma poétique suisse    La médiathèque du 32Bis ouvre ses portes à Tunis : De quoi faire le bonheur des chercheurs et des professionnels du monde de l'art    Sortie de « 2003 » du pianiste Mehdi Gafsia : Un « EP » bien fait !    18e édition des championnats d'Afrique de Trampoline : La route des Olympiades passe par Tunis    Nejib Jelassi : la crise du transport ferroviaire est le fruit de l'absence de volonté politique    Chiens errants : La Marsa appelle à la responsabilité citoyenne    Se protéger de la boîte de Pandore numérique !    CA : Gagner ou s'enliser davantage !    EGSG : Le match de la vérité    400 entreprises Turques envisagent des opportunités d'investissement en Tunisie    La Tunisie appelle les peuples libres du monde à se tenir unis contre le déplacement forcé des Palestiniens    France : il dérobe l'arme d'un policier et tire dans un commissariat, 2 victimes    Rania Toukabri nominée pour le prix Women's Space    Monétique: Plus de 7 millions de cartes bancaires en circulation au premier trimestre    Economie tunisienne : divergences entre le FMI et la Banque mondiale    Honteux !    Mahamat Idriss Déby Itno réélu à la présidence du Tchad avec 61% des voix    Nouvelles restrictions commerciales américaines contre des entreprises chinoises    Pressions croissantes sur les approvisionnements mondiaux de blé : les enjeux et les défis    Fermeture temporaire de l'église Saint-Louis à Carthage    Suite au déploiement des chars de l'armée sioniste dans la ville de Rafah : La Tunisie appelle les peuples libres du monde à se tenir debout contre les massacres commis à l'encontre des Palestiniens    La Nasa finance le projet d'un système ferroviaire sur la lune !    2ème édition du manifestation « un monument... et des enfants... » au Palais Abdellia    La répression contre les universités françaises s'intensifie : à quand la fin du scandale ?    Sourires, chantages et quelques marchandages    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les partis contre la démocratie
Opinion
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 05 - 2016


Par Hatem M'rad*
Parler « des partis contre la démocratie », ce n'est pas tout à fait la même chose que de parler de « partitocratie ». Certes, les partis font la démocratie, ou y contribuent grandement. Mais, la partitocratie est à la longue nuisible au système des partis, au choix libre des électeurs, à l'équilibre des forces au Parlement et à la stabilité politique. Elle peut encore changer la nature de la démocratie, voire éradiquer la démocratie. On se souvient des courants fascistes dans l'entre-deux-guerres qui étaient écœurés par le parlementarisme, la primauté des intérêts partisans sur les intérêts supérieurs du pays et par l'impact anormal des partis sur les institutions. C'est exceptionnel, il est vrai, mais cela arrive. Durant la IIIe et la IVe Républiques en France, la partitocratie n'a pas malgré tout aboli la démocratie, qui a résisté, voire éveillé un sursaut en faveur d'un changement de régime ou de nature démocratique à partir de la Ve République en 1958. L'Italie des années 70 a survécu démocratiquement à la partitocratie grâce à un changement du mode de scrutin, consistant dans l'introduction dans les années 90 d'une dose majoritaire au mode représentatif qui prévalait lourdement à l'époque.
Mais, dire que « les partis sont contre la démocratie », c'est dire qu'un nouveau pas est franchi dans la remise en cause du système démocratique. Au moins, dans le cadre de la partitocratie, les partis, comme bloc ou comme groupe parlementaire, peuvent rester relativement disciplinés. Le système est instable à l'extérieur, dans le système des partis lui-même, fondé sur des combinaisons, alliances et contre-alliances, selon les intérêts du moment des partis. Mais, à l'intérieur des partis, les dirigeants parviennent à discipliner leurs troupes et à tenir leurs partis.
En Tunisie, on parlerait certes de partitocratie, mais on ajouterait aussi une part de « contre-démocratie ». Il y a un grand nombre de partis, plus d'une centaine, identifiant le système à la partitocratie. Un nombre courant dans les transitions démocratiques (Espagne, Portugal, Pologne). Quoique quelques grands partis aient commencé à émerger sur la scène politique (Ennahdha après 2011, Nida et le Front populaire après 2014). Mais, le plus grave pour la démocratie naissante, c'est la violation de la démocratie à l'intérieur des partis, essentiellement par les élus du peuple au Parlement. La violation interne se transfigure dangereusement en une violation externe. Indiscipline, anarchie, inculture politique des élus, absentéisme criant des députés, non-respect de leurs engagements vis-à-vis des électeurs, des éléments qui deviennent le lot quotidien de la vie des partis. Seule Ennahdha en est indemne à ce jour.
Dans la partitocratie, à travers les combinaisons postélectorales, la volonté des partis peut coïncider, comme ne pas coïncider, avec la volonté des électeurs. Lorsqu'un parti de droite s'allie avec un parti du centre ou avec les conservateurs, la volonté des électeurs n'est pas encore très négligée. Lorsque le même parti de droite s'allie avec un parti de gauche, là, cela pose problème sur le plan démocratique. Pire encore, lorsqu'un parti laïque et moderniste s'allie avec un parti religieux, comme le libéral Nida avec les islamistes d'Ennahdha en Tunisie, là on est dans la pure partitocratie dans le sens étymologique du terme. Choix de partis contraire à la volonté des électeurs ayant voté pour Nida, comme d'ailleurs pour Ennahdha (on se souvient qu'un groupe de traditionalistes d'Ennahdha s'est opposé à cette alliance avec Nida pour des raisons doctrinales). Le parti usurpe en effet dans ce cas la liberté du choix et détourne le droit de vote des électeurs. Une partie des électeurs de Nida continue aujourd'hui à s'opposer à l'alliance avec les islamistes, auxquels ils se sont farouchement opposés trois années durant. Et ils le disent haut et fort, car ils ne se sentent pas concernés par les équilibres politiques. Il y a pour eux substitution de la volonté des appareils des partis aux choix profonds des électeurs.
Mais, outre la partitocratie, les partis tunisiens s'inscrivent aussi contre la démocratie, lorsque les élus eux-mêmes se rebellent à longueur de journée contre la direction de leurs propres partis et prétendent incarner la volonté réelle des électeurs, « trahie »par leurs dirigeants. Il y a alors lutte de clans à l'intérieur des partis, fuites, démissions ou scissions, volte-face et retournements. Tout le monde, clans, députés, instances, parlent au nom des électeurs, mais personne ne parle en leur nom. Tout le monde prétend respecter le programme du parti, mais personne ne le respecte vraiment. L'électeur finit par s'y perdre face à cette nébuleuse, la démocratie aussi.
La volonté des électeurs n'a cessé d'être malmenée depuis la Révolution. Après 2011, ont eu lieu les scissions du CPR, d'Ettakatol, d'Al-Aridha. Après 2014, c'est la scission de Nida Tounès, le parti majoritaire aux législatives. Un bloc parlementaire « Al-Horra », constitué de 28 élus, a quitté Nida pour créer son propre groupe parlementaire, soutenant le nouveau parti de Mohsen Marzouk, « Machroû Tounès ». Nida passe de 85 à 57 députés environ, distancé désormais par Ennahdha (69 sièges). En outre, un « nomadisme parlementaire » est apparu avec force à l'ANC, puis, moins intensément à l'ARP. Les députés ont pris l'habitude de changer de parti en cours de mandat, moyennant une compensation financière (comme c'est le cas surtout après 2011) ou par ambition et calcul politiques. Des députés de Afek Tounès s'opposent en mars 2016 à un projet de loi sur le code des investissements, présenté par le gouvernement de coalition dont leur parti est membre. Un projet présenté, au surplus, par le ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, Yassine Brahim, président de leur propre parti. Trois députés de l'Union patriotique Libre, membres de la coalition gouvernementale, démissionnent de leur parti en avril dernier, pour rejoindre Nida Tounès, parce qu'ils s'opposent aux décisions de leur leader Slim Riahi. Celui-ci considère qu'ils ont démissionné en raison de « leurs intérêts personnels ». De 16 députés, l'UPL passe à 12. Les électeurs de l'UPL doivent sans doute « émigrer » à leur tour à Nida avec leurs députés, forcés et liés. Enfin, il y a quelques jours, le président du groupe parlementaire de Nida, Fadhel Omrane, a présenté sa démission (acceptée par le parti) de la présidence de ce groupe au motif qu'il est devenu ingérable. Il déclare : « Je suis dans un état de fatigue qui ne me permet plus de gérer ce bloc devenu très compliqué. On fait face à des problèmes d'absentéisme des élus, qui sont aussi incapables de tenir leurs promesses électorales ». En réalité, le groupe parlementaire qu'il dirigeait se rebellait contre le parti que Hafedh Essebsi voulait maîtriser, surtout après la démission de Ridha Belhaj.
Le peuple a voté souverainement pour un parti en lui donnant la majorité, une trentaine d'élus ont décidé de le rendre minoritaire contre la volonté du peuple. Un président cherche à imposer son fils à la tête de « son » parti, dans l'espoir de récupérer ce dernier et de le maîtriser contre la volonté de plusieurs dirigeants et élus, qui, lassés, ont fini par faire scission. Des députés qui se baladent d'un parti minoritaire à un parti majoritaire, d'autres qui font le chemin inverse, d'autres élus qui ne votent pas les lois de leur propre gouvernement, d'autres encore font de l'absentéisme un métier.
C'est plus que l'indiscipline, plus que l'inculture politique, plus que la partitocratie. Ce sont des partis qui s'opposent à la démocratie.
*Professeur à l'Université de Carthage


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.