Les nidaïstes sont à 99% pour le départ de Habib Essid, alors que Lotfi Zitoune lui conseille amicalement de sortir avec les honneurs On attendait que Habib Essid, chef du gouvernement, prenne son courage à deux mains et remette sa démission et celle de son gouvernement au président Béji Caïd Essebsi lors de leur rencontre, hier, au Palais de Carthage. On pressentait que Habib Essid allait tirer sa révérence dans la mesures où tout indiquait (déclarations de presse, analyses des observateurs, communiqués des partis politiques de la coalition et de l'opposition) qu'il n'allait pas être maintenu pour diriger le gouvernement d'union nationale auquel a appelé le chef de l'Etat dans son interview de jeudi dernier à la TV nationale. Il n'en fut finalement rien. Habib Essid a rencontré, hier, le président de la République et il a réaffirmé qu'il restait à son poste, soulignant que Si El Béji ne lui a pas demandé de partir. «Il reste des dossiers prioritaires sur mon bureau et il est urgent qu'ils soient traités avant la clôture de la législature en cours d'ici fin juillet prochain». Habib Essid n'a pas donné de détails sur ces dossiers. Toutefois, il ne faut pas être sorcier pour saisir qu'il parle, entre autres, du réexamen, aujourd'hui, par le Parlement, de la loi sur les banques et les institutions financières déclarée anticonstitutionnelle par l'Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi, de la réforme du système éducatif, de la nouvelle loi électorale qui régira les prochaines élections municipales et régionales, etc. Et même si Habib Essid est sorti — comme on le souligne dans les hautes sphères de l'Etat — des comptes de Béji Caïd Essebsi, personne ne peut reprocher à ce haut commis d'Etat son attachement à parachever la mission dont il a été chargé bien qu'il ait la conviction que ses jours sont comptés au Palais de La Kasbah. D'ailleurs, lui-même ne cesse de souligner qu'il est toujours à la disposition de l'Etat et que si l'intérêt national exige qu'il parte, il est prêt à le faire avec le sentiment du devoir accompli. Malheureusement, le flou est toujours la caractéristique n°1 des communiqués diffusés par la direction de l'information auprès du Palais de Carthage. Hier, le communiqué sanctionnant la rencontre Essebsi-Essid parle de «la formation d'un gouvernement d'union nationale et des moyens de réunir toutes les conditions de son succès», ce qui laisse entendre que Habib Essid a son mot à dire à propos de la formation de ce gouvernement et le citoyen lambda habitué à ce genre de communiqués peut comprendre que le chef du gouvernement actuel est concerné par l'opération et pourrait même conduire les concertations qui démarreront dans les jours à venir. Le chef du gouvernement sera nidaïste ou proche de Nida Tounès Et les concertations ont précisément démarré et l'on sait désormais qu'au sein de Nida, on penche pour le remplacement de Habib Essid à la tête du prochain gouvernement. Soufiène Toubal, chef du bloc parlementaire nidaïste, le dit clairement et nettement : «Nous sommes à 99% pour le départ de Habib Essid et pour son remplacement par une personnalité nidaïste ou au moins proche de Nida Tounès. Pour le moment, on n'a pas de choix précis. Aujourd'hui, (hier), l'Instance politique du parti se réunit à 21 heures et fera connaître sa position officielle à propos de l'initiative présidentielle». C'est le même discours produit par Hafedh Caïd Essebsi, l'homme fort de Nida Tounès, à la suite de sa rencontre, hier, avec le président d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, et les représentants du parti Afek Tounès. Hafedh Caïd Essebsi précise : «Le dialogue ne fait que commencer et Nida Tounès est ouvert à toutes les propositions sérieuses propres à donner forme à l'initiative présidentielle». Il n'a pas sauté le pas pour inviter Habib Essid à partir. Mais pour Lotfi Zitoune, le conseiller le plus écouté de Rached Ghannouchi et l'architecte du nouvel Ennahdha, «le parti civil spécialisé dans les affaires politiques», l'a fait mais à titre personnel. Hier, sur son compte personnel Facebook, Lotfi Zitoune a conseillé le plus amicalement du monde (comme à son habitude) son ami Habib Essid de tirer sa révérence. Mais quand on sait que Zitoune est la voix de son maître, on comprend qu'Ennahdha a décidé de retirer son soutien à Habib Essid. Seulement, on ne peut occuler le silence observé lors de la réunion du Conseil de la choura, le week-end dernier, sur l'initiative présidentielle. A lire le communiqué officiel émanant de cette réunion et la déclaration faite par Oussama Sghaïer, porte-parole du mouvement, on découvre que les participants à la réunion ont voté la liste des 50 membres devant compléter la composition du Conseil, les 100 autres membres ayant été élus lors du congrès. Essebsi est sorti de ses prérogatives Et en attendant que l'Union patriotique libre (UPL) précise davantage sa position au cas où ses députés ayant rejoint Nida Tounès lui reviendraient, Al Irada, le parti du revenant Moncef Marzouki, revient à la charge et accuse ouvertement le président de la République d'outrepasser les prérogatives que lui accorde la Constitution. «Béji Caïd Essebsi cherche à imposer un régime présidentiel en dehors des dispositions de la Constitution. Son initiative vise à camoufler la crise au sein du gouvernement et traduit l'échec de la coalition au pouvoir», lit-on dans la déclaration émanant d'Al Irada.