Ramadan est propice aux veillées ramadanesques qui s'étirent jusqu'à l'aube, l'heure du «s'hour». Au hit-parade des sorties des Tunisiens, les cafés et particulièrement ceux des médinas qui ne désemplissent pas. Viennent en deuxième position les soirées familiales devant le tube cathodique, puis en dernier lieu, les festivals. Il y a quelques années, les Tunisiens sortaient moins durant la première quinzaine de ramadan et préféraient les réunions familiales autour du poste de télévision pour suivre la sitcom, la caméra cachée et le feuilleton. C'est d'ailleurs prouvé, le mois de ramadan est celui où le pic d'audience est le plus élevé. Les chaînes tunisiennes mettent le paquet pour proposer une programmation alléchante. D'ailleurs, ce n'est que vers 22h00 après la diffusion du feuilleton tunisien que les gens décident d'une sortie, soit dans un café, soit en assistant à un spectacle dans un festival. Consommation conditionnée et prix élevés Les cafés et salons de thé, du moins ceux situés dans le Grand-Tunis, rivalisent au niveau des services proposés. Depuis que Ramadan se déroule en été, de plus en plus de Tunisiens adoptent de nouvelles habitudes. Ils deviennent de moins en moins casaniers. C'est sur les terrasses de café qu'ils font souvent le choix de passer leurs soirées en famille ou entre amis. Dès la rupture du jeûne, ils se précipitent dans les cafés pour réquisitionner des places. A partir de 17h00, le personnel des cafés rafraîchit la terrasse et place les chaises dehors en grignotant au maximum sur le trottoir, passant outre le règlement et les contrôles municipaux. Du côté de l'avenue Bourguiba, il faut se lever tôt pour trouver une place libre sur la terrasse d'un café. Idem dans la médina où les cafetiers occupent plus d'espace que prévu. Mais les cafés affichent toujours complet. Pas la moindre place non plus dans les salons de thé et autres cafés luxueux des berges du Lac de Tunis où un simple verre de thé à la menthe, mais sans menthe, est à 5d, aux amandes 7d et aux pignons 10d. Malgré les prix élevés affichés et un service pas toujours au top, ces espaces connaissent une affluence record. Outre les boissons, ces cafés offrent aussi des mini-concerts pour animer les longues veillées et surtout justifier la facture salée. «Pour le prix d'une boisson, le client a droit à de la musique et il peut rester aussi longtemps qu'il le désire», explique un propriétaire de café. Un groupe d'amis rencontrés dans un café de la médina disent être ravis de se retrouver réunis autour d'une table pour bavarder tout en écoutant de la musique : «Cela revient beaucoup moins cher que d'assister à un spectacle dans un lieu fermé», déclare l'un d'eux. Selon le propriétaire d'un café de la médina, le commerce n'est rentable qu'en fonction du nombre de consommations. «Un client qui ne prend qu'un thé à 1d et reste planté toute la soirée dans le café n'est pas un bon client s'il ne consomme pas autre chose». Pour que ça tourne bien, il faut que la clientèle change toutes les heures. Ce qui n'est pas le cas au mois de Ramadan. Ce qui fait que certains cafés imposent au client des consommations conditionnées. A l'intérieur de ces cafés et salons de thé, on propose aussi à la clientèle l'écran plasma pour suivre les programmes télés notamment les feuilletons les plus en vue et surtout les matchs de l'Euro 2016. «Nous mettons à la demande de nos clients les chaînes qu'ils désirent regarder», indique un serveur. La tendance des cafés s'amplifie d'une année à l'autre au détriment d'autres types de loisirs, notamment les festivals culturels. Le charme rompu des festivals Le Festival de la Médina de Tunis a perdu de son aura. Initialement créé pour animer la Médina et revaloriser son patrimoine architectural et culturel en occupant les différentes demeures ancestrales transformées en espaces culturels tels que Dar Lasram, Dar Hussein, Medrest Bir Lahjar, le festival a muté hors la médina au Théâtre Municipal de Tunis. Mais, cette année, en raison de travaux de réfection du théâtre, le Festival de la Médina a choisi pour ses grandes soirées le Palais des Congrès, ce qui a ôté tout le charme de cette manifestation dont la spécificité est de se dérouler dans le cadre typique et traditionnel de la médina. Sans compter qu'il n'y a aucune évolution dans la programmation. «J'ai déserté le festival de la Médina depuis au moins deux sessions. Les artistes sont toujours les mêmes et puis le plaisir de traverser la médina pour rejoindre une des demeures anciennes où se tiennent le spectacle n'y est plus. Enfin, le charme est rompu. Un festival de la Médina au palais des congrès, c'est le comble», regrette Hanène, une fidèle spectatrice de la manifestation. Elle n'est pas la seule à estimer que ce festival a perdu de sa prestance. D'autres, non moins nostalgiques, considèrent que le festival de la Médina a beaucoup régressé ces dernières années. Concurrence oblige, certains autres festivals ont été créés comme celui de Tarnimet Layali Rachidia qui en est à sa 3e édition ou encore le nouveau-né Founoun Al Bouhaira dont la première session est organisée dans un espace des Berges du Lac. Même si les orientations et les objectifs ne sont pas bien définis, il offre une programmation hétéroclite en mesure d'attirer le maximum de spectateurs. Or, un festival qui navigue à vue aura des difficultés à se positionner sur la scène culturelle. Le café théâtre Le Mondial propose, pour sa part, la 2e édition des Layali Downtown destinée aux jeunes talents tunisiens avec une vision nouvelle qui assure la proximité avec le public. Toute cette armada d'activités culturelles a-t-elle encore un sens aux yeux d'un public dont les poches sont vides et l'esprit vampirisé par une culture formatée et vidée de tout son sens. Il reste l'appel des cafés. Ceux-ci ne nécessitent ni concentration, ni effort de compréhension. «Deux chichas pomme et trois thés à la menthe», hurle un serveur au comptoiriste.