Par Khaled El Manoubi Le référendum britannique a été un véritable festival combiné et de lutte des classes et de lutte des nations — ou ce qui en reste — : le peuple désavouant l'élite; l'Ecosse et l'Irlande du Nord opposés à l'Angleterre et au Pays de Galles. L'arme absolue du peuple — et donc de la nation où le peuple est largement majoritaire — est la démocratie. L'élite cherche d'autant plus à détourner celle-ci qu'elle est exploiteuse de son propre peuple et, davantage encore, des peuples colonisés, massacrés et exploités à la faveur d'une domination conférée à elle par la mondialisation capitaliste plus de quatre siècles durant. Mais la réaction populiste et européenne du peuple, aveuglé par les miettes qu'on lui laisse et procurées par l'impérialisme encore vivace, pourrait bien être le protectionnisme commercial, la fermeture des frontières et la haine de l'islam. Le problème est que la mondialisation colonialiste, et bien avant la globalisation, a entamé la nation alors que la démocratie a besoin du cadre national : on voit bien que la construction européenne butte précisément sur la construction démocratique. Le problème est que la globalisation a presque rasé les frontières face aux marchandises et à l'argent tout en multipliant les obstacles face aux hommes alors que sans les peuplements européens dans tous les continents les peuples de l'Europe seraient encore dans la misère. L'autre problème est que les Européens s'entêtent encore à nier le passage du témoin du progrès opéré vers 1300 entre l'Europe et l'islam, ce dernier l'ayant monopolisé durant cinq siècles. Il en découle que l'Europe oublie volontairement une partie essentielle de sa propre identité, comme elle est frappée d'une amnésie coupable à propos des génocides et autres prédations perpétrées à l'encontre des peuples coloniaux en général et des peuples musulmans en particulier. Chez nous, et jusqu'au printemps arabe, l'élite s'est autoproclamée et a privé le peuple de démocratie : le peuple est exploité et la nation pillée. Passerait encore si c'était au pofit de l'élite autochtone. Sauf que le plus clair de la spoliation passe aux Européens de — souche —. Il faut aussi poser une double vérité fondamentale :le peuple est musulman — c'est bien comme tel que les Européens le traitent — et l'islam politique est bien l'expression du peuple. Durant le dernier demi-siècle, l'élite exploiteuse a d'abord, durant les années soixante-dix, sollicité les islamistes pour pratiquement éliminer politiquement la partie de l'élite passée à gauche. Et après la Révolution populaire et islamiste de l'Iran — lequel en tant que nation peut s'opposer à d'autres nations comme l'Irak par exemple — les ordres de l'Occident en général et de l'Amérique en particulier à l'élite domestiquée étaient de régler leur compte aux islamistes. Et qu'a fait le peuple lorsqu'enfin, en 2011, il a droit à des élections à peu près valables ? Il a voté, en Tunisie, en Egypte, au Maroc et en Libye pour les islamistes. Moralité : le Brexit est un excellent révélateur même si les dérives européennes peuvent encore être plus funestes à l'avenir. Du moins, la plus grande puissance impériale de l'Europe a-t-elle mis celle-ci, tel le roi, à nu. Quant à l'union, elle est inconcevable de nos jours sans démocratie car, et le Brexit le prouve, rien ne marche sans le peuple. A quand la construction maghrébine, arabe, méditerranéenne, africaine, islamique ?