Cette fois, c'est définitif. Habib Essid passera au Parlement pour éventuellement céder le témoin à la personnalité qui le remplacera au palais de La Kasbah Hier, on attendait beaucoup de la rencontre Béji Caïd Essebsi-Habib Essid au palais de Carthage dans le sens où on prévoyait que le chef du gouvernement allait finir par se rendre à l'évidence, écouter les conseils de ses amis dont Sadok Chaâbane, l'ancien ministre de la Justice à l'époque de Ben Ali, et annoncer sa démission dans le but de faciliter le passage à la deuxième phase de l'initiative présidentielle, c'est-à-dire le choix du chef du prochain gouvernement dit d'union nationale dont le programme est déjà défini dans le Pacte de Carthage. Les journalistes, les politiciens et les observateurs se sont trouvés, hier, vers 13h00, dans l'obligation de déchanter : Habib Essid maintient sa décision de passer par le Parlement en vue de céder le témoin à la personnalité qui s'installera au palais de La Kasbah pour former le futur gouvernement. Et le chef du gouvernement pour, au plus tard, le début de la semaine prochaine de déclarer pour justifier sa décision : «Le passage au Parlement ne signifie pas un attachement au pouvoir. La responsabilité n'est pas permanente. L'intérêt supérieur du pays prime toutes les autres considérations». En plus clair, Habib Essid partira au cas où les députés qui l'ont installé au palais de La Kasbah décideraient de l'en déloger. Et cette fois, personne ne pourra dire sa surprise de voir les députés soumettre une motion de censure à l'encontre du chef du gouvernement puisque c'est lui-même qui déclare en «avoir convenu avec le président de la République dans le but d'accélérer le passage à la deuxième phase de l'initiative présidentielle». Les dés étant, désormais, jetés pour le gouvernement Habib Essid et ses jours comptés, l'on se pose toujours la question : que va dire Habib Essid quand il s'adressera aux députés de la nation pour répondre à leur motion lui demandant de partir ? Une autre question s'impose aussi : quelle est la date qui sera choisie d'ici lundi prochain au plus tard, correspondant au 25 juillet, date de la fête de la République, pour permettre à Habib Essid de faire son discours d'adieu. La question est d'autant plus légitime que certains constitutionnalistes, dont le prolifique Kaies Saied, soulignent qu'il est «impossible de changer de chef de gouvernement alors que le pays est sous l'état d'urgence jusqu'au 20 juillet, c'est-à-dire demain. Donc, le président de la République sera obligé, au cas où il voudrait respecter la Constitution, de ne pas renouveler ce mercredi l'état d'urgence, reconnaissant ainsi que les conditions de sécurité qui l'ont imposé se sont améliorées au point que le pays n'en a plus besoin. Ma crainte est de voir le chef de l'Etat réinstaurer l'état d'urgence, une fois le gouvernement d'union nationale formé. Et dans ce cas, bonjour la polémique puisqu'on va accuser le président de la République de ne pas avoir prolongé l'état d'urgence pour des raisons politiques et non parce que les conditions sécuritaires sont redevenues normales. De toute façon, nous n'en sommes pas encore là, mais rien ne nous empêche d'attirer l'attention sur une éventuelle querelle constitutionnelle qui se profite à l'horizon et la Tunisie n'en a pas besoin». On retourne aux conditions Mais comment ont réagi les acteurs du paysage politique national, principalement les membres de la coalition au pouvoir, à la décision de Habib Essid de quitter son poste, là où il a été choisi pour l'occuper ? Abdelaziz Kotti, porte-parole de Nida Tounès, se félicite de la décision du chef du gouvernement qu'il estime «créer une tradition politique digne des pays démocratique». Il ajoute : «Tout se passera dans le respect de la Constitution et dans le respect aussi que nous devons au chef du gouvernement pour les efforts qu'il a fournis depuis sa désignation au palais de La Kasbah. Au sein de Nida Tounès, nous n'avons pas encore de candidat. Nous parviendrons à le dénicher dans les délais convenus». Du côté d'Ennahdha, on salue également la décision de Habib Essid et on attend pour voir comment les choses vont évoluer. Habib Essid pourrait changer d'attitude si Mohamed Ennaceur, président de l'Assemblée des représentants du peuple, arrivait à le convaincre de raccourcir davantage les délais de son départ. Hier, au moment même où Habib Essid conférait avec le chef de l'Etat, le président du Parlement recevait une délégation des partis de l'opposition signataires du Pacte de Carthage venus solliciter son intervention pour raisonner le chef du gouvernement. Mais aussi pour poser leurs conditions : «Il faut que la présidence de la République retire son projet de loi sur la réconciliation économique et financière. Il n'est pas question que cette loi soit incluse au programme du prochain gouvernement», rouspète Zouheïr Maghzaoui, président du mouvement Echaâb, l'un des participants aux négociations du palais de Carthage. Pourtant, du côté de l'Instance vérité et dignité (IVD), on sent une certaine flexibilité sur le projet de loi relatif à la réconciliation économique et financière. Khaled Krichi, président de la commission arbitrage et réconciliation au sein de l'IVD, était, hier, l'invité de la commission parlementaire de législation générale et a laissé entendre que le projet présidentiel est «acceptable à condition qu'il subisse les réajustements qu'il faut».