PARIS (Reuters) — Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue hier dans toute la France pour dénoncer la politique sécuritaire du gouvernement, accusé de répression et de xénophobie. «Stoppons la répression», «Non à la politique inhumaine de Sarkozy», ont scandé les manifestants mobilisés à l'appel d'une centaine d'organisations soutenues par le Parti socialiste, les Verts, les partis d'extrême gauche et l'ensemble des syndicats. Des défilés étaient prévus dans quelque 130 villes, dont Montpellier, Bordeaux ou Strasbourg, ainsi que devant les ambassades de France dans plusieurs capitales européennes. A Paris, plusieurs milliers de personnes ont quitté en début d'après-midi le quartier de la République en direction de l'Hôtel de Ville. Sur la statue de la République au milieu de la place du même nom, un grand drapeau français de plusieurs mètres de large a été tendu, avec une tache en son centre où était inscrit le mot «sarkozysme». De nombreux manifestants brandissaient le drapeau tricolore et des pancartes sur lesquelles ont pouvait lire «Non à la xénophobie du gouvernement français», «Pas de Roms en charter, pas de France au Kärcher» ou encore «Privés de liberté sans décision de justice, merci Brice». A Bordeaux, 3.000 personnes selon les organisateurs, 1.200 selon la police, ont manifesté entre le parvis des Droits de l'Homme et la place de la Victoire, dans le centre-ville. A Lyon, les estimations varient entre 4.500 et 7.000. A Marseille, les organisateurs ont recensé 10.000 personnes entre le Vieux-Port et la préfecture, choisie comme lieu d'arrivée du cortège parce qu'elle est le «symbole de l'Etat». «Vichy c'est fini, Sarkozy ça suffit», ont repris en chœur les manifestants. Dans la foule, un homme porte un t-shirt orné d'une photo du président et de la mention «Expulsable en 2012». Racisme Organisée au terme d'un été marqué par une cristallisation du débat politique autour des questions sécuritaires, la journée d' hier a pour but, selon ses organisateurs, de défendre la devise «Liberté, Egalité, Fraternité» à l'occasion du 140e anniversaire de la République française. Elle survient un mois après le discours sur la sécurité prononcé par Nicolas Sarkozy à Grenoble, où le chef de l'Etat a annoncé que toute personne d'origine étrangère qui porterait atteinte à la vie d'un représentant de l'autorité publique serait déchue de sa nationalité. Le gouvernement a également accéléré la politique de démantèlement des campements illégaux de Roms et insisté sur les reconduites à la frontière des membres de cette minorité, représentée hier dans les défilés. «Je suis heureuse de voir que les Français et d'autres communautés nous soutiennent, car ce n'est pas normal de voir des êtres humains se faire expulser et persécuter comme ça. Il y a un racisme qui revient en 2010 et c'est quand même assez grave», a dit à l'agence Reuters Délia Romanès, qui dirige avec son mari Alexandre le cirque tzigane qui porte leur nom. Pour Jean-Pierre Dubois, le président de la Ligue des droits de l'Homme, «que nous soyons nombreux à dire calmement que l'avenir de ce pays, ce n'est pas le repli vers les vieilles haines et les vieux préjugés racistes, paraît important et ce sera une indication pour les mois qui viennent». «Nicolas Sarkozy reprend intégralement le programme de Jean-Marie Le Pen du 21 avril 2002. Depuis le lien constant entre immigration et délinquance jusqu'à la désignation de communautés, de groupes ethniques», a-t-il dit à Reuters TV en rappelant la présence du président du Front national il a huit ans au second tour de l'élection présidentielle. Dans la matinée, des artistes comme Jane Birkin et Agnès Jaoui ont manifesté devant le ministère français de l'Immigration, où ils ont symboliquement interprété la chanson de Serge Gainsbourg «Les p'tits papiers». La chanteuse Régine, interprète originale de la chanson et qui avait apporté par le passé son soutien à Nicolas Sarkozy, était présente.