Deux chorégraphies qui explorent une continuité entre les corps et les objets. Cette année, Automne danse investit un nouveau lieu tout en gardant son identité de scène dédiée aux jeunes chorégraphes tunisiens. C'est, en effet, à El Teatro qu'ils ont dansé cette année, pendant trois jours de spectacles les 20, 21 et 22 octobre. La première soirée, le public a pu découvrir le solo «twahachit» de Thouraya Boughanmi et «Asile» de Houssem Eddine Achouri, avec Azza Sami, Omar Abbès, Abdelkader Onhi et Houssem Eddine Achouri. Dans son spectacle, Thouraya Boughanmi nous invite à deviner ce qui lui manque tant. La nostalgie s'exprime en va-et-vient entre un fauteuil, lieu de repos et d'abandon du corps et un miroir au-devant de la scène, support de la confrontation avec soi. Transparent, ce miroir lui permet de voir la salle et au public de la voir à travers lui. Nous autres spectateurs sommes donc invités à notre tour à libérer notre nostalgie, peut-être pour des souvenirs simples mais heureux, et pour les gestes du quotidien qui leur étaient associés. Une nostalgie teintée de mélancolie, comme la «Saudade» chantée par Cesaria Evora, pour un lointain souvenir, si lointain qu'il semble venir de «A million years ago» comme le chante Adele. Une lumière chaude épouse les couleurs du décor et celles du costume de Thouraya Boughanmi pour créer une atmosphère entre rêve et éveil. La nostalgie tourne peu à peu à l'obsession exprimée par la répétition des gestes. Les souvenirs semblent cloîtrés dans un lieu ou une mémoire... D'enfermement, il est également question dans «Asile» où Houssem Eddine Achouri propose une chorégraphie autour de quatre personnages en asile. L'enfermement est physique et psychologique, dès lors, les objets et le lieu prennent d'autres significations. Ils sont d'une part les symboles du ressenti des personnages et ils sont d'autre part des objets de convoitise et de conflits, surtout qu'ils sont rares dans un espace de délabrement visuel et émotionnel. L'intelligence de la mise en scène de Houssem Eddine Achouri a su marier ces deux aspects de maladie mentale, avec un dédoublement de l'usage des accessoires et une chorégraphie qui joue sur les possibles extensions des corps et leurs séparations.