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« Les entreprises tunisiennes ont un fort potentiel de développement » Entretien avec... Amr Kamel, vice-président du conseil d'administration de la Banque africaine d'import-export (Afreximbank)
La Tunisie est l'un des pays fondateurs de la Banque africaine d'import-export (Afreximbank), filiale de la Banque africaine de développement (BAD), et l'un de ses plus grands contributeurs. Toutefois, dans le portefeuille d'activité de la banque, la Tunisie ne bénéficie pas du même rang. Dans quels domaines la Tunisie et l'Afreximbank pourraient-ils développer des affaires ? L'étude du plan de développement économique de la Tunisie 2016-2020 a montré que la banque pourrait intervenir sur différents niveaux, surtout que plusieurs des orientations du plan tunisien convergent avec les objectifs de notre plan quinquennal 2017-2021. Au concret, lors de notre visite en Tunisie, des rencontres ont été tenues avec des opérateurs du secteur bancaire, ce qui pourrait déboucher sur des partenariats futurs. De même, des membres de la délégation ont effectué des visites d'entreprises et d'usines d'envergure en vue de jauger les champs de collaboration. A l'issue de ces activités, je crois que le champ des possibilités est large. La banque prévoit le décaissement de 90 milliards de dollars pour la réalisation de son plan quinquennal qui vise la promotion du commerce entre les pays africains. Comment allez-vous dépenser cette somme ? Une étude menée par la banque montre que le développement du commerce bilatéral était l'un des piliers, voire le premier, du développement des puissants groupes économiques de l'Extrême-Orient. A partir de là, on a songé que la promotion du commerce bilatéral entre les pays africains permettrait de renforcer les économies, d'une part, et les immuniser contre certains chocs extérieurs, de l'autre. On a commencé alors par se pencher sur les pays qui recèlent des potentialités de développement, notamment dans des filières manufacturières et industrielles. A cet égard, la Tunisie dispose d'un tissu industriel compétitif, sauf que son développement sur le continent demeure en deçà de son potentiel à cause de la méconnaissance des marchés africains. A ce niveau, la banque peut actionner ses leviers pour dissiper cette barrière. La banque intervient par le financement, bien évidemment, mais aussi par la couverture de certains risques et la plaidoirie. Quand on s'adresse à l'Union Africaine, par exemple, on lui présente notre vision pour stimuler l'intégration des groupes économiques déjà formés. Parmi les autres produits non financiers de la banque, on peut citer, également, les cycles de formation et de sensibilisation en vue de promouvoir à travers le partage des données et des informations ainsi que les mises en relation des entreprises. Dans le cadre de ce programme, une attention particulière est portée sur les PME à forte employabilité et leur intégration dans les chaînes de valeur. Vous parlez d'intégration et d'ouverture alors que certaines économies du continent sont dépendantes d'un seul secteur, comme celui des hydrocarbures pour maints pays. Comment comptez-vous casser cette dépendance ? Avant mon arrivée à Tunis, j'étais en Angola, où le secteur des hydrocarbures forme presque 90% de son économie. Toutefois, avant la découverte du pétrole, l'Angola était très avancé dans d'autres secteurs, notamment la culture du cacao ainsi que d'autres petites industries. Avec l'arrivée du pétrole et ses recettes conséquentes et relativement plus faciles à générer, tout a quasiment disparu. Nous travaillons à ressusciter ces filières, notamment celles à fort potentiel. Plus généralement, le programme « Africa-win » a été mis en place pour développer la filière du cacao, dont l'Afrique dispose d'un avantage comparatif. Malheureusement, jusque-là, il est exporté en l'état vers des pays européens qui le valorisent, en chocolat notamment, qui sera importé par les Africains à des prix dépassant de loin celui de la matière première. Notre objectif est de renforcer les capacités des entreprises locales pour qu'elles puissent réaliser, au moins, une première transformation de ces matières sur le continent et capter ainsi une plus importante valeur ajoutée. Une autre forme de dépendance : certains pays commercent avec des pays non continentaux plus qu'ils ne le font avec des pays voisins, frontaliers parfois... C'est très difficile de briser certaines traditions de commerce. Quand une entreprise est rodée sur un marché quelconque, il est difficile de la convaincre de changer la destination de ses produits. Toutefois, l'environnement international était favorable à un détournement du commerce au profit d'autres marchés, africains notamment. L'Europe, avec la crise, importait moins qu'auparavant. La Chine, également, affiche des signes de fléchissement de sa demande. Ce qui a poussé les entreprises à considérer d'autres alternatives. Les pays de l'Afrique du Nord, à l'instar de la Tunisie, de l'Egypte et du Maroc, ont encaissé les répercussions des crises à répétition de leurs marchés classiques, ce qui a fait orienter les regards vers le continent et la demande croissante de sa classe moyenne en progression. Les pays de l'Afrique du Nord sont, d'ailleurs, bien positionnés pour répondre à cette demande. Est-ce que les entreprises de l'Afrique du Nord sont prêtes pour relever ce défi ? L'émergence de champions africains est l'un de nos objectifs. Lors de notre visite en Tunisie, on a constaté sur les lieux que des entreprises tunisiennes disposent d'un fort potentiel de développement. On ne ménagera aucun effort pour accompagner leur conquête des marchés africains. Sur un autre plan, la hausse des coûts de la main-d'œuvre en Chine a poussé certaines entreprises à engager des recherches actives sous d'autres cieux pour produire et maintenir leur compétitivité. C'est une opportunité pour l'Afrique afin de se transformer en hub industriel. Je parle ici des industries légères principalement, quoique des pays comme la Tunisie, l'Egypte et le Maroc peuvent développer d'autres filières plus poussées. La Tunisie affiche des avantages compétitifs dans les industries aéronautiques, automobiles, pharmaceutiques... Sur l'ensemble du continent, ce sont quelque 60 millions d'emplois qui seront créés si nous réussissons ce challenge. Outre la main-d'œuvre, les matières premières sont disponibles sur place. En réalité, les Asiatiques importent la matière de chez nous. Il ne faut pas rater le tournant.