Au marché central de Tunis, des pancartes affichent des prix assez gonflés sur les produits basiques de la marmite tunisienne Il est 11h30 en ce mercredi 31 mai. Au cinquième jour de ramadan, le marché central de Tunis grouille de clients qui font les emplettes nécessaires à la rupture du jeûne. L'on se bouscule. L'on s'arrête net face à un produit alimentaire alléchant. L'on fait la moue en examinant les prix affichés. L'on sillonne les pavillons, guidé par les senteurs appétissantes des variantes et des épices. Toutefois, les commerçants ne semblent point satisfaits ! Adel est marchand de fruits. D'après lui, ainsi que la majorité des marchands interpellés, l'activité commerciale propre à ramadan se limite aux deux premiers jours du mois saint, durant lesquelles les clients s'adonnent à des courses opulentes. «Ce n'est que durant les deux premiers jours de ramadan que l'équation offre-demande peut être qualifiée de réussie. Pour le reste du mois, l'activité demeure anodine. Elle reste nettement moindre par rapport à celle des ramadans d'antan», indique-t-il. Sur l'étal de Adel tout comme des autres marchands de fruits, les prix affichés en disent long sur la cherté de la vie. En effet, les oranges sont à 2d300 le kilo; les pêches à 3d980 ; les abricots à 2d980 ; les cerises à 3d980 les 500 grammes. Le marchand explique la hausse des prix par la nature même des fruits exposés. En cette période de l'année, les fruits disponibles sont ou bien des fruits tardifs, comme les oranges, ou bien précoces, comme les pêches et les pastèques. «Du coup, les étals regorgent essentiellement de fruits qui ne sont pas des fruits de saison, d'où leurs prix élevés», souligne-t-il. Des légumes...bien salés ! Un peu plus loin se trouve le stand de Hassen, marchand de légumes. Pour lui, l'offre est abondante et à des prix raisonnables. Pourtant, les pancartes affichent des prix assez gonflés sur les produits basiques de la marmite tunisienne. En effet, les tomates sont à 1d430 et à 1d560 le kilo ; le piment est à 1d950 ; les aubergines sont proposées à 2d340 le kilo ; le poivron est à 2d200 le kilo ; les oignons sont à 1d260 ; les pommes de terre à 0d980 le kilo ; les courgettes à 1d260 le kilo et le concombre est vendu à 1d430 le kilo. «Les prix ont nettement chuté par rapport aux semaines précédant ramadan, ce qui est en faveur des clients. Le prix des tomates avait atteint les 2d500 le kilo ; les piments étaient vendus à 2d450 et les oignons à 1d800», ajoute-t-il, confiant. Il semble même convaincu de la fourchette des prix des denrées élémentaires à la consommation alimentaire. Pourtant, ce n'est point l'avis des clients. Aïcha est une femme démunie qui passe ses jours au marché pour vendre des sachets. Cette femme fait part de sa confusion, celle d'une consommatrice qui a du mal à accéder à certains produits. «Mon gagne-pain quotidien se limite à dix dinars. Cette somme ne suffit aucunement pour acheter certains produits que je vois tous les jours et dont les prix sont ahurissants, notamment la viande, le poisson et les fruits. Aussi, je me contente de légumes et de volaille, de quoi nourrir mes petits-enfants qui sont à ma charge», avoue-t-elle. La classe moyenne peine à résister Rencontré au pavillon des variantes, Abdeladhim s'apprêtait à quitter le marché un sachet à la main. Ce retraité fait chaque jour un petit saut au marché pour passer le temps et pour faire des courses. «Aujourd'hui, je n'ai pas acheté beaucoup de choses, juste des olives, du fromage pour la salade, des feuilles de malsouka et des pêches», indique-t-il, souriant, ravi qu'il est de n'avoir pas dû dépenser davantage. Pour lui, les denrées alimentaires coûtent cher. «De nos jours, seuls les richards parviennent à mener une vie paisible. La classe moyenne peine à résister à la crise. Finalement, l'on ajuste nos moyens pour manger et pour payer les factures et rien de plus», ajoute-t-il. Jamel s'amuse à perfectionner son étal de crémier tout en servant les clients. Malgré la demande, il juge que l'affluence des clients a sensiblement diminué ces deux derniers jours. «C'est prévisible d'ailleurs, étant donné qu'avant chaque occasion de consommation, l'on fait circuler des infos dissuasives quant à la consommation de certains produits alimentaires. Avant l'Aïd el Idha, les parties concernées diffusent des informations sur la contamination du cheptel par un virus... Avant ramadan, ce sont les produits laitiers qu'il faudrait éviter. Ceci est voulu et est au profit des grandes marques de fromage», indique-t-il, sur un ton ironique. Finalement, l'équation offre-demande dépend, outre le rapport prix-moyen, de cette aptitude à s'acclimater à un mode de vie nouveau, fondé sur l'esprit économe. Les Tunisiens n'ont d'autres choix que de serrer la ceinture pour arrondir la fin du mois, ce qui déplait aux commerçants. La société tunisienne parviendra-t-elle à rejoindre le groupe des sociétés économes ? Photos : Samir KOCHBATI