Par Abdelhamid GMATI Les défis ne manquent pas dans cette Tunisie en apprentissage de la démocratie : guerre contre le terrorisme, contre la corruption, contre la contrebande, lutte contre l'évasion fiscale et la criminalité. Mais il est aussi des dysfonctionnements qui sont aussi nocifs. Et ce mauvais fonctionnement concerne, non seulement des institutions mais aussi le comportement de certains individus sans scrupules. Ainsi en est-il avec les problèmes de l'eau. Tout le monde sait que notre pays est en pénurie d'eau, et la situation est de plus en plus critique; cette situation chronique a été accentuée ces dernières années par les effets des changements climatiques, «l'augmentation des besoins mais également par la dégradation et la vétusté des infrastructures de la Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux (Sonede) et des infrastructures d'irrigation et de transfert de l'eau, générant des pertes d'eau s'élevant à près de 30% des quantités transférées». Ce qui fait dire à Samir Taïeb, ministre de l'Agriculture, des Ressources hydraulique et de la pêche : «Vu les circonstances actuelles, une politique de gestion d'eau qui suppose une coupure d'eau quelques heures dans la journée sera nécessaire». On a même pensé à une «augmentation graduelle du prix de l'eau». Et voilà qu'on découvre l'existence d'un marché illicite de l'eau. Un marché qui, d'après des experts et des responsables régionaux, s'est développé dans plusieurs régions du pays. Et on apprend que ce marché est très lucratif, sachant que « le bidon de 10 litres d'eau de Zaghouan est vendu dans le Grand Tunis et ses environs à 1 dinar, soit 100 dinars le m3, ce qui équivaut à 161,3 fois le tarif moyen de l'eau potable appliqué par la Sonede (0,620 dinar/m3)». Et on précise, à titre d'exemple, que «la source de Sidi Médien est équipée de deux robinets avec un débit actuel de 7 litres par minute et des jeunes se relayent toute la journée pour remplir les bidons de 10 litres, ce qui fait gagner énormément de temps aux transporteurs». Mieux : l'eau de la Sonede est également distribuée dans des bidons, laissant croire aux acheteurs que c'est de l'eau de source. On signale que l'eau de la Sonede est également utilisée pour irriguer des terres agricoles. Plus grave: les sources d'eau sont saines mais la qualité n'est pas préservée lors du stockage et du transport. Et des médecins ont évoqué des gastro-entérites aiguës chez plusieurs patients, dues à la consommation de ces eaux. A signaler qu'une circulaire interdit cette pratique. Autres dysfonctionnements : selon le ministère de la Santé, «il existe des lacunes juridiques en ce qui concerne les délits en matière de commercialisation des produits alimentaires qui font courir des risques sanitaires au consommateur tunisien». Et selon Mohamed Rabhi, directeur de la préservation de la santé du milieu et de l'environnement au ministère de la Santé, «cela a contribué à encourager les contrevenants à poursuivre leurs crimes. La loi de 1991 prévoit des amendes variant de 60 dinars à 200 dinars pour les contrevenants. Lors des 20.000 visites d'inspection aux magasins et boutiques d'alimentation en 2017, 18.000 infractions de la santé ont été enregistrées. Et durant la même période, la proportion des quantités d'aliments saisis ne convenant pas à la consommation s'est élevée à 165 tonnes». Faut-il rappeler les trop nombreux cas d'intoxication alimentaire enregistrés ces derniers mois? Mohamed Rabhi a déclaré, en juillet dernier, que 500 cas d'intoxication alimentaire collective ont été enregistrés au cours des quatre premiers mois de 2017; 60% de ces intoxications ont été enregistrées en milieu scolaire, la plupart des victimes étant des élèves qui ont mangé de la nourriture provenant d'épiceries situées à proximité des établissements éducatifs. Dans la région de Médenine, 96 citoyens ont été victimes d'une intoxication alimentaire samedi 1er juillet. Ils avaient consommé du thon acheté à un des vendeurs installé au niveau de la route entre Zarzis et Médenine; 23 enfants ont été victimes d'intoxications alimentaires après avoir mangé dans un fast-food dans la ville de Monastir; un infirmier travaillant à l'hôpital de Menzel Bourguiba est décédé vendredi 28 juillet après avoir consommé un sandwich au salami acheté dans un restaurant; le 29 juillet dernier, le gouverneur de Kasserine a décidé la fermeture définitive de l'abattoir municipal de Fériana, car «l'établissement ne remplit pas les conditions minimales d'hygiène, aussi bien pour les consommateurs de viandes que pour les habitants des alentours de l'abattoir». Ces dysfonctionnements sont graves car ils touchent à la santé du citoyen. Il en est d'autres dans d'autres domaines tout aussi préjudiciables.