En prenant deux mois successifs de vacances, nos parlementaires se paient en quelque sorte un luxe que les urgences et le sens des responsabilités récusent. En effet, sans Cour constitutionnelle, et sans Isie à la configuration bien ficelée, les prochaines élections législatives et présidentielle risquent fort d'en supporter les excroissances perverties et douteuses De l'avis des observateurs avertis, les vacances parlementaires sont trop longues. Ayant quitté les travées de l'Assemblée fin juillet, les élus ne les retrouveront que début octobre ! Et pourtant, un aspect essentiel des activités législatives demeure toujours en souffrance. Bien pis, il est organiquement lié aux échéances électorales cruciales escomptées pour l'année prochaine. Nos législateurs se complairaient-ils d'aventure dans la fâcheuse posture des tristement célèbres Rois fainéants ? Qu'on en juge. La Cour constitutionnelle n'est pas encore mise en place, à défaut de vote parlementaire des quatre membres devant être élus par les députés. Le dernier vote a perpétué la donne, à l'issue d'un énième désaccord des blocs parlementaires et l'absence du seuil minimum d'éligibilité des candidats en lice. C'est que chaque parti, chaque mouvance, défend son «poulain», au risque de se retrouver dans le même déséquilibre catastrophique. Le statu quo du néant et de la sclérose en quelque sorte. Le même modus operandi, observé depuis la révolution, se poursuit. Les partis cachent leur jeu, avancent leurs pièces en fonction des intérêts étroits et électoralistes, hypothèquent les institutions souveraines à l'aune de leurs calculs de boutiquier. Idem de la haute instance indépendante -ou supposée être comme telle- des élections, l'Isie. Ses deux derniers présidents successifs ayant démissionné, elle demeure décapitée, incomplète et sujette à des tiraillements obscurs où le non-dit est de mise. Là encore, le Parlement avait son mot à dire. Et il n'en est toujours rien. Pourtant, les parlementaires devront s'arrimer, dès la rentrée, à la nouvelle loi de finances, qui s'annonce particulièrement âpre et controversée. En cause, l'environnement difficile : dépréciation du Dinar, hausse vertigineuse du taux directeur, inflation galopante, renchérissement des prix, baisse dramatique du pouvoir d'achat et pression fiscale. Ajoutons-y la sous-utilisation des ressources industrielles et manufacturières, la baisse de production et des exportations, les contrecoups pervers du corporatisme ambiant et la boucle est bouclée. C'est que, malgré les derniers accords salariaux, les rapports entre le gouvernement et les syndicats patronaux et ouvriers particulièrement demeurent en dents de scie. Dès lors, les questions fondamentales de la Cour constitutionnelle et de l'Isie seraient reléguées à l'arrière-plan. En prenant deux mois successifs de vacances, nos parlementaires se paient en quelque sorte un luxe que les urgences et le sens des responsabilités récusent. En effet, sans Cour constitutionnelle, et sans Isie à la configuration bien ficelée, les prochaines élections législatives et présidentielle risquent fort d'en supporter les excroissances perverties et douteuses. On aurait pu imaginer une rallonge de l'année parlementaire moyennant une espèce de contrat par objectifs. Dès que l'élection des quatre membres de la Cour constitutionnelle et la régularisation de la situation de l'Isie seraient parachevées, les députés pourraient profiter de vacances bien méritées de surcroît. Ce qui aurait fait l'affaire de tout le monde, conforté les institutions constitutionnelles en souffrance et garanti une rentrée où l'essentiel prime l'important sans pour autant travailler sous le poids des implacables urgences hâtives. Lors de la dernière séance de vote de confiance au nouveau ministre de l'Intérieur, pas moins de cinquante-deux députés avaient pris la parole en séance plénière. Les représentants du bloc de Nida Tounès avaient même voté la confiance au nouveau ministre à charge toutefois pour le gouvernement de se soumettre au vote de confiance du Parlement dans les dix jours, à leurs dires. Trois jours après, le Parlement a pris ses vacances parlementaires de deux mois ! Et cela résume on ne peut mieux, par l'absurde, l'attitude fantasque de nos élus. On ne le répétera jamais assez, le flou alimente les loups, et l'à-peu près les atermoiements.