Dès sa naissance, la jeune fille arabe ouvre les yeux sur un contexte social fondé sur l'inégalité des sexes. La religion — bien que témoignant un grand respect pour la gent féminine — place l'homme à un rang supérieur, car de protecteur. Au fur et à mesure qu'elle grandit, la jeune fille arabe remarque perpétuellement les réactions et les positions discriminatoires, avancées aussi bien spontanément par son entourage familial et social que d'une manière préméditée. Des réactions qui la rappellent à l'ordre et qui ne manquent pas de lui insinuer qu'elle est une fille et qu'elle doit par conséquent faire preuve de soumission, de résignation, d'acceptation consentie ou non de la situation qu'on lui impose ; bref, de faire de son mieux pour gagner l'appréciation des autres, notamment de l'homme-protecteur et de la société sévèrement conservatrice. Une décennie du troisième millénaire vient de s'écouler et la situation de la jeune fille ou de la jeune femme arabe demeure, dans certains pays, un objet de réflexion, d'interrogations voire d'étonnement. Certes, mais pas aux yeux de tous. La documentation portant sur la jeune fille arabe s'avère rare parfois même inexistante. Quelle est la situation de la jeune fille arabe à l'heure actuelle ? Quelle est la courbe de son évolution à travers le temps, à l'ombre de la mondialisation et suivant le changement des mentalités si changement de mentalités il y a ? Quels sont ses défis ? Mais aussi quels sont ses problèmes persistants ou ses problèmes émergeants ? Ces interrogations ne trouvent pas forcément des réponses, du moins, satisfaisantes et précises. Selon les données fournies dans le second rapport de développement de la femme arabe, élaboré par le Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche (Cawtar) et consacré aux adolescentes arabes,la catégorie des adolescentes arabes compte actuellement près de 17.048 mille et est susceptible d'atteindre les 19.941 mille à l'horizon 2020. 17 mille adolescentes arabes, à chacune sa vie, ses aspirations, son avenir et ses contraintes. Quelles sont celles qui réussiront leur vie et réaliseront leurs objectifs et leurs missions dans leurs pays ? Et quelles sont celles qui, à défaut d'égalité des genres et vivant dans des sociétés attirées plus par les chaînes du passé que par les perspectives du futur, qui seront privées du meilleur ? Certes, le taux de scolarisation des filles dans la région arabe a connu une évolution. Toutefois, il y a une nette différence entre les pays. Selon le rapport de l'Unicef pour l'année 2000, le taux d'alphabétisation des jeunes filles âgées entre 15 et 24 ans varie selon les pays : pour certains, il excède les 90% alors que pour d'autres, il ne dépasse guère les 40%. Pis encore, alors que l'année 2015 a été fixée, selon les objectifs de développement du millénaire, comme année mettant fin aux disparités au niveau de l'enseignement, les taux d'inscription dans l'enseignement primaire et secondaire affichent une nette régression dans bon nombre de pays arabes. Nourrie à la discrimination L'inégalité entre l'homme et la femme se vit chaque jour chez les jeunes filles qui grandissent en voyant leurs mères, leurs sœurs ou tout simplement leurs semblables, contraintes au silence, aux tâches ménagères, aux missions rudimentaires, à un train-train sans surprises. Selon ledit rapport, la jeune fille arabe accepte mal sa puberté. Choquée, apeurée, et piquant une crise de larmes dans 60,6% des cas, l'entrée proprement dite dans le camp féminin ne s'avère point un événement heureux. Pour elles, sans doute, les choses prennent une tournure encore plus sérieuse : protéger sa virginité, sa réputation, être digne de son statut de jeune femme arabe, et donc, conforme aux critères recommandés par la société tout en faisant de son mieux pour évoluer, acquérir les connaissances et une certaine autonomie intellectuelle, matérielle et s'impliquer dans la société. Certaines populations arabes persistent à pratiquer une forme de violence bien particulière sur les jeunes filles : l'excision. L'idée étant d'intervenir inhumainement pour annuler toute jouissance sexuelle et éviter ainsi le déshonneur éventuel. D'autres recourent à une autre tactique tout aussi opprimante pour la jeune fille, à savoir le mariage précoce, parfois même forcé. Les cas de jeunes adolescentes arabes qui se trouvent mariées à des hommes de loin plus âgés qu'elles alors qu'elles ne sont encore que des enfants — le code de protection de l'enfance qualifie d'enfant tout individu dont l'âge est inférieur à 18 ans — sont innombrables, mais les statistiques, elles, sont inexistantes. Toutefois, le rapport sur l'adolescente arabe montre qu'entre 21% et 30% des femmes enceintes dans le monde arabe sont âgées de moins de 20 ans. D'emblée, donc, la relation entre jeune homme et jeune fille se trouve placée sous le signe de la peur, de la prise au piège, de la confiance méritée ou non, de l'abus d'autorité exercé par l'homme, père soit-il, frère ou époux et appuyé par la société, d'un bras de fer perdu d'avance car déséquilibré par la force masculine et la fragilité féminine. Aussi, bon nombre de jeunes filles arabes délaissent-elles les bancs de l'école pour vêtir tôt, très tôt, le costume de mère de famille. Les chiffres montrent que la tranche d'âge des jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans est celle qui recourt le moins aux moyens contraceptifs. Pour ce qui est de la contamination par le VIH/ Sida, le rapport montre que les femmes sont de loin plus concernées par le virus. En 2001, 110 mille femmes arabes, âgées entre 15 et 24 ans sont touchées par le sida contre seulement 41 mille hommes du même âge. Implication économique mercuriale L'implication de la jeune fille arabe dans la dynamique économique varie, elle aussi, d'un pays à un autre ; une variation remarquable puisqu'elle peut se restreindre dans un pays à seulement 19% comme elle peut atteindre 63% dans d'autres. Pour ce qui est du revenu salarial estimatif de la femme, il reste fort inférieur à celui de la gent masculine. Par ailleurs, et pour ce qui est de la contribution féminine dans les décisions politiques, elle demeure en-deçà des espérances. Certes, dans la majorité des pays arabes, la femme a décroché son droit électoral. Toutefois, sa place dans le Parlement demeure timide dans la plupart des pays. Il y a également lieu de souligner que dans certains pays arabes, la jeune fille ou encore la jeune femme se trouve privée de son droit à l'épanouissement culturel. Déscolarisée dès son jeune âge, contrainte au port du voile, elle est confrontée à un tas d'obstacles l'empêchant de vivre pleinement sa jeunesse et d'exploiter son potentiel artistique. Ainsi, il est strictement interdit pour certaines filles de pratiquer du sport, de recevoir des cours de musique, de chant, de s'adonner à la danse, etc. Pourtant, et en dépit de toutes ces restrictions et de ces obstacles qui entravent son parcours, la jeune fille arabe tente un tant soit peu de marquer le coup et de s'imposer par ses critères spécifiques dans un contexte social et économique, truffé de difficultés. Il suffit de faire un flash back et de se rappeler de sa contribution dans tous les domaines, y compris ceux jadis réservés à la gent masculine pour constater l'effort fourni par la jeune fille — ou la jeune femme — arabe pour s'impliquer de plain pied dans son milieu. Certes, certaines jeunes filles demeurent exclues du domaine de l'enseignement dans bien de pays, mais important est le nombre de celles qui percent dans tous les domaines économiques, culturels et même dans la société civile. Certes, sa place dans les parlements arabes n'est pas vraiment significative, mais son combat pour la dignité et pour l'indépendance de leurs patries témoigne d'une force désormais insoupçonnée et du rôle considérable d'une citoyenne à part entière. La jeune fille arabe avance à pas à la fois timides et déterminés. Les décideurs arabes devraient plus que jamais promouvoir le rôle de la jeune femme et œuvrer à son insertion dans tous les domaines sans exception dans une logique anti-discriminatoire et dans le but de concrétiser l'égalité entre homme et femme.