• M. Huo Zhengde, ambassadeur de Chine à Tunis, dénonce l'attribution du Prix Nobel de la paix à l'opposant Liu Xiaobo comme «une provocation grossière» Liu Xiaobo, choisi par le Comité d'Oslo pour recevoir le Prix Nobel de la paix 2010, est «un criminel» et les critères de ce choix «n'ont rien à voir avec les droits de l'Homme», tel est le message que voulait passer hier l'ambassadeur de Chine en Tunisie, M. Huo Zhengde, au cours d'un point de presse dans les locaux de l'ambassade. Liu Xiaobo a été condamné en décembre 2009 par la justice chinoise pour «activités visant à déstabiliser l'Etat chinois». Le choix par le Comité d'Oslo d'un condamné qui purge sa peine dans une prison chinoise est ressenti par Pékin comme «une provocation grossière contre la souveraineté judiciaire de la Chine et une ingérence brutale dans les affaires intérieures chinoises». M. Huo Zhengde dénonce «la récidive», puisqu'«en octobre 1989, le Prix a été décerné au Dalaï Lama, un moine politique sous couverture religieuse, qui cherche tout le temps à diviser la Chine». Les choix de 1989 et de 2010 ont édifié la Chine dans sa conviction que le Prix Nobel de la paix «est devenu un instrument politique entre les mains de certains pays occidentaux contre des pays tiers au nom des droits de l'Homme», ce qui est «contraire au testament d'Alfred Nobel». Les griefs de la Chine contre l'Occident ne remontent pas seulement aux années 80 du siècle dernier, mais aux années 40 du XIXe siècle. L'ambassadeur a rappelé brièvement les événements tragiques qui ont marqué les relations de la Chine avec les puissances étrangères durant près d'un siècle. Il a cité «la guerre de l'opium imposée par le Royaume-Uni en 1840, l'agression des huit puissances en 1900, l'invasion japonaise en 1931», et le calvaire n'a pris fin qu'en 1949 avec la victoire de la révolution maoïste. Visiblement, ce lourd héritage historique refait surface chaque fois que la Chine et l'Occident se trouvent engagés dans un bras de fer au sujet des droits de l'Homme, de la Corée du Nord ou, plus simplement, pour des désaccords économiques, commerciaux ou monétaires. Pour l'ambassadeur de Chine à Tunis, «les pays occidentaux sont si endettés auprès de la Chine qu'ils ne sont pas en mesure de lui donner des leçons.» Evidemment, il ne s'agit pas ici de la dette fabuleuse auprès de la Banque centrale chinoise, mais de la dette morale auprès du peuple chinois pour le calvaire subi de 1840 à 1949. A l'argument des Occidentaux qui veut que leur interférence vise à «aider le peuple chinois à jouir des droits de l'Homme», M. Huo Zhengde répond que «la situation actuelle des droits de l'Homme en Chine n'a jamais été aussi bonne qu'aujourd'hui, en comparaison de n'importe quelle période de l'histoire chinoise», ceci d'une part. D'autre part, dit-il, «notre monde diversifié est une réalité. Vouloir l'uniformiser est une fantaisie. Et c'est d'ailleurs antidémocratique. Il n'y a pas de modèle de développement ni de système politique et économique valables pour tous les pays du monde». L'attribution en octobre 1989 du Prix Nobel de la paix au Dalaï Lama est clairement une réponse aux événements de la Place Tien Anmen de 1988. Y a-t-il un événement auquel la Chine lie l'attribution du Nobel de cette année à Liu Xiaobo ? L'ambassadeur ne voit pas d'événement particulier, mais place «la provocation» dans le cadre de la stratégie générale de l'Occident consistant à entraver la progression de la Chine. Mais celle-ci, assure-t-il, «est déterminée à ne pas se laisser faire et à continuer sur la voie du développement». Déterminée, mais ouverte, car, selon l'ambassadeur, «la Chine est toujours disposée à engager le dialogue sur un pied d'égalité avec des pays étrangers sur les droits de l'Homme pour s'inspirer des bonnes expériences étrangères, mais elle refuse les pressions politiques extérieures des donneurs de leçons».