En moyenne, 5% des enfants présentent des troubles d'apprentissage spécifiques au début de la scolarité, dont l'un des plus fréquents est la dyslexie. Cette maladie, due à un dysfonctionnement cérébral, dont les causes exactes n'ont pas été déterminées (le facteur héréditaire a été incriminé) est responsable des grandes difficultés de lecture que rencontre l'enfant au cours des premières années de l'enseignement primaire. Ce dernier a, en effet, du mal à établir la liaison entre les phonèmes et les graphèmes et à transcrire correctement les sons des syllabes, ce qui entraîne une mauvaise mémorisation de l'orthographe des mots. La lecture est hachée, hésitante et parsemée d'erreurs. L'enfant inverse l'ordre des syllabes et omet de prononcer certains sons ( “fil”est lu “il”, “parapluie” devient “parapuie”, “escapade” est lue “cascapade”). Durant le primaire, les mêmes erreurs de lecture et d'écriture vont persister et à la fin du cycle, la majorité des dyslexiques n'arrivent pas à lire avec précision. Afin de déterminer les raisons de ces difficultés, des études scientifiques ont été effectuées et ont montré que les dyslexiques n'utilisent pas les mêmes parties du cerveau que les autres enfants lors de la lecture. “L'enfant autiste rencontre des problèmes de concentration et d'orientation spatio-temporelle, note Mme Nahed Hafsia, enseignante orthophoniste à l'Ecole supérieure des sciences et techniques de la santé de Tunis, rencontrée, lors des journées du service de neurologie pédiatrique, organisées récemment sur le thème du retard moteur et des troubles spécifiques des apprentissages (TSA). Il est très lent et met beaucoup plus de temps que les autres pour assimiler les connaissances. Il a également un problème pour se repérer dans le système spatio-temporel et n'arrive pas à se situer dans l'espace, à différencier le haut du bas et la gauche de la droite. Il ne fait pas non plus la différence entre le matin et le soir. La motricité est très lente et l'enfant a du mal à écrire. Il fait également des erreurs de lecture et d'écriture qui persistent au cours des années scolaires qui suivent”. L'incompréhension des instituteurs Taxés de mauvais élèves et même de cancres de la classe, car ils ont du mal à suivre le rythme, les enfants dyslexiques se heurtent très souvent à l'incompréhension des instituteurs et des institutrices, peu informés sur les troubles liés à la dyslexie. L'enfant, qui ne suit pas au même rythme que les autres, est souvent humilié, ridiculisé et même raillé par son instituteur. La situation tourne au drame pour certains qui perdent leur confiance en soi, deviennent dépressifs et ne veulent plus remettre les pieds à l'école. C'est du côté de la formation qu'il faut aller chercher le problème, pense M. Ahmed Ouchtati, inspecteur général de l'éducation à la retraite. Certes, des dispositifs ont bien été mis en place pour garantir la meilleure prise en charge des enfants dans les établissements éducatifs. Mais, les enseignants sont, encore, insuffisamment informés sur les troubles de l'apprentissage liés à la dyslexie et doivent suivre régulièrement des sessions de formation. “La dyslexie nécessite une prise en charge multidisciplinaire. Il est important que les orthophonistes, les neurologues, les psychiatres aillent vers les enseignants pour discuter avec eux sur les spécificités de cette maladie et les troubles qui y sont liés. Les journées portes ouvertes organisées par le service de neurologie pédiatrique sur le thème des troubles spécifiques de l'apprentissage constituent une bonne initiative pour informer les parents, les enseignants , les pédagogues…Des journées de ce type devraient également être organisées au sein des établissements éducatifs tunisiens”, note M. Ouchtati. La prise en charge d'un enfant dyslexique au sein de l'établissement scolaire doit faire l'objet d'une approche appropriée, poursuit l'inspecteur. Dès l'apparition des premiers troubles d'apprentissage en classe, l'enfant doit être orienté vers le médecin de l'école afin de faire un diagnostic. S'il s'avère que l'écolier souffre bien de dyslexie, le médecin scolaire devra, alors, indiquer à l'enseignant la conduite à suivre pour aider l'enfant à surmonter son handicap. “Il faut une approche vraiment ciblée. Nous savons qu'un enfant dyslexique souffre d'un problème d'orientation spatio-temporelle. Programmer des activités artistiques et sportives, à titre d'exemple, peut contribuer à améliorer son rapport à l'espace. Quant à l'apprentissage proprement dit, je suis contre la ghettoïsation des enfants présentant des troubles de l'apprentissage. Les enseignants doivent, par contre, penser à organiser des cours de soutien pour ces enfants”. Le rôle essentiel du médecin scolaire Une enquête conduite par l'équipe du Pr Neziha Gouider Khouja, professeur neurologue et chef de service de neurologie pédiatrique de l'Institut national de neurologie, dans le cadre du projet de recherche fédéré sur les troubles spécifiques de l'apprentissage, a montré que la plupart des enseignants dans les établissements éducatifs sont encore insuffisamment informés sur les troubles spécifiques de l'apprentissage. “Nous avons proposé dans le cadre du projet un schéma de repérage. Il s'agit de la procédure à suivre spécifique aux troubles de l'apprentissage. On doit repérer les enfants en difficulté au sein de l'institution scolaire. Un diagnostic doit par la suite être établi. Le médecin scolaire doit, tout d'abord, écarter les autres causes psychologique, psycho-sociale…S'il y a suspicion d'une TSA, le médecin-scolaire doit orienter l'enfant vers un neurologue. Une fois que le neurologue et le psychiatre se sont assurés qu'il n' y a pas de troubles psychiatriques ou neurologiques, à ce moment-là, on suspecte un trouble spécifique de l'apprentissage et on soumet l'enfant à plusieurs tests pour savoir où réside exactement la difficulté. Ce schéma a déjà été proposé aux ministères concernés, en attendant qu'il soit généralisé à toutes les institutions scolaires”. Entre-temps, une circulaire du ministère de l'Education est bien sortie le mois d'octobre dernier dans tous les établissements, appelant à former le cadre enseignant pour une bonne prise en charge des enfants souffrant de troubles spécifiques de l'apprentissage. Mais qu'en est-il aujourd'hui de son application dans les établissements scolaires? Outre le fait de renforcer l'inspection, le ministère devrait penser déjà à procéder à une première évaluation à la fin de cette année scolaire.