Il était difficile, voire impossible, au public venu assister mercredi dernier au Théâtre municipal, à la pièce Le Clan des divorcées, de s'empêcher d'être sous l'emprise de fous rires, impossible à maîtriser. La pièce, la dernière du cycle «Tunis fait sa comédie» pour 2009, a cette particularité de mêler le comique des mots et le comique de situation, un genre de comédie américaine d'avant-guerre qui emprunte au théâtre de boulevard ses arguments de pièces, de personnages, de situations et de bons mots. Le clan des divorcées, une des pièces les plus drôles qu'il nous ait été donné de voir lors de cette manifestation, met en scène le cas de trois femmes nouvellement divorcées qui se retrouvent réunies sous le même toit, en colocation. Elles entretiennent l'espoir de refaire leur vie. Dans l'attente de cet événement, elles analysent les causes de leur échec, de leurs déboires conjugaux et des raisons à l'origine d'un divorce qu'elles vivent comme un drame, le tout d'une manière fort hilarante. Elles sont donc trois, décidées coûte que coûte et plus que jamais à mieux vivre cette rupture. Il y a l'aristocrate Stéphanie d'Humily de Malanpry (Sylvia Delattre), la British délurée Mary Bybowl (Elodie Van Haezevelde) et l'époustouflante Brigitte La Plouc; une vraie «peste», à la langue de vipère, bête, sale et méchante. Des trois, la palme de la laideur et de la méchanceté lui revient de droit. C'est l'auteur de la pièce en personne qui incarne le personnage. Il s'agit de Halil Vardar, né en Belgique de parents albanais. Il a réussi et de la manière la plus éclatante à nous faire admettre les raisons de son divorce. Brigitte a été répudiée parce qu'elle ne s'est pas seulement contentée d'être moche et vulgaire dans ses propos et dans sa façon d'être, mais aussi d'avoir été jalouse, ce qui est un comble pour une femme avec laquelle Dame nature n'a pas été clémente. A la fois désopilante, drôle et irrésistible, et toujours subtile et brillante par les dialogues, Le clan des divorcées nous a fait perdre tout bon sens face à cet enchaînement de gags et de situations hilarants qui vous laissent, du début à la fin, en proie à un rire irrépressible. Dans un échange de répliques savoureuses et croustillantes qui excitent la curiosité et l'enthousiasme du public à aller au terme de cette belle aventure dont la cocasserie et le piquant n'ont d'égal que le naturel et la spontanéité des propos, Halil Vardar a été magistral. Une vraie bête de scène qui a frôlé le surréalisme en apportant au scénario une touche personnelle de cynisme qu'atténue un brin d'optimisme, histoire de garder l'espoir d'une nouvelle rencontre amoureuse. Très fort dans la peau de Brigitte la gueuse, cette mastodonte au physique plus qu'ingrat, le Belgo-Albanais a survolé ses partenaires, pourtant charmeuses et coquines à ravir, en s'appropriant les plus belles répliques de la pièce (n'en était-il pas l'auteur?), touffues de détails croustillants sur l'intimité de son couple. Le public a follement apprécié les improvisations de Halil Vardar sur Tunis et le pittoresque de son quotidien, judicieusement bien insérées, dans le flot des propos. Ce qui, parfois, lui faisait perdre le fil des répliques. Très applaudi, et plus d'une fois rappelé sur scène, il a dominé et triomphé. A l'issue de la représentation, l'acteur-auteur, apparemment grisé par les ovations de la salle, nous a fait part de son bonheur de jouer à Tunis et dans ce théâtre. «C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai joué ce soir cette pièce qui tient l'affiche depuis six ans déjà. C'est la dernière fois que j'endosse le personnage de Brigitte. La pièce continuera sans moi. Avec 2010, je serai sur une autre comédie» : Un couple parfait… ou presque aux côtés de Nathalie Marquay, l'épouse de Jean-Pierre Pernaut de TF1».