Depuis plusieurs jours, profitant de la disparition pure et simple d'une bonne partie de la police et de la douane, des centaines de jeunes Tunisiens ont décidé de tenter leur chance et d'embarquer à destination de l'Italie. La semaine dernière, quelque 5.000 jeunes immigrants ont quitté les plages tunisiennes vers l'île de Lampedusa. Dans la seule nuit de samedi à dimanche, pas moins d'un millier de tunisiens ont débarqué sur l'île, située à 138 km des côtes tunisiennes. Ils viennent de Zarzis, de Tataouine, de Médenine ou de Gafsa. “On est passé de Djerba à Lampedusa. On est resté 24 heures sur un bateau en pleine mer. On a payé presque 2.000 dinars, soit près de 1.000 euros”, racontait dimanche un jeune homme à la Rai1. Alors que la Tunisie fêtait avant-hier son premier mois sans Ben Ali, de nouveaux problèmes détériorent les conditions de vie de nombreux Tunisiens. Notamment la fin de la contrebande entre la Tunisie et la Libye qui faisait vivre des milliers de Tunisiens. Les circuits du commerce informel n'étant plus opérationnels, nombre de jeunes parmi les «harragas» ont en fait perdu leur source de revenus comme le trafic de produits fabriqués en Chine importés de Libye. La Révolution a bloqué ce commerce et son impact sur l'organisation sociale est déjà évident. Ainsi la question est de savoir quel sera l'avenir de tous ces grossistes et détaillants, par exemple, de «Moncef Bey», de Sidi Boumendil, de Hammamet et autres marchés hebdomadaires. A moins qu'une nouvelle «corruption» voie le jour ! Ils ne croient pas à une amélioration Parmi les candidats au départ, il y a évidemment des chômeurs qui ne croient pas à une amélioration rapide de la situation sociale du pays. Depuis la chute de Ben Ali et hormis la liberté de ton de la presse et de nombreuses initiatives de la société civile, les signes du changement se font attendre pour une population de plus en plus impatiente. Pour nombre d'observateurs, cette affaire des migrants clandestins illustre l'impuissance du gouvernement à prendre des initiatives et, surtout, à convaincre la population qu'il peut faire avancer les choses. Le gouvernement ne se fait guère entendre alors que le pays est secoué par les grèves. Parmi les harragas, on trouve également ceux qui, nombreux, ont emprunté des bateaux de passeurs libyens moyennant 1.500 à 2.000 D la traversée. Ils sont dirigés depuis les côtes tunisiennes vers de grosses embarcations au large qui les transportent ensuite vers les côtes italiennes. Ce circuit existe depuis les années 90 et faisait surtout le trafic humain des Africains (Somaliens, Ethiopiens, Tchadiens, maliens, nigériens...). L'autorité libyenne avait à l'époque obtenu le soutien financier de l'union européenne pour soi-disant endiguer les flux de migrants. Sans résultat! Une autre catégorie de migrants à prendre en considération : ceux qui se sont évadés des prisons durant les jours d'anarchie qui ont précédé et suivi la fuite de Ben Ali. Avec eux se trouvent par ailleurs des jeunes qui servaient d'indicateurs à l'ancien régime. Leur retour en Tunisie, comme l'a annoncé la Rai1 dimanche, par un pont aérien mis en place par les autorités italiennes ne va pas résoudre le problème.