Par Moncef Guen Le Tunisami (tsunami tunisien révolutionnaire) est parti le 14 janvier vers Le Caire, libéré de la dictature, et se trouve maintenant aux portes de Damas, en passant auparavant par Tripoli, Benghazi, Sanaâ et Manama. Cette onde de choc révolutionnaire s'est aussi propagée à Alger et Casablanca. Genèse rapide du Tunisami Ce n'est pas un hasard si cette grande Révolution qui secoue le monde arabe et commence même à faire peur jusqu'en Chine, a débuté en Tunisie. Ce pays a aboli l'esclavage et s'est doté d'une Constitution au XIXe siècle, a conquis son indépendance, aboli la polygamie au XXe siècle et a réalisé la première révolution du XXIe siècle. Son histoire remonte à plus de trois mille ans avec Carthage, la grande rivale de Rome, et avec Kairouan, le pôle civilisationnel qui a rayonné sur le Maghreb et l'Andalousie. Cependant, en plus de ces éléments de base, il y a des facteurs plus récents qui expliquent son jaillissement en janvier 2011. D'abord, l'éducation de ses jeunes, garçons et filles. Dès l'indépendance en 1956, la Tunisie a opté pour fructifier son capital humain. Ensuite, ces jeunes éduqués sont des internautes férus : sur 10 millions d'habitants, la Tunisie compte 4 millions d'internautes. Internet a été le meilleur cadeau qu'aient donné Al Gore et l'Amérique au monde dans les années 1990, y compris à notre pays. En outre, c'est un autre Américain, Marc Zuckerberg, qui a lancé en février 2004 Facebook, largement adopté par les jeunes révolutionnaires de Tunisie et d'Egypte. Un autre facteur extérieur qui incite au courage des jeunes à la recherche de changement, a été l'élection à la tête des Etats-Unis, en 2008, d'un Noir dont le père est africain avec comme slogan «Yes we can». Sans oublier WikiLeaks qui a révélé, à l'insu du gouvernement américain, à nos jeunes, les câbles diplomatiques montrant la corruption sans vergogne et sans limites des clans au pouvoir. La crise financière née de la cupidité des ingénieurs financiers de Wall Street en 2008 a balayé le monde par l'effondrement des marchés financiers et une récession économique sans égale depuis 1929. Cette crise a affecté et continue d'affecter l'Union européenne à laquelle la Tunisie s'est accrochée par le biais de l'accord d'association de 1995 qui a fait de notre pays la machine de la sous-traitance européenne. Le modèle économique tunisien, basé sur la loi 1972, l'accord d'association et le tourisme à bas prix ont montré dès lors son obsolescence. Avant la crise, la propagande officielle montrait ce modèle comme un miracle économique, alors qu'il cachait des inégalités considérables de revenus, le sous-développement des zones rurales, l'exode immense vers les villes, le chômage croissant des jeunes diplômés et le fossé très important entre les régions côtières et celles laissées pour compte de l'intérieur du pays. Ce n'est donc pas un hasard si l'étincelle a jailli à Sidi Bouzid. La misère s'ajoutant à la dictature, à l'oppression et aux mensonges de la propagande officielle, c'était devenu intolérable. Le feu de la Révolution a flambé immédiatement dans tout le pays. Jusqu'où ira le Tunisami ? Le passage à l'Egypte a été rapide. Pays de vieille civilisation, souffrant pratiquement des mêmes symptômes que la Tunisie, l'Egypte n'a pas tardé à rejoindre la Révolution en marche. Le Yémen, malgré une répression sauvage, ne tardera pas à suivre. En Libye, le monstre sanguinaire qui essaie de résister à la Révolution populaire sera lui aussi balayé bientôt. En Syrie, les choses commencent à bouger. A Bahreïn, il y a un conflit larvé entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, mais là aussi la répression a ses limites. Mais c'est en Palestine que la Révolution du jasmin apportera un vent nouveau contre la répression et l'occupation israéliennes. Les semaines et mois prochains verront ce vent de libération secouer le statu quo et faire naître un Etat palestinien unifié. L'Iran qui étouffe son peuple depuis longtemps, sera également touché. La résolution 1973 des Nations unies contre le régime libyen intolérable, prise par le Conseil de sécurité le 18 mars 2011, est une arme nouvelle aux mains des peuples opprimés et pourra s'appliquer, mutatis mutandis, aux régimes syrien et iranien. Les monarchies arabes devraient écouter les leçons de l'histoire et se muer en monarchies constitutionnelles, laissant, à l'instar de Westminster, le pouvoir à des parlements élus. Tous ces changements prévisibles ne se feront pas du jour au lendemain. Mais c'est le cours de l'histoire. La Révolution du jasmin en a tracé le chemin.