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Secousses (suite et fin)
OPINIONS


Par Mohedine BEJAOUI *
La dictature de 23 ans s'effondra en 23 jours sous la pression d'un soulèvement civilisé, lumineux, moral qui refusa la transaction abjecte proposée par le dictateur: "Je vous ai compris! Du pain, moins cher, ça vous va ?"
Les Tunisiens dirent non, nous voulons plus, bien davantage : "Du travail, de la liberté, de la dignité". Le dictateur ne comprit pas que le peuple tunisien, muselé depuis des décennies n'en pensait pas moins. Vouloir lui rééditer le coup du pain moins cher de janvier 1984 en janvier 2011, c'est procéder d'une démarche anachronique, en déphasage de 37 ans d'avec une nouvelle génération, une autre société qui ne se représente pas la vie uniquement du point de vue boulanger (khobzistes comme on disait des résignés).
Arriva vite l'impératif d'une transition par nature difficile, complexe, compliquée, avec le dilemme inévitable en ce type de circonstances: la sécurité en acceptant la présence de quelques membres de l'ancien régime ou le changement radical au prix d'une instabilité redoutée. B. Franklin dit un jour que le peuple qui sacrifie un peu de sa liberté pour plus de sécurité risque de perdre les deux...cela mérite réflexion. La Tunisie est aujourd'hui libre comme jamais dans son histoire, mais que faire de cette liberté pour qu'elle perdure? Les Tunisiens sont désormais affranchis du joug de la dictature, se sont-ils pour autant émancipés de leurs démons intérieurs, surpris par eux mêmes; ils sont à la croisée des chemins dont ils ignorent l'aboutissement.
La révolution tunisienne n'est incarnée ni par un parti ni par une figure emblématique, c'est une grande force, mais aussi une fragilité, c'est une chance historique doublée d'un péril. Aucune force politique aujourd'hui ne peut en toute légitimité postuler à la prise du pouvoir, même de façon transitoire. Aucune figure militante ne réunit l'unanimité autour de sa personne pour jouer le leader incontesté à qui on pourrait confier la gestion de la transformation. La dictature a laminé l'opposition, qui ne dispose pas de base populaire suffisamment large à partir de laquelle elle tirerait une représentativité crédible, aucune icône charismatique légitime n'émergea de l'insurrection. Tant mieux, diront certains, les hommes providentiels sont souvent plus enclins à l'autocratie qu'à la démocratie.
Alors comment mener la transition sans risquer la réversibilité ou le chaos?
Etymologiquement, la transition est un passage progressif graduel d'un état à un autre. Un changement où persisteront inéluctablement des éléments du passé à côté des composantes nouvelles. Se pose alors le problème de dosage pour que le compromis de composition ne compromette pas le changement voulu. La déflagration est toujours ponctuelle, le changement est un continuum historique, un long moment itératif, tâtonnant, à la recherche d'une convergence la plus rapide possible vers le but recherché. Les évolutions socio-politiques sont travaillées par des processus souvent souterrains, parfois des explosions apparaissent à l'air libre et donnent l'impression que le changement démarre dès que la fumée se dissipe. C'est faire peu de cas du bégaiement de l'histoire et de sa ruse dès lors qu'on se penche sur l'actualité avec ce miroir médiatique grossissant et nécessairement déformant. L'instantanéité de l'information en temps réel qu'offrent les réseaux numériques ne garantit ni le recul nécessaire ni l'authenticité de ce qui s'y diffuse. Aussi, le manque de lucidité inhérent à la griserie de la victoire pourrait freiner, voire dévier, le cheminement démocratique.
Nous ne pourrons malgré tout aller plus vite que l'histoire alors que tout porte à croire que c'est nous qui accélérons. Il n'est pas totalement faux de le penser. Cependant, ce "nous " est composé d'une trop grande diversité pour qu'on puisse raisonnablement imaginer l'apparition d'un projet de société fédérateur des aspirations de tous, adossé à un projet politique cohérent dans des délais aussi courts.
Des dictatures sont tombées au Chili, au Portugal, en Espagne, dans les ex-pays de l'Est, les transitions démocratiques qui s'y sont organisées avec plus ou moins de succès, recoururent invariablement au compromis que d'aucuns trouvaient à l'époque confinant à la compromission. Faut-il rappeler que la junte militaire chilienne abandonna le pouvoir contre le vote d'une amnistie. Des décennies plus tard, des anciens militaires impliqués dans la torture et les disparitions ont été traduits en justice. L'Espagne organisa sa transition avec une équipe qui comprenait certains membres du régime de Franco, même s'ils n'étaient pas franquistes purs – si j'ose dire-, ils ont travaillé néanmoins au sein du système dictatorial, se gardant bien toutefois de tremper dans des affaires douteuses. A considérer qu'on puisse écarter les caciques et les symboles d'un ancien régime, il n'est pas possible d'effacer d'un coup de main tous les atavismes entretenus pendant des siècles de patriarcat omnipotent. L'autoritarisme est bien ancré dans toutes les fonctions sociales et organisations humaines tunisiennes, il est encore bien tapi dans notre for intérieur, les vieux démons sont bien rompus à ce type de stratagème. Ceux-là mêmes qui jubilent aujourd'hui d'avoir recouvré leur liberté ne sont pas à l'abri, individuellement de quelques accès d'autorité.
L'appel au départ des ex-RCD, démissionnaires depuis, laisserait la place à d'autres? Qui? De quelles garanties pourrions-nous nous prévaloir? Alors qu'aujourd'hui, quelques semaines après la chute de l'ancien régime, trois commissions ad hoc ont été mises en place pour enquêter sur les exactions, le détournement de fonds et pour préparer les prochaines élections. En leur sein siègent des personnalités de compétence et de probité supposées reconnues, quelques membres ne semblent pas réunir l'unanimité. L'enjeu fondamental se situe à ce niveau, c'est au sein des missions de ces trois commissions que se situe le centre de gravité de la transition démocratique. Sans jeter la pierre à ceux excédés par plus un demi-siècle de parti hégémonique et qui veulent faire table rase du passé, il est techniquement et politiquement impossible de " déRCDiser " la société tunisienne en une semaine. Le RCD avait plus de 2 millions d'adhérents, soit un tunisien sur cinq, la proportion était de 75% des communistes encartés dans certains ex-pays de l'Est la veille de la chute du mur de Berlin. Qu'aurait-il fallu faire, " dégager" les forces vives dans des économies exsangues?
Pourrions-nous en Tunisie débarquer tous les hauts cadres qui, à un moment ou un autre, prirent la carte du RCD pour accélérer une promotion, ou pour avoir la paix?
A ceux qui appelaient à la dissolution du RCD, qui est en train de mourir dans d'atroces souffrances — la honte sans doute, au moins pour certains —, le gouvernement ne pouvait le décider, c'est à la justice indépendante de le faire. Elle le fit. Si le gouvernement actuel avait pris une telle décision contre le RCD, il pourrait la prendre pour les autres partis, ce qui revient à un retour aux pratiques honnies de l'ancien régime. Cette révolution a été celle du peuple uni, comme jamais, faisant montre d'une maturité et d'un civisme qui ont surpris le monde entier. Une semaine après, on constata l'apparition de revendications catégorielles, certes légitimes (policiers, enseignants, fonctionnaires, associations...) mais dont le timing n'était pas opportun. J'entendis à la télévision nationale un non-voyant qui réclamait au gouvernement de lui octroyer une maison! Une autre, d'un âge certain, demandait au gouvernement de l'aider à trouver un mari! Soyons sérieux!
Que peut faire un gouvernement transitoire de 6 mois pour réparer des injustices réelles datant de plusieurs décennies ? Avec quels moyens pourrait-il réconforter la veuve et l'orphelin? Alors que le budget de l'Etat fut saigné à blanc par les détournements et exonérations scandaleuses?
D'autres sont déçus des médias à qui ils reprochent leur mollesse et leur manque de réactivité. La réponse est venue d'un salarié de la Télévision nationale qui dit en substance : " Libres ! Oui nous le sommes, nous journalistes sommes comme un prisonnier de longue date, libéré, debout devant la porte de la prison, mais qui ne sait où aller".
Des périls intérieurs guettent cette jeune transition parce que des éléments qui ont des choses à se reprocher et des intérêts à perdre sont encore actifs pour installer le chaos propice à effacer les indices qui conduiraient la justice à leur porte. Des voisins limitrophes qui séquestrent leurs peuples depuis des décennies ne voient pas d'un bon œil l'instauration d'une démocratie à leurs frontières, ils sont à l'affût de notre premier faux pas et n'hésiteront pas à prêter main-forte aux félons locaux orphelins de leurs caïds en fuite. Patience et vigilance sont de mise afin de donner à cette révolution titubante le temps de se lever sur ces deux jambes (la liberté et la responsabilité) et de marcher à pas sûrs vers une démocratie sereine et irréversible.
La démocratie est un apprentissage, et nous sommes aux premiers jours de la rentrée scolaire démocratique, il faudra bien qu'on s'initie au débat, qu'on frotte à la contradiction en acceptant l'avis contraire. Le projet de société démocratique ne peut se construire qu'en se libérant du carcan du "Nous" transcendantal, patriarcal, oppressif et autoritaire, pour que chaque individu, une fois affranchi de ses propres pesanteurs et contradictions, puisse se donner librement la possibilité, en son âme et conscience, de proposer, d'adhérer et de contribuer à l'élaboration d'un projet collectif.


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