Par Kadhem BACCAR La «Révolution tunisienne de la dignité et de la liberté» s'est déclenchée au cours du mois de décembre 2010 dans les villes appartenant à des régions défavorisées de l'intérieur du pays qui contrastent avec les régions littorales plutôt prospères où sont concentrées la quasi totalité des richesses. Aujourd'hui, en signe de reconnaissance envers ces régions militantes et démunies et afin de corriger ces disparités régionales flagrantes, qui sont la marque d'un échec cuisant d'une politique injuste de développement régional, tous les regards sont désormais braqués sur ces contrées. En effet, on assiste actuellement à l'émergence d'une volonté nationale réelle d'assurer progressivement un niveau de développement digne et prometteur aux habitants de ces vastes espaces géographiques marginalisés et ravagés, jusqu'ici, par la pauvreté et la précarité économiques et sociales. Sans oublier les dispositions des pays partenaires de la Tunisie, et notamment européens, d'apporter leur concours à cette vaste entreprise. Dans ce contexte de mobilisation générale aussi bien nationale qu'internationale en faveur du développement des régions de l'intérieur du pays, la coopération internationale décentralisée, et notamment la coopération décentralisée franco-tunisienne, constitue une chance pour ces régions, pour peu qu'elle soit adaptée à des contextes locaux et régionaux particuliers. La politique française en matière de coopération décentralisée avec ses partenaires à travers le monde, et notamment ceux du Maghreb, est une politique très élaborée et généreuse qui met à la disposition de cette coopération des moyens financiers conséquents. Elle obéit également à une organisation administrative assez complexe faisant intervenir différentes structures, qu'elles soient gouvernementales ou non gouvernementales sur le double plan du suivi et de la coordination. Cela sans oublier l'existence de possibilités d'articulation de certains financements français avec des financements européens en la matière. Ainsi, il revient à la partie tunisienne de bien connaître les rouages et les arcanes de la coopération décentralisée suivie par la France et l'Union européenne afin d'en faire bénéficier nos régions de l'intérieur d'une façon optimale. Aujourd'hui, plus qu'hier notre diplomatie économique doit, entre autres, relancer cette coopération décentralisée franco-tunisienne au profit notamment du développement des régions de l'intérieur du pays grâce notamment aux initiatives suivantes : • Organisation dans les plus brefs délais des «Deuxièmes assises de la coopération décentralisée franco-tunisienne» afin de redynamiser ce volet et lui donner de nouvelles perspectives adaptées à la nouvelle donne dans le pays. Etant rappelé que «Les premières assises» ont été organisées en 1996 à Sousse. • Si on examine le répertoire des coopérations entre les collectivités territoriales françaises avec leurs homologues tunisiennes on constate que sur la cinquantaine de coopérations recensées, deux seulement intéressent la Tunisie de l'intérieur, à savoir l'accord de coopération entre la municipalité du Kef et la mairie de Bourg-en-Bresse, et l'accord de coopération entre la municipalité d'El Jem et la mairie de Romans-sur-Isère. A cet égard il faut corriger ce déséquilibre entre le littoral et l'intérieur en encourageant les collectivités françaises à nouer des relations de coopération avec leurs homologues de la Tunisie profonde qui souffrent d'un retard flagrant en matière de développement économique et social • Faire participer les Tunisiens de France originaires des régions tunisiennes défavorisées de l'intérieur dans les projets de coopération décentralisée qui seront programmés dans ces régions. Cette participation pouvant revêtir plusieurs formes qu'il reste à définir. • On sait que le problème numéro un dans les régions défavorisées de l'intérieur du pays est le chômage des jeunes et notamment celui des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur. A cet égard, la coopération décentralisée franco-tunisienne susceptible d'intéresser les localités et les régions intérieures doit contribuer à la réduction de ce phénomène en favorisant le recrutement de ces jeunes diplômés dans le cadre de la mise en œuvre de programmes de coopération décentralisée adaptés. Evidemment il faut que le ministère des Affaires étrangères joue un rôle moteur qui passe par : • L'affectation au sein de l'ambassade de Tunisie à Paris ainsi qu'au sein de chacun des huit postes consulaires tunisiens en France d'un «Monsieur coopération décentralisée» qui aura un rôle de prospection, d'intermédiation, et de facilitation auprès des collectivités territoriales françaises et des structures administratives centrales à Paris • Renforcement du rôle de «l'Unité de la coopération décentralisée», qui existe au sein du ministère tunisien des Affaires étrangères sur le plan de la coordination avec les autres départements ministériels concernés • Choisir la «Coopération décentralisée tuniso-européenne» comme thème de la prochaine conférence consulaire qui sera organisée à Tunis en juillet 2011. En somme, et à l'heure où le développement régional est devenu une priorité nationale, la coopération décentralisée en général, et notamment avec les villes et régions françaises, peut être un des piliers de notre diplomatie économique future, à condition de l'appréhender avec de nouvelles méthodes et de la doter des moyens humains et logistiques adéquats.