Société des Ciments de Bizerte : la grève du 12 Juin annulée après réconciliation    Tunisie – METEO : Températures comprises entre 21 et 35°C    Elections européennes 2024 : l'ascension de l'extrême droite et les inquiétudes de la communauté tunisienne en Europe    Renforcement de la jeunesse Tunisienne : Une alliance stratégique avec les municipalités néerlandaises    Le sommet universitaire Japon-Afrique du Nord attendu en juillet en Tunisie    Le SNJT appelle à mettre fin aux poursuites contre les journalistes en raison de leurs opinions    La Bourse de Paris réagit mal au spectre Le Pen-Bardella : Les mauvaises nouvelles, déjà…    G-a-z-a: Plus de 37 mille martyrs et 84 mille blessés    Hajj 2024 : Seuls les détenteurs de la carte Nusuk seront autorisés à entrer dans les lieux saints    La proposition de Dhaker Lahidheb pour célébrer l'Aïd loin des tensions    La Tunisie renforce son rôle dans les opérations de paix de l'ONU    L'UNRWA met en garde contre le risque d'une épidémie de choléra à G-a-z-a    3 supporters condamnés pour insultes contre Vinicius Junior    Moisson et stockage : Priorités agricoles du gouvernement pour 2024    Tunisie-Corée du Sud : Deux pays amis qui entretiennent de bonnes et solides relations d'égal à égal    Le Mondial des clubs se jouera sans le Real Madrid    Tournoi de Nottingham : Ons Jabeur face à la colombienne Camila Osorio    Prix Hannibal : Le passé garant de l'avenir    40 millions de bouteilles d'eau de Zamzam seront distribuées pendant le Hajj    Eté 2024 : la Protection Civile prévoit de créer 276 points d'observation au niveau des plages    Les unités de la protection civile interviennent pour maîtriser plus de 80 incendies pendant les dernières 24h    Délices au Barbecue : 8 sauces irrésistibles pour l'Agneau Grillé    La résilience des pays émergents favorise les entrées de capitaux    Les jeudis du cinéma : des ateliers de réflexion lancés par le Groupement Professionnel d'Industrie Cinématographique – Conect    Le festival 7Sois 7Luas de retour en Tunisie avec 3 soirées à Testour et à la Marsa    Modernisation et relance de l'industrie tunisienne : Saisir les opportunités du changement    La Presse lance à partir de vendredi prochain une première série de sa bibliothèque : Le bonheur est dans le livre    Le CAB rentre de stage : Bénéfique sur tous les plans !    Les clubs Anglais votent pour le maintien de la VAR : La VAR a la peau dure    Abir Moussi aujourd'hui devant le juge d'instruction    Tunisie – Pologne : Vers une nouvelle ère de coopération économique    Table ronde, le 12 juin à Tunis : Investir dans la créativité    Le circuit sur gazon commence pour Ons Jabeur : Sera-t-elle au top à Wimbledon ?    Rencontre avec le photojournaliste palestinien Shady Alassar : La photographie comme acte de résistance    «Peintres italiens de Tunisie», exposition de collectionneurs à la Galerie TGM-Marsa : Les couleurs de l'Histoire    Le professeur Samir Hamza, directeur de l'INSAT est décédé    Qu'il recoit: Hassan Massoudy, le calligraphe fraternel    Deux incendies maîtrisés dans la forêt de Djebel Nahli    Mondher Afi : nous avons affaire à des réseaux de fraude aux examens du bac    Euro-Cycles : vers la distribution d'un dividende de 0,3 dinar par action    Elections européennes 2024 : Macron annonce la dissolution de l'Assemblée nationale    Le Cap-Bon, lieu favori des clandestins venant de Sicile    ATCT: Plus de 950 compétences tunisiennes recrutées à l'étranger jusqu'au mois d'avril    Qui sont les leaders Mondiaux et Arabes en élevage et commerce de bétail ?    « Premier Forum sur la Durabilité dans les Banques Africaines : Un Engagement pour l'Avenir »    Match Tunisie vs Namibie : lien streaming pour regarder les qualifications pour le mondial 2026    MAGHREBIA PARTENAIRE OFFICIEL DU FESTIVAL INTERNATIONAL DE DOUGGA    En marge du Festival Hammamet 2024, le concours Les écrans de Hammamet lancé    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Dégagement» et laïcité (2e partie)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 07 - 04 - 2011


Par Samir Mestiri
Au fait, entendons-nous bien, qu'est ce qu'un état laïque ? Voilà une autre notion très controversée qui devient en cette période post-révolutionnaire source de tous les malentendus, voire de conflits. Ce n'est pas —comme on a tendance à le croire— un état areligieux ou athée, cela n'a aucun sens, mais plutôt l'expression d'un souci d'indépendance totale, au sein d'une société quelle qu'elle soit, entre l'organisation politique de l'Etat et toute option religieuse ou politique particulière et à un degré plus poussé (le niveau philosophique), c'est la reconnaissance du pluralisme culturel, donc le refus de toute référence à une vérité révélée, le refus des certitudes et des évidences «meurtrières»…
Ainsi, la laïcité n'est pas seulement la coexistence des communautés religieuses, mais un espace politique qui permet à cette tolérance de s'exprimer sans courir le risque de «l'inquisition» ou des «fetwas assassines». Sans tolérance, sans démocratie, point de laïcité, point de paix sociale…Et les rapports conceptuels entre la tolérance et la laïcité peuvent s'établir à partir d'un système de trois propositions que je résumerai ainsi :
1-Personne n'est tenu d'avoir une religion plutôt qu'une autre : le choix de la religion demeure libre pour chacun, on peut même choisir deux religions ou plus comme les Japonais (à la fois boudhistes et shintoistes) ou les bahaïs qui, à l'unicité religieuse, ont préféré la pluralité et l'éclectisme ; (le bahaïsme qui est actuellement une religion interdite en Iran, est une sorte de synthèse de toutes les religions qu'elles soient monothéistes ou polythéistes).
2-Personne n'est tenu d'avoir une religion plutôt qu'aucune. Le choix de la religion ne doit pas être perçu comme une contrainte. Choisir n'est pas s'exclure ni exclure l'autre. Ceci présuppose donc non seulement la liberté du choix mais aussi le respect des autres croyances religieuses ou athées (la croyance n'est pas que religieuse). Ce que je crois être «ma» vérité n'est pas forcément la vérité pour les autres. Elle l'est seulement pour moi. Toute vérité, toute conviction, loin d'être une certitude absolue, est relative, donc limitée.
3- Personne n'est tenu de n'avoir aucune religion. La laïcité ne veut nullement dire suppression de la croyance comme c'est le cas dans l'idéologie communiste où la religion est associée à «l'opium du peuple». La laïcité devient alors synonyme d'areligion. Chacun est libre de croire ce qu'il veut, tout en respectant les autres croyances, on ne peut imposer l'athéisme comme un substitut de croyance…
La liberté de culte, un principe majeur
Il en résulte donc que la croyance demeure dans tous les cas une affaire privée, ce qui veut dire non obligatoire. On ne peut imposer à quiconque de pratiquer par exemple la prière s'il juge que ce rituel n'a rien d'éthique puisqu'on peut être un parfait pratiquant – musulman, chrétien, boudhiste…tout en trichant avec les préceptes religieux, comme boire de l'alcool entre deux prières. A quoi nous servirait dans ce cas la religion si elle n'est pas relationnelle et si elle conduit à l'hypocrisie la plus abjecte, à l'intolérance, à l'exclusion, pire au meurtre (le jihad) et si elle ne «relie» pas l'homme à son prochain ? La prière peut tuer la foi si celle-ci se réduit à un réflexe quotidien dénué de sens. Elle peut même tuer le dieu-amour que chaque religion met en avant comme une essence éternelle et non comme une existence temporelle. Dieu n'existe pas —comme un «étant pour»— mais «est» pour toujours et pour tous.
La liberté de culte doit être le principe majeur non seulement de la laïcité mais aussi de l'éthique philosophique. Car si le premier sens de ce mot renvoie à la dimension morale de nos actions, ce qui est permis et ce qui est défendu (haram), le second, le sens philosophique qui renforce la laïcité, lui, renvoie à une dimension plus personnelle : c'est la manière dont nous nous éprouvons et nous nous assumons comme subjectivités vivantes et agissantes ; c'est, en d'autres termes, la dimension subjective et réfléchie des valeurs religieuses ou autres ; la façon dont chacun se conduit et se définit comme sujet libre par rapport aux normes…
«Dégage» récupéré ainsi par les forces contre-révolutionnaires se mue en substantif pur exprimant la haine et toute l'intolérance de ces « frères » qui se montrent offensés voire scandalisés par la laïcité qui serait d'après eux une voie d'entrée pour le sionisme et la dépravation...
Maintenant, au plan pragmatique, ce slogan («dégage») est à la fois phatique (vous n'avez pas le droit de parler) et métalinguistique (vous n'avez pas le droit de parler ainsi). Deux slogans qui ont la même structure de surface (Chomsky) mais qui ont deux structures profondes très différentes. Dans un cas, «dégage» est démocratique, dans l'autre, il est anti-démocratique. Cette ambigüité sémantique montre aussi toute la fragilité de cette révolution qui risque d'être un mort-né, étouffée dans l'oeuf.
Le «Dégage» initial, fortuit, foudroyant et quasi instinctif des manifestants en colère est un contre-discours foncièrement corrosif et décapant. Quasi nietszchéen. Il n'a pas de justification ni de pièces à fournir. C'est une sommation massive et immédiate. Elle ne souffre aucune rémission, aucun compromis. C'est la négation exacerbée de l'autocratie et de la mystification. C'est «la lumière de demain» par opposition aux «passions» qui sont tristes. «La haine est triste», écrit Alain dans Propos sur le bonheur.
Ce condensé elliptique, non redondant et aussi bref qu'un jaillissement fulgurant refuse de nommer le sujet. Intransitif, il se limite à l'action. Il crache sa haine brute. Sans objet précis. Imparable comme la mort. Une pragma absolue. Autrement dit : «il faut partir illico presto»; une obligation à souscrire à une volonté générale ferme comme le béton. Incendiaire et acide.
Ce mot magique eut l'effet d'une catapulte lancée sur le palais présidentiel puisque c'est Zaba —et non le martyre— qui fut obligé de dégager et en vitesse. Le martyre a succédé à son bourreau. Partout, Le 7 novembre pitoyable de l'ancien régime est remplacé par le 14 janvier victorieux de Bouazizi. L'histoire lexicale se réécrit aussi sur les murs et les petites pancartes. L'éjection de Zaba par les airs fut fulgurante. Personne ne s'y attendait, pas même son chef de sécurité, le tristement célèbre Seriati…
Dégage, un cri d'enfant
A sa sortie, le ciel se dégagea d'un gros nuage noir qui a pesé comme une chape de plomb et de béton sur le pays durant deux interminables décennies. Et ce fut le commencement de la délivrance et du nettoyage des déjections de l'ancien régime au karcher...Zaba n'est plus qu'un mauvais souvenir, la fin d'un cauchemar mauve. Mais le rêve a fait long feu, aussitôt, il fait place à une crise indescriptible puisque les hommes de main de Leila continuent toujours de semer le chaos en saccageant, en brûlant et en tuant... Le spectre de la première dame continue à planer sur le pays comme un dieu malfaisant.
«Dégage» est enfin un cri d'enfant multiplié à l'infini qui dit tout le mépris et toute la haine qu'on peut avoir pour des larbins ministériels ayant perdu tout crédit auprès de leur peuple. «Dégage» se veut surtout une coupure du cordon ombilical. Une rupture totale avec les années noires de l'injustice. Emanant de la masse, il fait fonction d'un décret-loi, c'est la voix de la rue libérée du joug despotique, c'est la voix du parlement du peuple qui, pendant ces derniers jours de février, a élu domicile à la Kasba (ce haut lieu de la contestation politique et du sit-in organisé essentiellement par des gens issus de régions défavorisées. Celui d'el Kobba, par contre, réunit tous ceux qui appartiennent à la masse silencieuse, ceux qui seraient pour le travail et le progrès). Il traduit aussi l'ironie interrogeante et inquiète qui fustige, qui déconstruit ; une ironie comme le taon de Socrate aiguillonne et interroge. «Dégage» relativise l'absolu, sacralise ce qui est la marge et annonce un branle-bas de combat politique qui risque de durer longtemps tant que ce mot n'aura pas épuisé toute son énergie et tant que le peuple n'aura pas été convaincu du contraire…


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.