Par Karim BOUEBDELLI Si la Tunisie peut être fière d'avoir rendu obligatoire une scolarité minimum de 10 années, en revanche, on constate que le niveau de l'enseignement s'est profondément dégradé d'année en année avec en prime un taux d'abandon et d'échec élevé. De surcroît, notre système éducatif se trouve en déphasage avec les besoins réels de la société et ne tient pas compte du développement de l'humain. Il faut se rendre à l'évidence, fin secondaire, les élèves n'ont plus la maîtrise de la langue française et leur niveau en langue arabe n'est guère satisfaisant. De surcroît, ils n'ont jamais été aussi peu motivés pour apprendre. Aussi, ne serait-il pas nécessaire de se demander si la recherche effrénée de «nouvelles méthodes d'apprentissage» est vraiment adaptée à la situation et si le véritable problème ne se trouve pas ailleurs ? Depuis plus de 30 ans, il a été constaté la frénésie réformatrice qui s'était emparée de tout nouveau ministre de l'Education et de déplorer en même temps combien l'école répugnait à se remettre en cause. Nous avons en effet vécu une succession de réformes pédagogiques souvent expérimentales comme celle des «compétences de base» qui, loin de transmettre efficacement des savoirs, a fait l'impasse sur les réelles performances, avec le passage systématique d'année en année par le biais de procédures très larges de rachat sans réel système d'encadrement individualisé. Le système de rachat permet actuellement à un élève de 2e année qui ne sait pas lire de passer malgré tout en 3e année s'il a obtenu une moyenne générale au moins égale à 10/20, moyenne calculée sur l'ensemble de ses notes, matières sociales, musique et sport comprises, avec pour chacune le même coefficient. La même incohérence se retrouve lors du passage automatique de la 5e à la 6e année primaire. Comment s'étonner qu'avec ce système, un jeune arrive au collège sans maîtriser la lecture d'un texte simple, alors qu'il aurait suffi que lui soit consacrée une heure ou deux heures de plus dans telle matière pour être remis à flot ? Ces réformes n'ont fait que désorienter les élèves, les enseignants et les parents et ont conduit au niveau médiocre actuel de notre système éducatif, qui a été confirmé par les évaluations internationales (les enquêtes Pisa de l'Ocede en particulier). A ce jour, l'école se contente de faire avaler des connaissances aux élèves sans leur fournir les clés, pour être efficaces, de méthodes de travail qui leur permettront à terme de devenir autonomes dans leurs apprentissages, l'apprentissage par cœur a été le leitmotiv de chacun avec une cervelle devenue une «passoire». Or, dans un contexte marqué par des évolutions technologiques rapides, l'important est en effet de savoir s'adapter pour «s'en sortir plus tard». La capacité à acquérir du savoir devient au moins aussi important que le savoir lui-même. Aussi, la refonte de notre système éducatif doit être la première priorité de notre prochain gouvernement. Une commission ad hoc devra être créée pour dresser un état des lieux de l'éducation et permettre ainsi le redressement du niveau général de nos élèves, particulièrement en langue arabe et française mais surtout en leur fournissant des clés pour devenir à terme autonomes dans leurs apprentissages. Il convient donc d'améliorer les évaluations et instaurer un système de remédiation rapide en cas de lacunes repérées dès les petites classes, mais également revaloriser le métier d'enseignant et améliorer les procédures de recrutement ainsi que la formation continue tout au long de leur carrière, en privilégiant les formations à ‘'dominantes'' pour que chaque enseignant enrichisse la ‘'polyvalence'' des équipes. A très court terme, des barrières d'évaluation doivent être réinstaurées : les cœfficients pour les disciplines de base qui sont des prérequis pour les passages de classes avec mise en place d'un accompagnement personnalisé pour les élèves en difficulté, réinstauration du concours de 6e pour le passage au collège , suppression des collèges pilotes qui, en assurant une sélection trop précoce, démotive les autres élèves et supprime toute émulation au sein des établissements «ordinaires», et bien entendu la suppression des 25 % au bac qui dévalorise cet examen. Et nous devons enfin réfléchir comment chez l'élève, développer, cultiver et même restaurer la confiance en soi, facteur-clé de la réussite scolaire.