Amel Moussa, plus connue comme poétesse pour avoir publié trois recueils : La femelle de l'eau, La pudeur des émeraudes et youannithouni marratayn (deux fois femmes), est aussi l'auteur d'un essai : Bourguiba et la question religieuse. Publié en 2007, aux éditions Cérès, cet ouvrage a été revisité par l'auteure, suite à la révolution de la dignité. «Je me permets d'avouer que j'ai aperçu Bourguiba, au cœur de l'avenue qui porte son nom, en ce fameux jour qui vit renaître le Tunisien libre, le 14 janvier 2011». C'est le prélude à cette deuxième édition qui vient de paraître et dont la teneur gagne en épaisseur. Amel Moussa semble, cette fois-ci, clamer haut et fort son œuvre, elle peut en revendiquer la conviction, sans craindre d'être suspectée de non-allégeance au successeur du leader. D'un autre côté, l'expérience politique des quelques premières semaines de la révolution apporte à cette seconde mouture une nuance de taille : «Si Bourguiba a tenu à reformuler le rapport à la religion et qu'en conséquence, il a pu éradiquer les structures traditionnelles, la révolution mettra à l'épreuve l'ensemble de sa réforme à cet effet. Car, il ne faut pas oublier que c'est l'Etat qui a servi d'instrument à cette réforme, alors que le vécu religieux s'est aujourd'hui libéré de l'Etat, tout en subissant les transformations idéologiques de la carte politique». Toujours dans ce même ordre d'idées, à savoir le projet réformiste de Bourguiba, Amel Moussa remet sur le tapis la question, lancinante, de la vraie paternité de l'émancipation de la femme tunisienne , autrement dit celle du code du statut personnel : Haddad l'initiateur et ensuite Bourguiba l'adoptif? Sceptique, voire contestataire, Amel Moussa affirme que le plan de ce projet moderniste est bien l'œuvre de nos aïeules qui en ont assumé les tribulations au quotidien et au prix de sacrifices parfois inestimables. Participation, compétence et créativité sont les mots-clés qui ont présidé à la gestation de l'émancipation féminine. L'auteur de cet essai rappelle que ce combat a été l'œuvre de femmes dont la bibliothèque historique et sociologique a cité quelques-unes tandis que d'autres resteront peut-être à jamais inconnues… C'est dire que l'approche de l'histoire, son analyse multidimensionnelle, est une matière en mobilité permanente, au gré des changements sociaux et politiques. Pour en être consciente, Amel Moussa, qui s'est attelée à une thèse en sociologie, promet, à ce propos, un apport en conséquence. Ne serait-ce pas un bel hommage à toutes les femmes dont elle reconnaît qu'elles lui ont balisé, ainsi qu'à ses acolytes, la voie de la liberté et de l'épanouissement?