Quel est le lien entre l'Allemagne et le Nigeria? Mardi dernier, au musée de Carthage, ce lien était dans l'une de ses plus belles incarnations, celle de la chanteuse Ayo. Révélée au public en 2006, avec son tube Down on my knees (à genoux), titre phare et single de son premier album "Joyful", cette auteur-compositeur interprète a pu ainsi sortir de l'ombre des artistes dont elle assurait les premières parties des spectacles. A mi-chemin entre Tracy Chapman et Lauryn Hill, avec une petite touche de Norah Jones, le style d'Ayo est classé entre soul, folk et reggae. Mais c'est bien plus que ça que l'artiste a livré sur scène. Le menu contenait des ballades certes, mais Ayo a montré qu'elle n'a pas peur de gratter de la guitare et de produire du son rock pur et dur, masculin et macho, serait-on tenté de dire, elle, qui est entourée de «mecs» dans sa troupe musicale. Synthétiseur, guitare, basse et batterie forment le squelette de ses arrangements. La "chair", elle, est assurée par sa voix au timbre spécifique et sa présence que le public a commencé à apprécier réellement à partir de la troisième chanson. Il s'agit de Help is coming (le secours arrive), toujours de son album "Joyful", qui a pu mettre l'ambiance de la soirée sur les rails et installer un climat d'échange et de partage. A l'ouverture, Ayo a interprété l'excellent How many people (combien de monde), de son troisième et nouvel album "Billie-Eve", sorti en 2011, suivi de I am not afraid (je n'ai pas peur), de son deuxième Gravity at last. Pour ce public qu'elle découvrait pour la première fois, la chanteuse a concocté un programme de découverte, avec un survol de ses principaux titres d'albums et singles comme les récents I'm gonna dance (je vais danser) et It's too late (trop tard). Deux morceaux plus tard, la chanteuse se lâche de plus en plus et le concert tient de plus en plus la cadence. Il est temps pour l'improvisation et pour un programme plus libre et audacieux. Cela commence avec un hommage à l'Afrique. Musique et danse de ses origines lui permettent «d'inviter le public en voyage» et d'échanger les secrets de la danse africaine contre ceux de la danse du ventre. Quoi de mieux que la musique et le chant comme outils de communication, quand on les manie aussi bien que ce bout de femme. "That thing" (cette chose là) de Lauryn Hill, à l'évidence, l'une de ses références, donne suite à deux titres dont Slow slow de son deuxième album, avant de laisser place à l'un des meilleurs moments de la soirée. Ayo disparaît un moment dans les coulisses avant de revenir relookée à la Michael Jackson. Une petite veste, un gant pailleté et quelques pas de "moon walk" (marche sur la lune) et le tour est joué. Avec un tour éclair de quelques-unes des plus fameuses chansons du roi de la pop. Elle s'est attardée sur I want you back (je veux que tu reviennes) qu'il a chantée avec les Jackson 5 en 1969. C'est l'une des chansons les plus reprises du répertoire de Michael Jackson. Elle figure d'ailleurs dans le dernier album d'Ayo. L'artiste disparaît encore, mais cette fois en compagnie de ses musiciens. Les lumières s'éteignent mais le public la réclame. On l'aura compris, c'est le moment pour son indétrônable tube Down on my knees qu'elle a interprété en version acoustique avant de mettre le feu une dernière fois avec ses musiciens. Il y a de quoi considérer la soirée Ayo comme l'une des meilleures, jusque-là, des Nuits de Carthage. De la bonne musique livrée par une artiste de talent, augmentée par la magnifique vue sur la baie de Carthage, depuis le musée. On en redemande!