Par Salah AMAMOU* Un référendum, organisé avec les élections de la Constituante, est vital pour la réussite de notre passage de la dictature à la démocratie. Pourquoi ce référendum et quelles sont les conditions de sa réussite ? Raisons justifiant la tenue de ce référendum: Le défaut d'organisation de ce référendum constitue un danger réel pour la démocratie et présente le grand risque de fausser le résultat des élections. En effet, ne pas lier la Constituante par les orientations fondamentales exprimées par la base c'est non seulement lui donner un chèque en blanc, comme l'a bien mentionné notre éminent juriste Monsieur Sadok BELAID, dans son article au journal La Presse du 14 août 2011, mais aussi et surtout assumer le risque majeur que les partis élus ne respecteraient pas leurs promesses quant aux réponses à ces questions, qu'il avaient avancées lors de leur campagne électorale et sur la base desquelles ils étaient choisis par les électeurs et les électrices. Ce risque existe d'autant plus qu'il est clair aujourd'hui que certains partis tiennent un discours dualiste et équivoque en ce qui concerne leurs positions sur les orientations constitutionnelles fondamentales de la Tunisie. A ce jour, aucune raison ne plaide en leur faveur pour leur faire confiance. Conditions de réussite de ce référendum : Deux conditions essentielles doivent être remplies pour réussir ce référendum : 1. Il est important de limiter le référendum aux questions fondamentales. Les questions évidentes auxquelles tout le monde adhère sont à éviter pour ne pas alourdir le référendum, agacer l'électeur et risquer une perte de concentration sur les questions essentielles, La première question fondamentale à soumettre au référendum est, à mon avis, la suivante : Etes-vous pour la séparation entre l'Etat et la religion ? Ou êtes-vous pour un Etat laïc ? D'autres questions fondamentales pourraient être aussi soumises au référendum telles que : - Etes-vous pour le régime présidentiel ? - Etes-vous pour l'égalité entre l'homme et la femme ? 2. Ce référendum ne réussira que s'il est très bien encadré avant et au cours de son organisation car, comme nous le savons tous, nos électeurs et électrices sont, en grande partie, en apprentissage politique étant politiquement muselés pendant plus de 50 ans d'indépendance et, de ce fait, ne pourront jamais, sans un encadrement serré, comprendre la portée et la pertinence des questions sur lesquelles ils doivent se prononcer. C'est pourquoi j'ai toujours soutenu que la démocratie ne doit pas être, au début, totale en Tunisie et le droit de vote doit être limité à ceux ou celles qui présentent un minimum de maturité politique pour bien assimiler les orientations et les programmes des différents partis candidats. Je noterais au passage que le faible taux d'inscription sur les listes électorales est une bonne chose car elle signifie une élimination naturelle des électeurs et électrices "dangereux" : ceux et celles qui ne voteront pas en connaissance de cause, qui ne voteront pas utilement. Je n'ai pas encore oublié la dame qui a voté, sous Bourguiba, dans des élections législatives en choisissant un parti représenté par une carte de couleur violet et qui a répondu à un journaliste, qui lui demandait pourquoi elle a voté pour ce parti, que cette couleur est à la mode cette année. Doit-on faire confiance à cette catégorie d'électeurs et d'électrices qui n'est pas non négligeable en Tunisie et qui risque de nous jeter dans l'enfer ? Enfin, pour conclure, cette question de référendum est cruciale, il est temps que le gouvernement tunisien se saisisse de cette question, prenne conscience de son intérêt vital pour la Tunisie et que le texte régissant l'élection de la Constituante soit corrigé dans ce sens. Tous les Tunisiens aspirant à la démocratie, à la modernité et au progrès doivent agir de concert en vue de faire aboutir cette proposition.