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Et si la révolution nous avait directement propulsés dans la postmodernité ?
La transition démocratique sur le divan
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 09 - 2011

La révolution tunisienne serait-elle en train de propulser l'ensemble du monde arabe directement dans la postmodernité, lui faisant l'économie d'une modernité dont ses dictateurs ne lui ont fourni qu'un outil technologique dépouillé de pensée et de libertés ?...
Tous ceux qui, depuis le 14 janvier, explorent, ici et ailleurs, la révolution tunisienne dans sa perspective historique universelle et au-delà de son instantanéité politique, se posent cette question.
Intellectuels et scientifiques tunisiens et étrangers réunis, le week-end dernier, à Beït Al Hikma ont enfin osé la réflexion et esquissé quelques réponses. Le débat valait l'escale…
Entre l'insoutenable légèreté de son instantanéité politique, souvent le burlesque ou le tragique de son traitement médiatique, la transition démocratique en Tunisie est de temps en temps soumise, à chaud, au regard philosophique et scientifique. Moments féconds et précieux devant inspirer une bataille politico-juridique et idéologique sans background, à court d'imagination et bien souvent en manque d'éthique…
D'où vient la révolution tunisienne et où va-t-elle ? Voilà, schématiquement, le principal questionnement qui guide ces prémices d'une pensée révolutionnaire applicable à un 14 janvier et une transition démocratique survenus et organisés en dehors de tout cadre théorique, de tout critère d'évaluation préétabli, en l'absence d'idéologies et de chefs charismatiques.
Les psychanalystes, anthropologues historiens et autres chercheurs et analystes réunis, le week-end dernier, à Beït Al Hikma se font plus précis et interrogent spécifiquement cette révolution dans son inscription historique et culturelle. «La Modernité contre la Postmodernité : la transition démocratique sur la rive sud de la Méditerranée», est en effet l'intitulé de ce colloque international organisé par la Société d'études et de recherches scientifiques Orient-Occident autour du postulat d'une révolution postmoderne alliant le caractère traditionnel à une organisation moderne ?
Une toute première révolution postmoderne, un moment fondateur…
Elle est partie de l'intérieur du pays, du cri profond d'un peuple et de jeunes, prêts à se révolter, à reconquérir leur dignité perdue, de manière réactionnelle, émotionnelle et irrationnelle face à un système policier dont ils n'ignoraient point le caractère répressif. D'où son côté traditionnel. L'histoire resterait cependant inachevée si l'on n'y ajoutait que la révolution tunisienne, a été parallèlement soutenue et organisée de la manière la plus rationnelle, individuelle et interactive moderne de la part des communautés de facebook et autres réseaux sociaux… Voilà, ce qui, par définition, lui donne son caractère inédit et pionnier de «première révolution postmoderne avec ses deux versants traditionnel et moderne», établit le psychiatre - psychanalyste tunisien Hechmi Dhaoui qui fait remonter la quête de liberté à l'humain qui entame sa vie selon le principe du plaisir où, avant d'être régie par le principe de réalité et ses mécanismes de défenses, la liberté est maximale : «L'aspiration à la liberté est portée naturellement par l'homme sous des couches de défenses plus ou moins perméables selon la rigidité du contexte socioculturel auquel il appartient… Et, en cela, la Tunisie était certainement mieux préparée que les autres pays de la région qui en ont profité pour surfer sur la vague…» C'est une révolution où hommes et femmes ont travaillé dans une égalité absolue en appelant à des valeurs modernes, ne s'accommodant d'aucun fanatisme. Et l'axe de réflexion qui s'impose alors serait de savoir «comment le monde arabe qui vit une régression depuis l'arrêt de l'Ijtihed au neuvième siècle serait-il capable de passer directement à la postmodernité alors qu'il n'a connu et vécu de la modernité que la modernisation ?». Questionnait Hechmi Dhaoui à l'ouverture de la rencontre.
La première à esquisser quelques réponses, la journaliste et auteure Sophie Bessis place son intervention sur le thème «La modernité tunisienne entre les pièges de l'hégémonie de la norme et les dangers du relativisme». D'emblée, elle intervertit la thématique générale en modernité contre postmodernité et s'attaque aux définitions. La modernité, d'abord — comme avènement d'un homme universel inscrit dans une société juridiquement sécularisée – et ses angles morts, ses contradictions et ses restrictions de modernité incarnée par le mâle blanc. Histoire de savoir s'il faut récuser cet universel comme une déclinaison de l'hégémonie occidentale ou retenir la pertinence de ses universaux. La postmodernité ensuite comme courants d'études postcoloniales et d'études subalternes indiennes, pensées ancrées à même les contradictions de la modernité et l'épuisement du paradigme du progrès qu'elle traverse. Et c'est au nom des angles morts des lumières que les pensées postmodernes vont prôner le relativisme culturel et la négation de l'universel. Moment historique de réaction identitaire à la mondialisation, ces pensées se déclinent dans l'ère arabo-musulmane sur le mode religieux, par le recours au religieux et la réactivation de la norme islamique proposée à des sociétés devenues anomiques.
Quand le Sud se réapproprie les universaux et les désoccidentalise…
Mais ces pensées ont bien d'autres déclinaisons dont la spécificité asiatique et les mouvements identitaires occidentaux fondés sur la peur et la crispation. Ce qui place le débat actuel au-delà de la question classique de l'Occident dominateur et de l'Orient dominé mais entre l'universel et le spécifique. Une sorte de désoccidentalisation des universaux et leur réappropriation par les sudistes. «La question serait alors de savoir si l'universel peut devenir un corpus où l'humanité entière, dans toute sa diversité, peut se reconnaître», questionne Sophie Bessis, affirmant que la Tunisie du 14 janvier a écrit une bonne partie de ce débat et qu'en s'appropriant les principes universels, les Tunisiens se sont bien inscrits dans un récit de l'universel et non du spécifique. «C'est en tout cas un moment fondateur… Après, place à la bataille politique et idéologique dont on ne peut faire l'économie», conclut Sophie Bessis, rappelant que les idéaux de liberté, de justice et de dignité sont au cœur de la révolution tunisienne et que la démocratie reste une construction politique à faire…
S'inscrivant dans la même réflexion sur les postures postmodernes, l'anthropologue tuniso-suisse Mondher Kilani va de son côté démontrer en quoi les révolutions arabes sont-elles postmodernes, au-delà de leurs différences.
C'est qu'elles surviennent à un moment où la construction d'une entité homogène globale et d'un temps linéaire, depuis la chute du Mur de Berlin faisait entrevoir au monde la fin de l'Histoire.
«Mais feu et avancées à découvert contre des forces armées, les Arabes sont sortis du ressentiment et ont retourné la violence contre eux-mêmes pour s'appartenir à nouveau et redonner sens à l'Histoire… Tous les mythes arabes se sont du coup écroulés entre culte du chef, croyance en un Etat religieux… Ainsi les arabes ont-ils accompli leur entrée dans la modernité et la postmodernité et donné, en même temps, un démenti cinglant à la thèse du choc des cultures. Maintenant c'est cette thèse de choc des cultures qui constitue le danger beaucoup plus que les particularismes arabes…». En vient à conclure Mondher Kilani.
Mais comment éviter à la révolution de se confronter à une régression possible ?
Supporter suffisamment de chaos pour qu'émerge la créativité !
Le psychiatre-psychanalyste et chercheur français François-Martin Vallas y répond par une longue et passionnante expédition scientifique, physique et philosophique aux origines des systèmes complexes qui régissent l'émergence de la créativité en tant que vecteur possible du changement. Des propriétés de ces systèmes complexes d'émergence, l'orateur établira la parallèle avec l'Etat révolutionnaire qui relève d'une dynamique chaotique, non linéaire et non prédictible, mais qui peut tout aussi bien permettre l'émergence de la créativité et de bien d'autres qualités nouvelles. «La difficulté et le défi alors posés étant de supporter suffisamment de chaos pour qu'émergent ces facultés, étant donné que ces phénomènes d'émergence amènent autant de créativité que de destruction», prévient le psychanalyste rappelant que toutes les révolutions ont été accompagnées de leur destructivité. Alors comment combattre le mal sans devenir le mal lui-même ? Par l'éthique et précisément une post-éthique qui, étant tout le contraire d'une morale, prévoit de gérer cette tension entre ordre et chaos, entre sens et non sens… «Il ne s'agit pas dès lors d'opposer modernité à postmodernité… C'est plutôt de leur confrontation qu'émerge une démocratie nouvelle : la vôtre».
De cette conclusion du psychanalyste chercheur François-Martin Vallas, on retiendra aussi que la démocratie est une auto-organisation de la conflictualité sociale et qu'on devrait pouvoir maintenir cette tension sans laquelle il n'y a de démocratie possible…
Définition peu familière avec laquelle il nous faudra désormais compter…


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