Depuis la révolution, le phénomène des étals anarchiques n'a cessé de s'amplifier, rendant impraticables certaines artères au niveau de la capitale et de ses environs. Des mois durant, la circulation des personnes et des automobiles a frôlé l'insoutenable, donnant lieu à une atmosphère encombrante qui a conduit l'ancien gouvernement provisoire à prendre le taureau par les cornes afin d'apaiser les tensions des commerçants, mais aussi afin de tenter de satisfaire les demandes des vendeurs ambulants. A l'Ariana, la situation commence à retrouver son cours ordinaire. Les marchands récalcitrants, occupant autrefois l'espace aux alentours du marché municipal, n'ont plus, aujourd'hui, raison d'être mécontents de leur déménagement. Désormais, ils doivent se loger dans leur nouveau local, aménagé au sein de l'ancien abattoir de la région. La municipalité de l'Ariana avait mis fin aux étals anarchiques manifestement nuisibles aux uns et aux autres, en les transférant dans un nouvel espace donnant sur l'avenue de l'Indépendance et celle de Taïeb M'hiri, face au terminus du métro n°2, au cœur de la ville. Un emplacement de 1.500 m2, dont l'aménagement a atteint un coût global de 200 mille dinars, et qui comporte moult segments commerciaux, doté d'éclairage et des abris sous lesquels chacun dispose au total d'un 1,5 m2 de superficie pour exposer ses fruits et légumes. Soumis à un horaire d'hiver et d'été bien déterminé, ce nouveau marché, bien qu'il soit opérationnel, a fait encore l'objet de travaux d'extension et de réaménagement pour pouvoir accueillir dans les jours à venir le reste des commerçants dont le nombre avoisine les 150. Cependant, de par son installation toute récente, le marché ne draine pas un grand nombre de clients. Question de notoriété, peut-être ? Mohamed, jeune commerçant, se loge derrière son étalage approvisionné en légumes et en fruits, sans énergie ni enthousiasme. Il ne cache pas son mécontentement en déplorant son déménagement. «Regardez comment nous nous installons difficilement dans ce mètre et demi. L'espace est exigu et si encombrant, sans parler du faible éclairage qu'il y a», grogne-t-il. «Nous sommes quelque 250 vendeurs et personne parmi nous ne se hasarde à mobiliser son argent, par peur de tout perdre, car les choses ne vont pas comme on l'a imaginé», indique-t-il, ajoutant qu'ils étaient en pleine activité aux abords de l'autre marché municipal. Se montrant satisfait, beaucoup plus patient que son collègue, Sami, vendeur de dattes, met la situation du local dans son nouveau contexte géographique. «De par son installation toute récente, il est tout à fait normal que le rythme d'activité traîne et que les consommateurs tardent à y affluer», lance-t-il sur un ton optimiste. Et d'ajouter que l'emplacement se trouve dans un endroit adéquat, susceptible d'attirer de plus en plus de clients. «Dès lors qu'il devient publiquement connu, ce marché aura certainement sa valeur commerciale dans la région», souhaite-t-il, reprochant toutefois à l'espace son étroitesse. Afin de leur donner du souffle, la municipalité vient d'exempter ces marchands des frais de location, de l'ordre de 30 dinars par mois pour chacun, tout au long de cette année. Ce qui n'empêche pas ces derniers de continuer de faire du bruit. Alors que ce local est encore récent, le phénomène des étals anarchiques se met à pousser de nouveau. Juste à côté, une femme quadragénaire expose ses produits. Sans soutien familial, sauf ses petits enfants qu'elle s'efforce de nourrir de sa propre et unique source de revenus.