Par Ahmed DRIRA Comme observé dans la première partie de notre étude, le calvaire du chômage allant durer plusieurs années pour des centaines de milliers de personnes, l'Etat doit leur assurer une aide matérielle et autres. Certaines formes d'aide ont déjà été mises en œuvre, comme le programme Amal. Il convient de revoir ce programme et les programmes similaires afin de concevoir un programme plus global et plus exhaustif. L'aide aux chômeurs doit se faire dans le cadre d'un programme structuré, qui prend en compte le caractère durable du chômage en Tunisie. Cette aide doit avoir pour objectif d'apporter un certain soulagement aux chômeurs, sans pour autant encourager la fainéantise. Ainsi par exemple, tout chômeur qui refuse un emploi peut se voir retirer l'aide. En outre, pour les priorités dans les recrutements, tout en donnant à la compétence la priorité qu'elle mérite, il convient de poursuivre dans la direction déjà entamée de prendre en compte d'autres critères. Ces critères sont par exemple de donner une certaine priorité à ceux qui sont inemployés depuis plus longtemps, et à ceux qui appartiennent à des familles qui n'ont pas de soutien. Ainsi, le calvaire des familles les plus précaires serait considérablement allégé. Ces principes et critères de recrutement doivent être étayés et annoncés de façon très claire, et appliqués avec une équité et une transparence sans faille dans les organismes étatiques et para-étatiques, et encouragés dans le secteur privé. Enfin, un effort pédagogique continu de communication doit être fait par le gouvernement, afin d'expliquer au public le problème du chômage et la difficulté de le résoudre, les mesures prises à cet effet, et de demander aux gens d'être patients. Le peuple peut faire preuve de patience dans la mesure où l'Etat fournit une aide aux personnes touchées, et surtout dans la mesure où le peuple a confiance dans la transparence, l'intégrité et l'équité du gouvernement. Volet politique de la solution. Pour le volet politique, il y a déjà la sécurité qui doit être rétablie dans le pays comme déjà mentionné. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités, et appliquer la loi contre ceux qui commettent des crimes et des délits en coupant les routes, en usant de la force pour empêcher les gens de travailler, en saccageant, en pillant et en brûlant la propriété publique ou privée, ou même en troublant l'ordre public. En revanche, les syndicats, les partis politiques et la société civile en général doivent faire preuve de maturité et de compréhension, et surtout de bonne foi, et ne pas instrumentaliser les fauteurs de troubles à des fins de politique politicienne. Il n'est ni normal, ni cohérent, ni responsable de taxer le gouvernement de laxisme quand il est passif, pour le taxer ensuite de dictature ou d'oppression ou d'atteinte aux libertés quand il prend ses responsabilités et applique la loi. Sans sécurité il n'y aura ni investissement, ni croissance, ni création d'emplois. Le gouvernement doit aussi faire un effort important pour assurer un partenariat avec les syndicats, afin d'assurer la stabilité dans le pays, limiter les grèves et les sit-in, et remettre le pays au travail. Un autre élément politique déjà mentionné est le combat sans merci contre la corruption. Un tel combat aura pour effet de tranquilliser les investisseurs, aussi bien tunisiens qu'étrangers, et de les encourager à investir dans le pays. Cet élément est intimement lié à l'instauration de l'Etat de droit, et à l'assainissement de la justice, afin que les investisseurs soient rassurés que personne de bien connecté ne viendrait leur usurper le fruit de leur travail et de leurs efforts. Enfin, il y a un élément très important dans la politique du gouvernement, qui est notre relation avec les pays frères et amis, et surtout la Libye. Il est permis d'espérer que dans quelques mois, le chantier de reconstruction de la Libye démarrera. Et c'est là une chance énorme pour les travailleurs tunisiens au chômage, que le gouvernement ne doit en aucun cas rater, et pour laquelle il doit se préparer dès maintenant. En plus des dizaines de milliers de travailleurs tunisiens, la Libye comptait avant sa révolution plus d'un million de travailleurs égyptiens, dont une grande partie sont rentrés chez eux, sans compter les travailleurs d'autres nationalités. Il importe donc de développer les relations avec la Libye au maximum afin de profiter de ce gisement de travail qu'elle représente, et qui pourrait absorber rapidement une partie appréciable de notre main-d'œuvre inemployée, et apporter une contribution majeure à l'allègement du chômage en Tunisie. D'autres pays, notamment au Moyen-Orient, pourraient aussi accueillir la main-d'œuvre tunisienne, et il ne faut pas les négliger. Mais c'est la Libye qui représente le plus grand espoir. Volet éducationnel de la solution. Il est bien connu que notre système éducatif génère beaucoup d'échecs, et que chaque année des milliers de jeunes quittent l'école pour le chômage et la précarité. En plus, même pour ceux qui réussissent leurs études, il y a, pour une bonne partie d'entre eux, une inadéquation notoire entre leur formation et les besoins du marché de l'emploi. Les 200 000 chômeurs diplômés de l'enseignement supérieur en sont une preuve indiscutable. Un autre indicateur qui confirme cette inadéquation est le taux de chômage des diplômés de l'enseignement supérieur, qui est supérieur de plus de la moitié, au taux de chômage global. Ce taux était en effet estimé à la fin de 2010 à 23,3%, contre un taux de chômage global de 13% à la même date (rapport annuel de la BCT pour 2010; page 27). Notre système éducatif doit donc être repensé afin de mettre en œuvre une réforme qui prendra en compte la nécessité de minimiser les échecs scolaires, et d'améliorer l'employabilité de ceux qui réussissent leurs études. C'est là un grand chantier, qui demande beaucoup de temps et beaucoup de réflexion. Mais, le problème du chômage est aussi un problème de longue durée, et il n'est donc pas superflu d'entamer la réforme de notre système éducatif le plus tôt possible. En conclusion, le problème du chômage est un problème difficile à résoudre, et sa solution ne peut se faire que dans la durée. Mais le pays n'est pas dépourvu d'atouts. Il peut combiner les volets économique, social, politique et éducationnel, afin d'attaquer ce problème sur plusieurs fronts, et améliorer la situation de façon peut-être lente, mais sûre. Une croissance économique forte et durable, qui permettrait d'attaquer les causes structurelles du chômage est possible, moyennant une lutte intransigeante contre la corruption, l'instauration de l'Etat de droit, et un meilleur équilibre des investissements entre les régions. Des mesures sociales doivent être poursuivies et renforcées entre-temps pour venir en aide aux chômeurs et leurs familles, et une réforme de notre système éducatif doit être démarrée pour une meilleure adéquation de la formation avec les besoins du marché du travail. Le marché libyen représente aussi une aubaine de taille pour envoyer une bonne partie de notre main-d'œuvre inemployée au travail, et le gouvernement doit se préparer à cette aubaine et la saisir comme il faut. Il y va des intérêts vitaux de notre pays et de son avenir.