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Le second Omar, ou la piété politique
Figures et concepts
Publié dans La Presse de Tunisie le 31 - 03 - 2012

L'arrivée au pouvoir de la dynastie omeyyade en 661, c'est-à-dire quelque 29 ans après la mort du Prophète, survient sur fond de guerre entre musulmans et dans le triomphe d'une grande famille de la tribu mecquoise de Qouraïch, les Banou Oumeyya. En 661, les conquêtes se poursuivent qui permettent d'étendre encore plus le territoire du nouvel empire, mais en réalité on est déjà en présence d'un vaste domaine, qui mord très profondément dans les régions autrefois sous domination byzantine et perse, en particulier. Cette situation donne lieu à un problème qui avait déjà eu l'occasion de se manifester du temps des tout premiers califes mais qui, désormais, prend de plus grandes proportions, à savoir celui du malaise des non-Arabes. On sait que les habitants de confession non musulmane sont soumis à une taxe particulière. L'effort de guerre a ses propres exigences budgétaires et l'on se retrouve dans une situation assez étrange où, pour assurer des rentrées d'argent dans les caisses de l'empire, l'on essaie de freiner les conversions à l'islam. Non que l'on s'accommode énormément de la présence de ces populations, surtout chrétiennes, mais la raison financière prime sur la raison religieuse. En outre, les sujets dont la conversion est récente sont soumis également à une taxe.
Le résultat est donc qu'il existe des populations arabes dont certaines peuvent se partager le butin des conquêtes en cours tout en ne subissant que de très légères taxes, alors que, par ailleurs, les populations non arabes représentent le gros de tous ces gens sur qui sont effectuées les plus lourdes ponctions : ponctions servant essentiellement à alimenter les opérations guerrières dont les bénéfices vont surtout profiter aux Arabes ! La chute de la dynastie en 750 n'est certainement pas étrangère à cette injustice.
Un calife ascète
Cela dit, il n'est pas vrai de considérer que tous les califes qui se sont succédé dans la lignée des Omeyyades ont consacré cette domination arabe au détriment des autres populations. Le contre-exemple, ou l'exception qui confirme la règle, c'est Omar Ibn Abdelaziz : 8e calife de la dynastie et arrière-petit-fils de Omar Ibn el-Khattab. On lui doit à la fois une réforme fiscale et un arrêt des expéditions guerrières. Signalons ici que, à son arrivée au pouvoir, les armées musulmanes étaient en train d'assiéger Constantinople, capitale de l'empire byzantin. Elles seront vite rappelées et, d'une façon générale, pendant le court règne de Omar Ibn Abdelaziz (717-720), une pause sera observée au niveau des conquêtes, au profit d'une réorganisation interne de l'empire... Une politique, toutefois, qui plaira d'autant moins aux privilégiés du régime que cette réorganisation sera accompagnée d'une reprise en main des finances publiques dans le sens de la rigueur. Omar était d'ailleurs très à l'aise pour mener la guerre contre la corruption et le détournement des deniers publics, car il menait lui-même une vie d'ascète, toute en privations... A telle enseigne que, à ce qu'on raconte, certains visiteurs du Palais le prenaient pour un serviteur. Et c'est sans doute ce qui faisait que si, d'un côté, il était suivi par quelques-uns avec des grognements plus ou moins étouffés, la masse de la population le plébiscitait, qu'elle fût d'origine arabe ou non.
En effet, à son austérité légendaire se joignait une piété qui forçait le respect parmi les croyants musulmans et qui ne passait pas non plus inaperçue parmi les autres. On raconte de lui qu'il était capable de passer de longues nuits dans des attitudes de prière, enchaînant pendant la journée avec le jeûne et que, par ailleurs, l'expérience du pouvoir ne fut jamais pour lui l'objet d'une recherche mais, bien plutôt, une responsabilité qu'il redoutait et qui était pour lui source d'angoisse. Même si on peut penser que la piété du personnage a pu faire dans la suite l'objet d'une description exagérée de la part de ceux qui étaient soucieux de trouver en une figure si éminente le support de leur discours édifiant, il est difficile de penser que Omar n'ait pas été un modèle de conduite religieuse.
Mesures vexatoires?
Mais l'évocation de ce personnage peut susciter l'interrogation aujourd'hui. Qu'est-ce à dire ? Sommes-nous en train de suggérer qu'une telle conduite est précisément ce qui manque à nos gouvernants ? Il est vrai que, à son époque, la société musulmane subissait une perte de sens du fait de la conduite des gouvernants précédents et que, à l'inverse, Omar Ibn Abdelaziz permettait aux hommes et aux femmes, habitants de l'empire sous son autorité, de retrouver une vigueur religieuse et de mesurer aussi ce que le respect des règles et des rites apporte en termes de qualité du vivre-ensemble. Car, quoi qu'on dise, plus l'élément religieux est fort dans une société, plus s'affaiblissent les conduites qui relèvent de l'avidité individuelle et, avec ces dernières, l'effet corrosif qu'elles ont sur les liens sociaux. Et les mesures même qu'a prises notre calife contre des pratiques illicites du point de vue de l'islam, mais tolérées du point de vue des autres religions dont les adeptes étaient, malgré tout, non seulement des sujets mais aussi des sujets qui demeuraient quant à eux surtaxés en dépit des réformes, cela n'a guère suscité d'émoi particulier. On considérait sans doute que le bénéfice de l'amélioration générale des relations humaines à l'intérieur de la société compensait largement la mesure plutôt vexatoire et discriminatoire qui consiste par exemple à interdire les boissons alcoolisées à des populations dont la croyance et les traditions ne prévoient pas d'interdiction dans ce domaine. Les Chrétiens eux-mêmes ne semblent pas avoir protesté outre mesure, en tout cas, contre une telle politique. Bien sûr, s'ils l'avaient fait, il serait difficile de le savoir, vu qu'ils n'avaient pas de chroniqueurs à leur service qui eurent pu transmettre jusqu'à nous l'écho de leurs griefs. En fait, on peut bien supposer une gêne, mais la domination et l'arrogance étaient davantage du côté des califes qui faisaient régner sur la société le privilège ethnique de l'Arabe, et non pas du côté de celui qui avait tant fait pour réduire ce privilège au profit du principe d'égalité. En somme, les mesures prises à l'encontre des non- musulmans n'avaient pas pour intention ni d'humilier ni de dévaloriser : ce qui ne sera pas toujours le cas par la suite, néanmoins. Leur intention était seulement de faire prévaloir la primauté d'une loi religieuse dont l'effet était cependant d'instaurer dans la société un climat de plus grande fraternité, qui profitait en fin de compte aux non-musulmans aussi.
Au pays du XXIe siècle...
Mais transposer une telle façon de gouverner aujourd'hui n'aurait pas le même sens, et il y a fort à parier que, s'il eût vécu parmi nous, Omar Ibn Abdelaziz n'aurait pas eu l'idée même des réformes qu'il a engagées. Car les mêmes mesures qu'il a prises auraient eu, indépendamment même de ses intentions intimes, le sens d'une domination, non pas certes d'une ethnie sur une autre, mais d'une communauté religieuse sur une autre. Il est vrai qu'il y avait une supériorité de fait de la communauté musulmane sur les autres communautés à l'intérieur de l'empire omeyyade, mais cette supériorité n'était pas de droit et ne consacrait pas une loi de domination des sujets musulmans sur les sujets non musulmans. Ce qui, encore une fois, ne signifie pas que l'empire sera toujours indemne d'une telle dérive.
Qu'est-ce qui fait toutefois que ce qui passait autrefois ne passe plus désormais ? D'une part, l'islam a joué un rôle pédagogique dans la diffusion de l'idéal d'égalité de tous devant Dieu, donc d'égalité de tous les hommes en droit et, dès lors que ce principe est ancré dans les esprits, revenir en arrière à une phase où il était permis de traiter, dans la cité, la croyance et les coutumes de certains hommes d'une façon plus légère que celles d'autres, cela constitue un cas de contradiction avec l'enseignement même de cette religion. D'autre part, nous vivons à notre époque dans des sociétés complexes, mais où il ne saurait plus y avoir de droit du vainqueur qui s'exerce au détriment des vaincus : la complexité, en d'autres termes, n'est plus une donnée accidentelle des sociétés, l'effet indésirable, pour ainsi dire, de la fortune changeante des guerres. C'est au contraire une donnée essentielle et elle exprime la volonté partagée de citoyens qui font le libre choix de cohabiter au sein d'une même communauté politique dans le respect de leurs différences... La piété ne saurait dans ces conditions s'inscrire en faux par rapport à une telle configuration : elle a bien plutôt à conférer une dimension spirituelle à quelque chose qui relève d'un degré élevé de civilisation...
Omar Ibn Abdelaziz fut entièrement le fils de son temps, dans ses habitudes quotidiennes autant que dans ses choix de gouvernement, et il ne convient peut-être pas de tenter de le déplacer de son siècle. Mais l'intelligence de sa psychologie, la compréhension de son attachement à faire prévaloir les conditions d'une existence qui soit conforme à une exigence de dignité et de considération réciproque, tout cela autorise à penser que, si quelque miracle le mettait parmi nous, alors il saisirait ce qui, dans l'écrin du message religieux, bénit une communauté où l'épreuve de la différence ne fait qu'augmenter le mérite des hommes à vivre les uns avec les autres et les uns pour les autres.


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