Discorde et rupture : les deux termes, semble-t-il, les plus appropriés pour parler de l'ambiance qui a régné, hier, au siège du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, à l'ouverture des travaux de la consultation sur le cadre législatif du secteur de l'information dans sa première séance, présidée par MM. Noureddine Bhiri, ministre de la Justice, et Maher Zitoun, ministre conseiller chargé des dossiers politiques auprès du chef du gouvernement. En effet, le bouillonnement et le malaise étaient perceptibles dès le départ et avant même le commencement du côté des communicateurs et des journalistes, qui ont repéré la présence de quelques «persona non grata » ayant joué un rôle dans le nivellement par le bas du paysage et du discours médiatiques dans l'ancien régime. Juste après l'allocution de M. Bhiri, Mme Sihem Ben Sedrine, présidente du Conseil national pour les libertés et présidente du Centre de Tunis pour la justice transitionnelle, est intervenue, soulignant que les bases de cette consultation seraient manquantes en l'absence du Syndicat national des journalistes (Snjt), la partie représentative légale des gens de la profession, et l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication (Inric). Mme Ben Sedrine a également fait observer que la présence de quelques figures compromises dans l'ancien système ne pouvait en aucun cas servir ni le secteur de l'information ni le consensus national recherché. En conséquence, elle a réclamé le report de cette consultation, afin de permettre à un plus grand nombre d'intervenants du secteur de l'information de dire leur mot. Un point de vue partagé par le secrétaire général du syndicat général de la culture et de l'information relevant de l'Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt), qui a ajouté que l'absence du Snjt, acteur principal dans l'évaluation et la réforme du secteur, des travaux de cette consultation suscitait plus d'un point d'interrogation. Le même intervenant a par la suite indiqué que la structure à laquelle il appartient ne saurait en aucun cas accepter une démarche unilatérale. Pour sa part, M. Tahar Ben Hassine, fondateur de la chaîne El Hiwar Ettounsi, a fait remarquer que la réforme du secteur de l'information nécessite une franche volonté politique et un consensus clair. Lequel consensus «ne peut être réalisé sans l'association des institutions concernées dans tout le processus de réforme», a-t-il expliqué. Des interventions auxquelles M. Bhiri a réagi en affirmant que la liberté d'expression et l'intérêt supérieur de la patrie sont la cause et la préoccupation majeure de tous les Tunisiens, pour ensuite passer le mot à Mme Rawdha Mechichi, juge principal de la Cour administrative. Un choix que les journalistes présents ont jugé incompréhensible et qui les a amenés à boycotter les travaux de cette consultation. A noter que, comme l'Inric, le Snjt a publié hier un communiqué précisant sa position par rapport à la démarche adoptée par le gouvernement. Le Snjt s'attache donc à sa fonction d'unique représentant légal des gens de la profession ainsi qu'à son rôle de principal négociateur pour ce qui est de l'élaboration d'un cadre législatif de l'information. Il considère, par ailleurs, que le projet de réforme du secteur de l'information et de la communication suscite une préparation à l'avance et un travail de concertation avec la partie représentative et légale et que «la participation de parties qui ne représentent pas le secteur est illégale et illégitime».