Par Mehrez BEN SAID* «Chaque culture traverse les phases évolutives de l'homme en particulier. Chacune a son enfance, sa jeunesse, sa maturité et sa vieillesse». (O. Spengler- Le Déclin de l'Odccident). Monsieur le ministre, vous savez comme nous que la culture a toujours été le miroir de toute communauté. Sûr, puisqu'elle dépeint son passé, reflète son présent et y projette et immunise son avenir. C'est pourquoi certain régimes, fussent-ils les plus tyranniques, pour laisser des traces dans la postérité, malgré la misère de leurs protégés, se sont mis à dépenser des sommes colossales pour la construction de certaines œuvres culturelles monumentales. Rappelons seulement les Sept merveilles du monde. Et celles des temps modernes pour montrer à quel point la culture doit être considérée et enracinée dans toute société qui veut progresser et viser la pérennité. Dommage que, dans certaines localités, en particulier les petites villes et les villages, l'activité culturelle n'ait joui presque d'aucun intérêt de la part des autorités, lesquelles ne laissaient que les affiliés au PSD et au RCD assumer des responsabilités dans les comités culturels inféodés à cent pour cent aux cellules destouriennes, qui en faisaient la plupart du temps un organe de propagande à leur politique machiavélique et hégémonique. Et, à part certaines années, l'activité culturelle dans notre petite ville, Métline, le «vivier» des intellectuels, le comité culturel local nous a été toujours rebelle, nous les démocrates : d'où certaines querelles avec les autorités qui voulaient garder et pour toujours nos terres incultes sans le moindre labour. Que de délégués nous ont frustrés en voulant étouffer notre liberté de créer. L'histoire ne peut leur pardonner leur tyrannie, eux qui ont tant nui à notre cher pays. Bien sûr, vu cette politique erronée, légiférant l'exclusion et la discrimination, la plupart des jeunes ont préféré soit quitter la scène, soit mener une vie sereine. Et une minorité a opté pour un refuge au sein d'autres organisations syndicales ou professionnelles ou des droits de l'Homme, à la recherche d'une marge de démocratie et de liberté, malgré l'oppression de l'oligarchie de Ben Ali. Et si, M. le ministre, ces comportements de l'ancienne ère étaient compris et plus ou moins admis, aujourd'hui, après presque plus de quinze mois, peut-on encore admettre que certains traîtres se comportent encore parmi nous tels des prêtres ou des maîtres ? Certains, à peine ont-ils quitté par la porte, que les voilà qui nous reviennent par la fenêtre ! Voilà pourquoi, quelques-uns n'ont même pas pris la peine de s'excuser ou nous laisser en paix : ils continuent à s'accrocher aux responsabilités rien que pour défendre leurs égoïstes intérêts ! Eh oui, M. le ministre, malgré nos interventions auprès du délégué, voire du nouveau gouverneur, pour trouver une solution au comité culturel local, disposant d'un bureau, d'un budget et ne faisant aucune activité, nous n'avons pas encore de réponse à nos doléances. M. le ministre, ces comités culturels sont et demeurent les plus rebelles aux objectifs de la révolution puisque ceux qui les dirigent sont encore fidèles à l'ancien régime. Oui, M. le ministre, si je m'adresse à vous, c'est parce que vous avez la clé entre vos mains et que c'est en partie de vous que dépend notre destin aujourd'hui et demain. Oui, M. le ministre sociologue, il est temps que vous mettiez fin à ce lugubre épilogue ! Et c'est cette belle révolution qui a ravivé nos ambitions. Nos jeunes, franchement, peinent, ils ont besoin d'amour, pas de haine, ils veulent voir leur volonté, longtemps asservie, souveraine. N'ont-ils pas alors besoin d'une bouffée d'oxygène pour avoir l'âme sereine. Il suffit d'une circulaire conforme à l'ère révolutionnaire pour qu'ils puissent se plaire et se considérer comme frères et sœurs solidaires. M. le ministre, Métline, qui a formé des personnalités illustres, vous prie de nous aider à tourner la page d'une ère qui a causé à notre jeunesse longtemps marginalisée, voulant par tous les moyens émigrer, de nombreux naufrages et sinistres qui ont fait des ravages parmi les téméraires équipages. Notre jeunesse n'accepte plus qu'on l'agresse ou qu'on la délaisse : n'a-t-elle pas le droit à l'allégresse, voire à la liesse ? Oui, faisons-lui confiance, elle veut prendre l'initiative et contribuer à la relance de notre pays qui a besoin de tant d'édifices en présentant beaucoup de sacrifices. En effet, Sire Bacon, dans Les Essais, n'a-t-il pas dit : «La jeunesse est plus apte à inventer qu'à juger, à exécuter qu'à conseiller, à lancer des projets nouveaux qu'à poursuivre des anciens». * (Professeur-Métline)