• Implication, désormais, des Tunisiens à l'étranger et de la société civile dans la réforme du dossier de l'émigration • L'Observatoire national de l'émigration se chargera d'un travail d'analyse, d'enquête et de prospection sur l'émigration Le secrétariat d'Etat chargé de l'émigration et des Tunisiens à l'étranger a organisé, hier, à Gammarth, le Forum des associations des Tunisiens à l'étranger. L'objectif étant de permettre aux ONGs tunisiennes œuvrant dans divers domaines liés à l'encadrement, à l'accompagnement et à la facilitation des conditions de séjour de nos concitoyens vivant à l'étranger, de se réunir et de débattre des problèmes qui les empêchent d'optimiser leurs actions, ainsi que des problèmes que vit la communauté tunisienne à l'étranger. Le forum a pour but, également, de réfléchir et de décider ensemble des grandes lignes du projet relatif à la création d'un haut conseil consultatif pour l'émigration. Ouvrant les travaux de cette rencontre, M. Khelil Zaouia, ministre des Affaires sociales, a insisté sur l'importance d'impliquer les Tunisiens sans exclusion dans la réforme. Il a rappelé que le dossier de l'émigration a connu des mutations considérables, dont l'aggravation du phénomène de l'émigration clandestine. Ce dernier a été favorisé par les conditions souvent trop rigides imposées par les pays d'accueil dans le cadre de l'émigration réglementaire. «Il est désormais indispensable de traiter le dossier de l'émigration d'une manière intégrale et en collaboration étroite avec les pays d'accueil. Nous devons, ainsi, faire l'état des lieux des problèmes et proposer des alternatives appropriées et efficaces. La création d'un haut conseil consultatif pour l'émigration va dans ce sens», indique le ministre. Il n'a pas manqué, par ailleurs, de saluer le dynamisme de la société civile tunisienne active à l'étranger, notant qu'elle ne cesse de s'enrichir grâce à l'émergence de plusieurs ONGs nouvelles. «Depuis le 14 janvier 2011, le tissu associatif s'est enrichi par la création de quelque 154 associations nouvelles. Ces dernières sont actives grâce au travail et au sérieux de compétences tunisiennes confirmées, spécialisées dans plusieurs domaines. En Tunisie comme à l'étranger, les compétences tunisiennes ne manquent pas. Il convient donc de les encourager et d'établir avec elles un dialogue fructueux, visant la promotion de la contribution associative». Mais le ministre fait état en même temps d'une situation délicate liée essentiellement à leurs ressources budgétaires et à la réticence des Tunisiens quant à l'adhésion à cette culture. Le ministre appelle à la mise en place d'un plan d'action à même de promouvoir les ONGs tunisiennes à l'étranger et à leur ouvrir plus de perspectives. De son côté, M. Hassine Jaziri, secrétaire d'Etat chargé de l'émigration au sein du ministère des Affaires sociales, a indiqué que les Tunisiens à l'étranger font face à maintes difficultés, et qu'il est grand temps d'instaurer un conseil consultatif pour l'émigration afin qu'il renforce les interventions de l'Etat au profit de la communauté tunisienne à l'étranger. M. Jaziri a insisté, également, sur l'impératif pour l'Etat de soutenir toutes les parties œuvrant dans le domaine de l'émigration. Improvisation contestée Au programme de la séance plénière figuraient deux interventions, dont la première était axée sur le rôle et les perspectives du secrétariat d'Etat pour l'émigration et, la seconde, sur le projet du conseil consultatif pour l'émigration : deux interventions qui ont été reléguées au second plan afin de permettre aux invités, membres de l'ANC, de donner, chacun, un mot improvisé sur le sujet. Ce décalage a été mal perçu par l'assistance qui, suite à l'intervention de M. Ameur Laâraïedh, membre de l'ANC représentant le mouvement Ennahdha, a témoigné de sa colère et de son indignation d'être dans l'obligation d'écouter des leçons de citoyenneté. Il faut dire que M. Laâraiedh s'est lancé dans un développement sur l'importance du rôle que jouent les Tunisiens à l'étranger en tant que maillon dans les rapports bilatéraux entre la Tunisie et les pays d'accueil. Un rôle fondé, a-t-il dit, à la fois sur des droits en tant que citoyens tunisiens, mais aussi sur des devoirs de citoyenneté. Il a poursuivi en attirant l'attention de l'assistance sur l'impératif pour nos concitoyens d'assumer leurs responsabilités citoyennes. L'intervention s'est, ainsi, convertie en une leçon sur le thème de la citoyenneté et de la constitution, ce qui a provoqué l'humeur d'une assistance qui considère qu'elle s'active déjà dans ce sens et qui s'est déplacée pour réfléchir sur le projet du Conseil consultatif pour l'émigration. Les propos improvisés des membres de l'ANC se sont quand même poursuivis. Mme Ikbel Msaddaâ, représentant le CPR, a exprimé son souhait quant à la mise en place de mécanismes efficaces en matière d'émigration. Elle a également évoqué le problème du déficit législatif propre à la société civile dans les pays du Golfe, lançant ainsi un appel afin qu'une réponse soit apportée à ce problème. Mme Mabrouka Ben Mbarek, Constituante élue par la communauté tunisienne en Amérique du Nord, a profité de l'occasion pour appeler les ONGs à élargir le dialogue et l'échange, notamment durant le présent forum. De son côté, M. Mahmoud El May, représentant le Groupe démocratique à l'ANC, a insisté sur la nécessité de défendre les droits des Tunisiens à l'étranger dans ce cadre et de penser à l'intérêt suprême du pays. Quant à M. Naji Jemal, il a mis en exergue l'importance pour les responsables des ONGs tunisiennes à l'étranger de contribuer au projet du conseil consultatif pour l'émigration. L'émigration entre passé et futur «Le secrétariat d'Etat pour l'émigration et ses mécanismes en réponse au nouveau contexte de l'émigration» : tel est l'intitulé de l'intervention de M. Habib Louizi, directeur général de l'Office des Tunisiens à l'étranger. Une intervention qui a permis de dévoiler, en un premier temps, la situation équivoque qu'a endurée l'Office à l'ère de la dictature, au détriment évidemment des droits des Tunisiens à l'étranger et des prestations susceptibles de leur apporter conseil et protection. L'intervention a permis de mettre en lumière les modifications apportées dans l'optique de redonner au dossier de l'émigration l'importance qu'il mérite. En effet, le régime déchu a encouragé l'émigration familiale afin d'atténuer la pression sur le marché de l'emploi, mais aussi afin de favoriser l'entrée de devises. Parallèlement, sa politique a réussi à créer un réseau complet, allant des amicales pour arriver aux espaces de famille, en passant par les comités de coordination rcdistes. Ces mécanismes ont permis de réprimer la délégation tunisienne à l'étranger et d'asseoir les fondements d'un esprit d'exclusion; les non-rcdistes étaient ainsi cernés et mis à l'écart. M. Louizi rappelle également les anciennes pratiques de corruption matérielle dont a souffert l'Office deux décennies durant : c'est l'Office des Tunisiens à l'étranger qui était chargé DE financer les actions et les dépenses relatives aux mécanismes de l'ex-RCD à l'étranger. «En 1995, le financement versé par l'Office était de l'ordre de 350.000 dinars. En 2010, il a atteint les 920 mille dinars», indique l'orateur. Et d'ajouter que la nomination des attachés sociaux ne se justifiait point par la compétence, mais plutôt par l'adhésion au parti au pouvoir. «Aussi, la société civile a-t-elle connu l'émergence de pseudo ONGs qui vantaient le parti au pouvoir», rappelle M. Louizi. Après le 14 janvier 2011, les efforts se conjuguent dans l'optique de rendre au tissu associatif sa neutralité, d'impliquer la communauté tunisienne dans la réforme globale, y compris celle des mécanismes et de la politique de l'émigration. La création d'un secrétariat d'Etat pour l'émigration et les Tunisiens à l'étranger traduit l'intérêt accordé désormais à ce dossier. Cette institution compte, outre l'administration, trois mécanismes dont l'Office national des Tunisiens à l'étranger, l'Agence tunisienne pour l'émigration et le développement ainsi que l'Observatoire national de l'émigration. Les deux premiers mécanismes œuvreront pour la modernisation du travail social à l'étranger, pour le suivi des affaires des Tunisiens émigrés ainsi que la réforme du cadre organisationnel de l'Office. Quant à l'Observatoire national de l'émigration, il se chargera du travail d'analyse, d'enquête et de prospection sur l'émigration. L'orateur informe également sur la création d'une commission technique pour l'émigration qui vise à répondre en un minimum de temps aux besoins des Tunisiens à l'étranger. Prenant la parole à son tour, M. Karim Azouz, chargé de mission auprès du secrétaire d'Etat pour l'émigration et les Tunisiens à l'étranger, a présenté la conception préliminaire du projet relatif au conseil consultatif pour l'émigration. L'orateur a indiqué qu'il s'agit d'une recommandation formulée depuis bien des années par les parties concernées par l'émigration. L'idée étant de mettre en place un ministère spécialisé dans ce dossier ainsi qu'un conseil consultatif. «Cette recommandation s'inscrit dans le cadre d'une nécessité démocratique et d'un appui à la réforme administrative. L'objectif étant de créer un mécanisme pour l'évaluation du travail du consulat. Or cette vision était inexistante avant la révolution. Aujourd'hui, en revanche, le pays est en chantier constitutionnel. Le dossier de l'émigration n'est plus un dossier secondaire. Les grandes lignes du conseil consultatif pour l'émigration seront tracés aujourd'hui, grâce à la collaboration de la société civile concernée», indique M. Azouz. Et d'ajouter que tout est à débattre, y compris l'appellation du conseil lui-même. L'assistance est appelée à discuter et à proposer les moindres détails, dont la composition, le choix des membres du conseil, ses mécanismes et procédures d'action... L'orateur tient, par ailleurs, à souligner que l'aspect consultatif du conseil ne réduit pas l'importance et la portée de ses propositions.