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Mais où sont donc passées les dramatiques ?
ENquête : Production radiophonique
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 09 - 2012

Déjà que la Télévision, avec ses deux chaînes publiques, ne produit que quatre feuilletons et quelques sitcoms par an, tous proposés au mois de Ramadan, la fiction, ou la dramatique, à la Radio nationale a commencé petit à petit par se faire rare vers la fin des années 1990 jusqu'à disparaître à partir de 2004. Ce vide, qu'au fond rien ne justifie, s'est répercuté négativement sur au moins trois niveaux : les auditeurs, tout comme l'Etablissement de la Radio lui-même, ont perdu une vieille tradition qui, autrefois, faisait le bonheur de beaucoup de monde: scénaristes et comédiens ont perdu un travail dont l'essentiel résidait en ceci que la fiction était le miroir de la société ; et on a cultivé, sous cape, l'idée que la dramatique est quelque chose de vain, d'inintéressant et même de superflu. Et pourtant !... Exactement comme, à la télévision, la série Le fugitif avait régulièrement mobilisé tous les publics du monde entier, la dramatique à la Radio tunisienne, puis à la Télévision, avait le don d'intéresser au plus haut degré la majorité écrasante des Tunisiens, très attentifs à l'écoute de leur poste ou face au petit écran.
Retour sur les années fastes de la dramatique tunisienne.
C'est un petit service qu'ils avaient été chercher à la Radio qui fut à l'origine de la création d'une troupe de dramaturgie. Ils, c'étaient des comédiens appartenant jadis à ce qu'on appelait Le Théâtre Populaire. Ils avaient pour noms : Hammouda Maâli, Béchir Rahal, Salah El Mehdi (ne pas confondre avec son homonyme, le musicologue), Jamila Ourabi (institutrice de son état avant de devenir comédienne professionnelle), Mokhtar Hchicha, Ezzedine Brika, Mohamed Ben Ali, Zine Mougou... C'était en 1949 et, pour les besoins d'enregistrement de quelques-unes de leurs pièces, ils avaient demandé à utiliser le matériel de la Radio, elle-même, alors, de création récente. Autant dire que c'est ce même Théâtre Populaire, pas tellement connu du large public, qui avait débarqué en 1957 à la Radio. Ainsi naquit ce qu'on a, de tout temps, appelé la Direction des variétés et de la dramatique. Allaient vite débarquer à leur tour Abdessalem El Bech, Hattab Dhib, Zohra Faïza, Mohamed El Hédi, Habib Bel Hareth, Taoufik Ebdelli, Dalenda Abdou, Hassen Khalsi, Amor Khalfa et, un peu plus tard, Mohamed Abiryga, Yahia Soltana, Ahmed Harrar, Fatma Bahri, Néjiba Ben Ameur, Moufida Ben Arfa, Mohamed Madhbouh (devenu, sur suggestion de Bourguiba, Mamdouh), Najoua, la célèbre animatrice de l'époque souvent convertie en comédienne, et probablement d'autres encore qu'on oublie forcément.
La radio est d'abord un plaisir
Quelques-uns, aujourd'hui, attribuent à Bourguiba ces propos qu'il aurait adressés sous forme de directives aux premiers directeurs de la Radio : «Il n'y a pas d'infos s'il n'y a pas d'auditeurs, et il n'y a pas d'auditeurs sans fiction, sans variétés». On ne saurait logiquement démentir cette information quand on sait que le leader avait, entre autres soucis, celui du culte de la personnalité. Sauf que passer à longueur de journée les infos et les directives présidentielles, même aérées par des émissions culturelles ou autres, eût été fastidieux à la longue. Il n'est donc pas étonnant que dans sa volonté d'être toujours présent dans l'esprit des Tunisiens, Bourguiba ait tenu à ce qu'on fît de la dramatique, tout comme des variétés musicales et des reportages de football, la colonne vertébrale de la Radio tunisienne. Il ne pouvait échapper au leader que la radio est d'abord et avant tout un plaisir grâce auquel... on peut véhiculer les messages qu'on désire passer. Sans le plaisir et la détente, on ne prête plus attention à l'overdose des choses sérieuses.
L'âge d'or de la dramatique tunisienne
Cela va certainement étonner plus d'un, mais le succès et la force de la dramatique radiophonique étaient tels qu'un grand nom du théâtre et du cinéma égyptiens avait bel et bien travaillé pour la Direction des variétés et de la dramatique. C'était Youssef Wahbi (qu'on peut distinguer sur notre photo, au milieu entre Mohamed Ben Ali à gauche et Hassen Khalsi à droite). Mais il faut dire qu'à cette époque (1957-1967), de grands noms de la littérature tunisienne écrivaient les scénarii : Houcine Jaziri, Abdelaziz El Aroui, Fadhila Khitmi, Néjia Thameur et toute la clique de Taht Essour. Youssef Wahbi était souvent, durant tout le temps qu'il avait passé à Tunis, le metteur en scène, occasionnellement comédien aussi, malgré son accent. Ainsi soutenue par de grandes voix et de grandes plumes, la dramatique avait connu des années fastes : au moins trois fictions par semaine. Une en arabe littéraire, le vendredi soir ; une le samedi : Images de la société ; et une le mardi : Teste ton intelligence (policière, et à charge pour l'auditeur de deviner qui pouvait être le criminel ou le malfaiteur), ces deux dernières en dialecte tunisien. Mohamed Ben Ali était le policier-enquêteur, une petite précision nullement inutile car on va voir, plus bas, que certains noms de comédiens avaient «épousé» certains personnages, toujours les mêmes. On peut citer encore une fiction hebdomadaire destinée aux enfants, le dimanche matin.
Le mérite de l'émulation
A mesure que les scénaristes cités plus haut disparaissaient ou suspendaient leurs plumes, d'autres les remplaçaient aussitôt. Et ils n'étaient autres que les...comédiens eux-mêmes : Hassen Khalsi, Mohamed Ben Ali (le fameux flic de mardi soir), Ahmed Harrar, Béchir Rahal, Habib Harrar, Amor Khalfa, Mohamed Ben Aziza... Ils avaient si bien aimé et assimilé l'écriture radiophonique qu'ils étaient devenus à leur tour de bons scénaristes. Invité dans une interview donnée à Réalités en 1995 à s'expliquer un peu sur ce don de l'écriture que possédaient les anciens, le regretté Hassen Khalsi dit tout simplement : «Nous n'avions qu'à regarder notre société pour en tirer mille et une histoires». Bizarre !... Ô que c'est bizarre !... Quatre fictions hebdomadaires inspirées d'une société qui comptait six ou sept millions d'habitants, et rien aujourd'hui, plus rien face à une société – la même – qui compte près de douze millions d'âmes ! Allez comprendre ce qui s'était passé à la Radio tunisienne !
Personnages célèbres
La richesse de la production dramaturgique à la Radio avait tôt fait par dégager des noms célèbres de personnages. Il y a fort à parier que le tout premier de ces personnages (et de toute manière, le comédien qui le campait était le tout premier) était Hadj Klouf. Rôle d'une rare beauté et d'un rare humour, ce Hadj, que jouait superbement et savoureusement un Hammouda Maâli tout subtilité tout intelligence, avait la manie de provoquer des querelles entre les citoyens pour finalement tirer facilement son épingle du jeu sans qu'il eût jamais à répondre de ses actes. Comme déjà dit plus haut, Mohamed Ben Ali était réputé l'enquêteur de la série policière des mardis soir. Puis, il y eut une sitcom qui, en son temps, avait défrayé la chronique : le personnage de Chanab magnifiquement campé par Ezzedine Brika. Personnage naïf, simplet mais têtu et au besoin frondeur même, Chanab était régulièrement en quête d'un emploi dont il déplorait l'indisponibilité quand c'était le cas, mais, s'il le trouvait, qu'il rejetait pour des raisons futiles et illogiques. Rappelons aussi que le regretté Ezzedine Brika était le grand bandit dans maintes dramatiques. Sa voix plus virile qu'il ne fallait lui faisait coller les rôles de criminel ou de bandit à merveille. D'ailleurs, le succès de Chanab était dû à ce paradoxe que présentait un homme bien fort mais qui rechignait à travailler. On n'oublie pas non plus Fi Dar ammi Si Allala, une sitcom avec Dalenda Abdou et Chatta.
Et la télévision fit le reste
Avec l'arrivée en 1964 de la Télévision tunisienne, évidemment en N & B, intense était le bonheur des Tunisiens de voir en chair et en os leurs comédiens que, jusqu'à naguère, ils identifiaient seulement à travers leurs voix. Les premières fictions à être passées à la télé étaient Hadj Klouf bien évidemment, mais aussi les fameux contes d'Abdelaziz El Aroui, généralement adaptés des Mille et une Nuits. Puis, il y eut la grande série qui battit un réel record malgré son accent littéraire : «L'affaire N°...». C'était à chaque fois une affaire judiciaire, toujours pénale, où les principaux protagonistes étaient l'avocat, que jouait un merveilleux Amor Khalfa, et le représentant du parquet que campait Mokhtar Hachicha. Pour les auditeurs, le premier était réputé l'humain, le très gentil, cependant que le second était dit l'inhumain, le méchant. A cette époque, les auditeurs retenaient toujours leur souffle de peur que l'accusé n'écopât quelques années de prison, ils misaient tout le temps sur l'art de plaidoirie de... Amor Khalfa pour acquitter le suspect. Cela paraît naïf aujourd'hui, mais c'est pour dire l'intelligence de l'intrigue et la beauté du texte qui garantissaient l'attachement des auditeurs.
Et comment oublier le très grand Abdesselem El Bech dans la série Khalti Aycha Rajel ? Comédien tout simplement génial, El Bech avait le don unique – unique !! – de savoir mimer toutes les gestuelles des femmes et avec un doigté sans égal. Que sa mémoire nous le pardonne, mais, dans cette série, il paraissait plus femme qu'une femme réelle. Imaginez donc un peu le succès qu'il avait. Un succès fou !
On était encore à admirer ces personnages hors pair quand la troupe nous proposa une autre série, celle qui fit entrer à jamais ces comédiens dans l'histoire de la dramatique tunisienne : Ommi Traki campée avec charme et séduction par une Zohra Faïza au summum de son art. A ses côtés, dans la série, trois autres grands noms : Mohamed Ben Ali, son fils dit également Ali dans la série, Salah El Mehdi, son mari, et Abdessalem El Bech, son frère. Le clou était Mohamed Ben Ali qui, déjà assez gros, presque obèse, avait, de surcroît, tout le temps quelque chose à grignoter dans la bouche. Rappelons aussi que la grande Zohra Faïza s'était, avant, rendue très célèbre par son rôle dans la pièce de théâtre Om Abbès.
Le déclin
Il va sans dire que nous n'avons pas, ici, passé en revue 46 ans de dramatiques radiophoniques, c'est un livre de plus de 400 pages que cela nécessiterait. Soulignons, toutefois, que l'ensemble de ces comédiens étaient des fonctionnaires de la Radio tunisienne. Ils répétaient, alors, dans un local loué par l'Etablissement à la rue de Cologne, à Lafayette. Ils formaient une famille soudée. Et à mesure qu'ils avaient disparu, l'un après l'autre, la dramatique s'est émoussée, elle a commencé à battre de l'aile. Il fallait qu'une nouvelle génération de comédiens remplace les anciens. Mais il n'en fut rien. Rien. Pendant quelques années, de nouveaux scénaristes sont arrivés, dont Hassanine Ben Ammou, Ali Dab, Bou Kthir Douma... Ces dernières années, d'autres scénaristes ont écrit quelques sitcoms, dont notre collègue Lotfi Ben Sassi et notre confrère Imed Ben Hmida. Et tout d'un coup, plus rien. En 2004, le président de l'Ertt ne trouve pas mieux que de balancer sur le bureau la décision du siècle : « Il n'y aura plus de budget à allouer pour la troupe dramatique ». Le local de la rue de Cologne a été rétrocédé à son propriétaire. Et c'est le vide. Même durant le mois saint, il n'y a plus rien à faire. Ou presque.
L'orphelin
Recruté en 1977 dans la Direction des variétés et de la dramatique, Mohamed Sayari a eu la chance de jouer aux côtés de nombreux anciens. A leur contact, il a appris également la mise en scène en milieu radiophonique. Sauf qu'aujourd'hui, il n'y a plus personne à diriger. De toute l'armada de comédiens cités plus haut, il n'est resté que lui, et trois autres qui occupent officiellement d'autres postes à la Radio, mais travaillent à la pige lorsqu'il y a, par miracle, une dramatique à jouer. Orphelin est Mohamed Sayari, c'est bien le cas de le dire. Sans oublier l'autre grande victime : la dramatique tunisienne !


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