«Quand la couleur est à sa richesse, la forme est à sa plénitude», Paul Cézanne (1839-1906) Avec l'exposition «Hymne à la vie» de l'écrivain et peintre Jamel Chaouki Mahdaoui qui se déroule depuis le 24 avril dernier chez Donia Bouattour, à Bel Art, nous sommes en plein dans une ambiance de spiritualité, une atmosphère de mysticisme, complètement étrangère à ce regain de pseudo-religiosité qui a vite fait de toucher le monde des arts plastiques par le biais d'une peinture de croûte qui relève d'un folklorisme pur et dur. Le soufisme de Mahdaoui évoque étrangement la poésie persane de Roumi, Khayyam ou Hafiz. Sa peinture, fondamentalement d'essence classique, s'épanouit dans le sens ésotérique de l'érotisme qui ne dit pas son nom. Une sensualité cachée, qui peut moduler à l'infini le ressort et l'esprit de cet étalage très discret d'une nudité dont l'esthétique est en tout point conforme à un idéal de beauté décent et convenable au regard de la moralité. Il faut prendre un certain recul par rapport à l'œuvre et bien s'imprégner de son contenu pour parvenir à déceler, dans les méandres et les sinuosités de l'enchevêtrement des lignes et des courbes, les contours de certaines parties de l'anatomie féminine. Des rondeurs suggérées, des formes charnues, des figures sphériques tels des boules ou des globes, des silhouettes épanouies qui, toutes, expriment un monde intérieur et rebâtissent un univers où les formes ont perdu tout lien avec le contexte dont elles sont issues, pour s'intégrer dans un monde symbolique d'images-mémoires nées des fantasmes de l'artiste. L'immobilité que prennent les êtres et les éléments dans ce réseau intangible de lignes et de couleurs rapproche ce surréalisme, poétique et spirituel à la fois, du réalisme magique et du symbolisme lyrique. En effet, on ne sait plus si l'on est toujours dans l'univers visible dont les apparences semblent pourtant témoigner ou dans un autre univers, ordinairement invisible, dont les règles et les rythmes secrets prennent forme sous nos yeux. Une série de marabouts nous met face à l'Absolu dans la contemplation et l'extase, les deux principes sacro-saints du mysticisme exprimé à travers les coupoles de ces sanctuaires religieux aux reflets irradiant la réverbération d'un coucher de soleil. Dans ce monde du silence on demeure submergé par une sensation de sérénité et de bien-être que seule une retraite loin du matérialisme de la société moderne est capable de nous procurer. Dans l'«inaccessible cité», quatre signes symboliques placés aux encoignures sont là pour nous rappeler les quatre anges de la tradition judéo-chrétienne, adoptés par l'Islam et qui sont : Mikhaïl, Gabraïl, Azraïl et Israfaïl ou Raphaël. A moins qu'ils ne soient les quatre cavaliers de l'Apocalypse, annonciateurs de la colère de Dieu. La peinture de Mahdaoui s'affiche pleine de mystères, de non-dits et de la quête d'une expression sans cesse renouvelée. Il parvient à créer un climat, une atmosphère à partir du jeu des formes, des couleurs et des rythmes qu'il agence selon ses propres nécessités plastiques. C'est pourquoi il cherche à approfondir un thème pour mieux en saisir la vérité intime. C'est précisément le cas de cette peinture intitulée «Hommage à Vulcain» qui nous met en présence d'un volcan en éruption, avec au beau milieu un cratère béant et expulsant toutes les immondices puantes de l'humanité. Le rouge flamboyant et cramoisi de ce déluge du feu nous fait vibrer au rythme trépidant d'une palette de couleurs, présente ailleurs dans d'autres tableaux avec des oranges intenses, des roses de garance, des jaunes mordorés, des bleus veloutés, des verts, couleur d'espérance. L'originalité de cet artiste est qu'il peint dans la pénombre, à la lueur d'une bougie. A ses dires, cela donne une luminosité presque fantasmagorique, avec des nuances éthérées et aériennes comme les ailes d'une nymphe, une chrysalide qui vient de se libérer de son cocon de soie et qui n'est pas tout à fait armée pour voler. Cela se remarque dans «Les ailes du désir». Pour conclure, disons que les prix affichés sont franchement dérisoires, insignifiants. D'où la ruée sur l'espace. Rappelons qu'une partie des bénéfices ira à l'Association tunisienne des malades de la sclérose en plaques. Un geste noble qui devrait faire tache d'huile. –––––––––––––––––– * L'exposition «Hymne à la vie» de Jamel Chawki Mahdaoui se poursuivra à la galerie Bel Art, 42, rue Othman Ibn Affan, El Menzah VI, jusqu'au 29 mai 2010.