C'est l'un des plus importants musées du bassin méditerranéen et le deuxième du continent africain. Il vient juste après celui du Caire. Il s'agit du musée du Bardo qui retrace l'histoire de la Tunisie sur plusieurs millénaires et à travers plusieurs civilisations, par le biais d'une large variété de pièces et d'autres richesses archéologiques, ce qui en fait un lieu de mémoire et de culture qui dessine à lui seul l'identité complexe et éclectique de ce que peut être « le Tunisien » d'aujourd'hui. D'ailleurs, tout le monde se rappelle des sorties scolaires qu'on faisait pour cet édifice et l'émerveillement que nous ressentions face à tant de témoins des civilisations anciennes. Mais au-delà de la collection qu'il abrite, le musée du bardo est un monument historique en soi. El Prado Le palais du Bardo, dont le musée fait partie, est un ensemble de bâtiments édifiés à partir du XVe siècle. Comme les autres palais des souverains de Tunis, tels ceux de La Marsa, Carthage, Hammam-Lif, La Goulette, Mornag et La Manouba, ce palais a été construit à environ 4 kilomètres en dehors de la Médina de Tunis, au milieu d'une grande plaine. Il emprunte son nom au mot espagnol prado qui signifie pré ou jardin. Le botaniste français René Desfontaines, qui a visité la Régence de Tunis à la fin du XVIIIe siècle, en laisse la description suivante : «Le Bey réside dans un joli château qu'on appelle le Bardo, situé au milieu d'une grande plaine, à trois quarts de lieue au nord de la ville. Ce château est fort ancien : Léon l'Africain nous apprend que, de son temps, les rois y faisaient déjà leur séjour. Le mur qui l'entoure est bien bâti, et défendu par quelques pièces de canon placées du côté de la porte d'entrée. La cour du Bey est nombreuse ; les officiers qui la composent sont, en général, très honnêtes et très polis envers les étrangers». Selon Paul Sebag, le palais a été construit sur le modèle des résidences princières de l'Andalousie musulmane, avec l'aide d'artistes andalous. Le palais a bénéficié de plusieurs restaurations et extensions durant le règne des beys mouradites : Hammouda Pacha Bey (1631-1666) le restaure et l'embellit et en fait la résidence permanente de la dynastie. À partir du XVIIIe siècle, les beys husseinites successifs font agrandir et embellir leurs possessions du Bardo avec la construction d'une mosquée, de salles d'apparat parmi lesquelles une salle de justice et une salle pour les audiences beylicales, ainsi que des fortifications complètent le dispositif. A partir de 1840, une école militaire occupe une partie des structures durant un quart de siècle. Un hôtel de la monnaie y frappe les monnaies de la Régence de Tunis entre 1847 et 1891. Ce dernier, ainsi que l'école militaire devenaient par la suite une caserne destinée à la garde beylicale. Le palais de Ksar Saïd, qui a vu, le 12 mai 1881, la signature du Traité du Bardo instaurant le protectorat français de Tunisie, est situé quelques mètres plus loin. L'ensemble résidentiel constitue ainsi une véritable cité où vivent environ 800 personnes. Construit par des architectes tunisiens, le Grand Palais, lieu de résidence du Bey de Tunis , est construit dans la deuxième moitié du XIXe sicèle sous l'impulsion de Mohamed Bey, puis de Sadok Bey. Mohamed Yacoub dit de lui qu'il «constitue un monument fort représentatif du luxe et du raffinement qu'a connus l'architecture tunisienne durant l'époque beylicale. Il témoigne également du caractère éclectique de l'art de cette époque, dans lequel les apports locaux se mêlent aux influences andalouses, asiatiques et européennes ». Naissance du musée A partir d'octobre 1882, avec la mort de Sadok Bey, son frère et successeur Ali III Bey, installé dans son palais de La Marsa, ramène les femmes du Bey défunt (dont Lalla Kmar) dans son harem. Les bâtiments du harem de Sadok Bey au Bardo, désormais inutilisés, sont cédés aux autorités du protectorat dès le mois de novembre et abritent les collections antiques dès 1888. Le palais de Mahmoud Bey abrite, pour sa part, les collections arabes dès 1900. En 1899, les autorités adjoignent au Grand Palais un second espace, le Petit Palais, construit en 1831-1832, qui abrite désormais les collections d'art islamique. Mais il ne prit sa dénomination actuelle de musée du Bardo qu'après l'Indépendance (1956). De nos jours, le musée du Bardo prend place dans le Grand et le Petit Palais. On y accède par la façade, à portiques et colonnettes de marbre rouge, aménagée en 1968. Le bâtiment adjacent, dont les anciennes salles du trône et de justice, abrite le siège de la Chambre des députés auquel on accède par le monumental escalier des Lions. Richesses inestimables Le musée rassemble l'une des plus belles et des plus grandes collections de mosaïques romaines du monde, grâce aux fouilles entreprises dès le début du XXe siècle sur les différents sites archéologiques du pays dont Carthage, Hadrumète, Dougga ou encore Utique. Certaines des œuvres exposées n'ont pas d'équivalent, telle la mosaïque dite «de Virgile». Plus généralement, les mosaïques du Bardo représentent une source unique pour les recherches sur la vie quotidienne en Afrique romaine. De l'époque romaine, le musée renferme aussi une riche collection de statues en marbre représentant les divinités et les empereurs romains retrouvées sur les différents sites, notamment ceux de Carthage et de Thuburbo Majus. Le musée possède aussi de riches pièces découvertes lors des fouilles de sites libyco-puniques dont principalement Carthage, même si le musée national de Carthage a la vocation d'être le musée de ce site archéologique majeur. Les pièces essentielles de ce département sont les masques grimaçants, les statues de terre cuite et les stèles d'un intérêt majeur pour l'épigraphie sémitique, la stèle du Prêtre et l'Enfant étant la plus célèbre. Le musée abrite également des œuvres grecques découvertes en particulier dans les fouilles du navire de Mahdia, dont la pièce emblématique reste le buste d'Aphrodite en marbre. Le département islamique contient, outre des œuvres fameuses comme le Coran bleu de Kairouan, une collection de céramiques en provenance du Maghreb et de l'Asie mineure... Afin d'augmenter les capacités d'accueil et d'optimiser la présentation des collections, le musée fait l'objet d'une vaste opération qui devait s'achever initialement en 2011, mais ne s'achèvera que courant 2012, du fait de retards liés à la révolution tunisienne. Les travaux concernent l'augmentation des surfaces d'exposition par l'ajout de nouveaux bâtiments et un redéploiement des collections. Le projet tend à faire du musée un pôle majeur pour un développement culturel de qualité, afin que le visiteur puisse apprécier les richesses qui y sont déposées. Sources: Mohamed Yacoub, Musée du Bardo, éd. Institut national d'archéologie et d'art, Tunis, 1969 Mohamed Yacoub, Le Musée du Bardo : départements antiques, éd. Agence nationale du patrimoine, Tunis, 1993 Paul Sebag, Tunis. Histoire d'une ville, éd. L'Harmattan, Paris, 1998.