Par Adel ZOUAOUI Une année et demie après la révolution du 14 janvier et neuf mois depuis la première élection démocratique d'un nouveau gouvernement, la plupart des Tunisiens, déchantent. Leurs espoirs se sont vite évaporés après avoir naïvement cru que leur courageuse insurrection allait les propulser vers plus de liberté, de modernité et de prospérité. Par conséquent, la sinistrose s'empare de plus en plus de leur vie et c'est, de nouveau, la bouteille à l'encre. La dégradation du climat socio- économique est telle que beaucoup semblent regretter la Tunisie d'avant le 14 janvier. Et pour cause, leur quotidien est devenu lourd et difficilement gérable, profondément marqué par la chute du pouvoir d'achat et de son cortège de précarité humaine, par l'insécurité, par l'incivilité, par la violence physique et verbale et par l'augmentation du taux de chômage. D'autres maux inexistants auparavant viennent s'ajouter à ce sombre tableau : l'émergence du mouvement salafiste, la vague de soif touchant plusieurs localités du pays et l'insalubrité urbaine. Face à la montée des périls, que fait le gouvernement avec ces 83 ministres et secrétaires d'Etat ? Pas grand-chose. Il se réfugie dans des faux-fuyants, car incapable de résoudre ne serait-ce que les problèmes les plus urgents et de donner les moindres signes d'espoir à cette jeunesse en attente d'une vie meilleure. Que fait la classe politique dans son ensemble? Elle est aux abonnés absents, plutôt empêtrée dans des bisbilles autour des questions du sacré, de la morale et de l'identité. Quant à l'Assemblée nationale constituante, elle semble tourner le dos à la volonté générale du peuple. Fourvoyée dans des débats infructueux et dans des combines de politique politicienne, l'Assemblée constituante se transforme chaque jour en un réceptacle d'opinions oiseuses, de logorrhées dissonantes et de galimatias ridicules. Les polémiques autour du statut de la femme - complémentaire ou égale à l'homme - de l'indemnisation des victimes de l'ancien régime, de l'extradition du l'ex-Premier ministre libyen, ou encore du limogeage du gouverneur de la Banque centrale ne répondent en rien aux besoins incessants des chômeurs, des pauvres et des malades qui se comptent par milliers aujourd'hui. Ce à quoi les Tunisiens aspirent dans cette Tunisie post-révolutionnaire c'est à une meilleure éducation, à plus d'opportunités de travail pour leurs enfants, à un développement équitable pour toutes les régions de leur pays, à une meilleure qualité de vie, à un meilleur transport public, à un meilleur accès à la santé, à une meilleure couverture sociale, à des rues plus propres, à plus de justice et d'équité sociale, à moins de corruption, etc. La classe dirigeante, depuis son accession au pouvoir, semble être en déphasage avec la réalité. Quant aux constituants, ils sont plus préoccupés par l'augmentation de leurs émoluments que par l'intérêt général de la nation. Par empathie à la détresse de beaucoup de Français, le président François Hollande et ses ministres ont volontairement réduit leurs salaires de trente pour cent. Jugez-en par vous-mêmes. Une année et demie après que le vent de liberté a soufflé sur notre pays, les Tunisiens s'identifient de moins en moins aux hommes qui veillent à leurs destinées et ont de moins en moins confiance en leurs partis politiques. Ils rêvent somme toute de voir sortir du lot un homme providentiel, capable de transcender toutes sortes de clivages politiques ou religieux, d'incarner le rêve d'un meilleur lendemain. Un homme actif, à même de mettre l'espoir à l'œuvre et de fédérer la population, toutes tranches d'âges confondues, autour des valeurs comme celles de l'effort, du progrès, de la liberté et de la tolérance. Un homme capable d'ouvrir les chemins du possible pour que nos jeunes cessent de se jeter en mer par fournées avec l'espoir d'atteindre les rives d'un Eldorado où les rêves sont vite calcinés.