A la veille de la soumission du projet de loi relatif à la création de l'instance chargée des élections à l'assemblée générale de l'ANC, les acteurs politiques s'activent pour, d'une part, évaluer le projet concoté au sein de la commission de législation générale et, d'autre part, défendre leurs vision et conception de cette instance qui constitue une balise importante du chemin vers une élection transparente. C'est dans ce cadre que l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide) annonce la couleur en organisant une conférence de presse sur le thème : « L'Isie : entre tiraillements politiques et manque de transparence ». Décrétant l'état d'urgence, en raison, dit-elle, «des insuffisances et des lacunes du projet de l'Isie», Lilia Rebaii, modératrice de la conférence et membre de Atide, ne manque pas de rappeler que son association a présenté à l'ANC un projet de loi visant à créer une instance supérieure indépendante pour les élections. « Nous ne sommes pas ici pour créer des problèmes mais pour trouver des solutions », déclare Moez Bouraoui, président de l'Atide. Pourtant, prenant la parole, il soulève de façon humoristique et bien préparée une série de réserves qu'il qualifie de « points dangereux ». Selon le président de l'association, le projet de loi bloque à la base le travail de la prochaine Isie en la privant des prérogatives suffisantes lui permettant de sévir en cas d'abus et de dépassements (l'autosaisine, l'émission de décrets d'application, ou encore la possibilité de pénaliser les éventuels contrevenants), ce qui a été beaucoup reproché à l'ancienne Isie, qui n'a pas pu, faute de moyens juridiques, dissuader les auteurs d'abus. L'Atide semble préoccupée aussi par la proposition selon laquelle la nomination du président de l'Isie se ferait d'un commun accord entre les trois présidents en exercice (le président de la République, le président de l'instance législative et le président du gouvernement) et s'étonne de la même manière de voir la question de la parité homme-femme en termes de représentation au sein de l'Isie ne pas être portée au jugement de l'assemblée générale, bien que la commission de législation générale admette l'existence de divergences d'opinion quant à la discrimination positive à l'égard de la femme. Les compétences exclues Chaouki Gdech, membre de l'Association tunisienne de droit constitutionnel, qui a, selon ses propres termes, «claqué la porte de l'Isie» en juillet 2011, constate qu'aucune évaluation n'a été faite autour des travaux de l'ancienne instance. « Ce sont les organes administratifs et techniques et non pas le conseil réduit de l'Isie qui doivent faire les élections » déclare-t-il, c'est au sein de ces organes que les compétences doivent être grandes. Selon lui, ces compétences et ces organes doivent être déployés à chaque échéance électorale, indépendamment de la composition du conseil dont le rôle doit se cantonner à surveiller le bon déroulement du processus électoral et qui, par ailleurs, devrait être réduit à 7 ou 5 membres au lieu des 9 prévus par le projet de loi. Pour sa part, Ahmed Sawaba, juge administratif, parle d'un projet de loi qui, dans sa conception, exclut de façon délibérée les compétences dotées d'expérience et adresse un certain nombre de recommandations dont notamment, l'importance pour l'Isie d'être dotée de prérogatives plus fortes que celles du gouvernement en matière d'élection, mais aussi l'impératif de la publication de l'ensemble des travaux de la prochaine Isie sur le site internet de l'instance afin de garantir la transparence défendue par le projet de loi. Considérer le représentant des Tunisiens à l'étranger et le professeur universitaire comme des spécialités, ou encore exclure de l'instance ceux qui ont exhorté l'ancien président de la République à se présenter aux élections de 2014, autant d'aberrations juridiques qui se sont glissées dans le projet de loi rédigé par la commission chargées de la législation générale, poussent les intervenants (public présent compris) à parler d'amateurisme. Pas de quoi s'alarmer, il est vrai, mais pas de quoi se réjouir non plus, disons simplement qu'un des aspects de la démocratie est en train, tant bien que mal, de fonctionner, avec une société civile aux aguets, et des députés qui sans doute vont rectifier le tir (au moins sur les lacunes évidentes) lors de l'assemblée générale.