Jeudi soir à 19h00, la salle du 4e Art comptait une assistance fort peu nombreuse. Est-ce que le public habituel de la danse n'avait pas le cœur à venir découvrir le spectacle d'ouverture d'une nouvelle manifestation? Ou peut être est-ce le froid qui commence à s'installer, ou encore l'escalade de la violence à Séliana qui ont dissuadé les habitués des ballets ? «L'Automne danse», on est allé découvrir cet «autre» festival qui vient de voir le jour. Et c'est sous la houlette du Théâtre national que Imed Jemaâ, chorégraphe et danseur de son état, l'organise. Skett et Double-face, deux pièces chorégraphiques de Wajdi Gagui et Karim Touayma, sont deux visions différentes du monde, certes, mais elles sont loin d'être deux identités artistiques distinctes. On retrouve les mêmes phrasés chorégraphiques, les mêmes entrées de scène et les mouvements cassés et nerveux ...enfin, les formes que nous avons déjà vues et revues ici et qui nous viennent d'ailleurs. Pourtant, les deux chorégraphes-danseurs semblent habités par un propos, un discours, voire une position politique, mais on avait du mal à les suivre dans leur raisonnement scénique. Ils semblaient vouloir dénoncer...revendiquer. Ils racontent la solitude, le déchirement, l'attraction, la répulsion, la reconnaissance, l'individu, l'autre... enfin tant de thèmes déjà ressassés depuis l'avènement de la danse-théâtre dans les années 70 et 80 en Europe et que, depuis, la danse tunisienne essaye de reproduire un schéma déjà tracé par d'autres et qu'on copie dans ses formes scéniques sans arriver à en saisir le sens ( outre quelques expériences, bien entendu). Revenant à L'Automne-danse, et en parcourant le programme qui s'étale sur 3 jours, on découvre que cela tourne autour de Imed Jemaâ et sa pépinière de danseurs. Ce sont ces mêmes jeunes, que Imed formait depuis trois ans et qui font partie de son centre chorégraphique méditerranéen, qui sont devenus aujourd'hui chorégraphes. C'est à se demander comment on peut concevoir des rencontres de danse autour d'une seule proposition et comment on peut se permettre de programmer deux pièces chorégraphiques d'un même chorégraphe, alors qu'il en est aussi l'organisateur ? A quoi servirait, donc, cet «Automne danse», alors qu'on ne voit aucune spécificité de cette manifestation, aucune identité la distinguant, aucune raison d'être ne transparaît de la programmation, et dont la note d'intention reste un grand mystère. Que vient donc ajouter l'Automne de la danse à un paysage chorégraphique, de plus que le Printemps de la danse du mois de mai et aux journées de la danse contemporaine tunisienne au mois de mars. Serions-nous condamnés à assister à chaque fois au tiraillement et aux guerres entres les chorégraphes et chacun, par pique, nous monte un festival de toutes pièces ? Ou peut-être qu'à travers cet «Automne danse», Imed Jemaâ lance un hameçon, au Théâtre national, pour une éventuelle relance du ballet national fermé depuis les années 90 ? Il aurait été souhaitable que tous les protagonistes du domaine de la danse en Tunisie (ceux qui exercent aussi bien ici qu'ailleurs) mettent leurs revendications dans un seul projet unitaire pour la création d'une structure et la reconnaissance du métier. Pour cela, il faudrait laisser tomber les querelles intestines et les petits calculs étroits pour faire sortir la danse de ce statu quo.