Le Centre de recherches et des études sociales (Cres) a rendu public un communiqué dont une copie est parvenue à La Presse. Nous publions l'intégralité de cet argumentaire très technique portant sur les transferts sociaux directs et leur impact sur la population pauvre dans notre pays. Le Centre de recherches et des études sociales (Cres) a entrepris en collaboration avec l'Institut national de la statistique (INS) et avec l'appui de la Banque africaine de développement (BAD) une étude sur l'évaluation de l'impact des subventions universelles et des programmes d'assistance sociale sur les populations pauvres et vulnérables. La première étape de l'évaluation de la performance des dispositifs de ciblage adoptés dans le cadre du Programme national d'aide aux familles nécessiteuses et de l'assistance médicale gratuite (Pnafn-AMG I) et le programme d'accès aux soins à tarifs réduits (AMG II) à atteindre les familles pauvres et vulnérables, s'est effectuée sur la base du traitement des données du module III de l'enquête consommation, budget et niveau de vie des ménages (ECBNVM) de l'INS pour l'année 2010. La performance du dispositif de ciblage a été définie comme étant sa capacité à bien identifier les bénéficiaires en minimisant les erreurs d'inclusion (faire bénéficier du programme des familles qui ne sont pas pauvres) et les erreurs d'exclusion (des familles pauvres ne bénéficient pas du programme). A priori, les premiers résultats font état de l'existence d'un niveau relativement élevé d'erreurs d'identification. En effet, les familles pauvres (selon la définition de la pauvreté monétaire de l'INS) qui ne bénéficient ni du Pnafn, ni de l'AMG II, représentaient 48,9% du nombre total de familles pauvres en Tunisie. De plus, si l'on ne considère que le programme AMG II, les erreurs d'exclusion se situeraient aux alentours de 61,9% des familles pauvres et de 53,3% pour les familles vivant sous le seuil de la pauvreté extrême. Par ailleurs, 37,2% du montant global des transferts directs accordés dans le cadre du Pnafn ont été affectés aux 20% les plus pauvres et 60,7% en direction des 40% les plus pauvres en Tunisie. Quant au programme d'accès aux soins à tarifs réduits, ces taux sont respectivement de l'ordre de 38% et de 62,1%. Si l'on compare la performance du Pnafn avec des programmes de même nature (tels que mis en œuvre en Bulgarie, en Argentine, en Albanie ou au Chili) et en se concentrant sur la capacité de ces programmes à cibler les 20% les plus pauvres de la population, il en ressort la nécessité d'améliorer la performance du programme d'au moins 50% si l'on veut atteindre une performance équivalente pour les programmes les plus efficaces à l'échelle mondiale. Il importe aussi de noter qu'en termes relatifs, et malgré les erreurs de ciblage, ces transferts sociaux directs contribuent à réduire les taux de pauvreté. En leur absence, le taux de pauvreté serait de plus de 16.5% (au lieu de 15.5%) et la pauvreté extrême atteindrait des niveaux supérieurs à 5,3% (contre 4,6% actuellement). Il est largement admis en matière de politiques sociales que les mauvaises décisions sont très coûteuses. Il est donc important de réaliser un diagnostic sérieux et robuste sur le niveau réel des erreurs d'identification, qui repose sur une analyse plus approfondie des indicateurs de performance des programmes d'assistance sociale actuels. Il est donc nécessaire de souligner que les analyses produites n'ont été réalisées qu'à partir d'un échantillon de taille relativement réduite de 5600 ménages. Ces premières analyses sont donc loin de suffire pour tirer des conclusions définitives quant à l'efficacité des programmes étudiés ou adopter des décisions de réformes, si elles ne sont pas complétées par des investigations empiriques complémentaires et approfondies. Dans ce cadre, le Cres bénéficiera d'une assistance technique de la Banque africaine de développement sous forme de don pour une évaluation plus fine de la performance du système d'assistance sociale en Tunisie et de sa contribution à l'amélioration du niveau de vie des populations pauvres et vulnérables. Cet appui technique couvrira également toute l'analyse relative à l'identification des déterminants de l'informalité et les erreurs d'identification suspectées des programmes sociaux non contributifs. Cette démarche procède d'une stratégie réfléchie, progressive et intégrée du ministère des Affaires sociales en matière de réforme de la protection sociale qui comprendra l'exécution d'une série de réformes permettant à terme d'aboutir à une structuration plus optimale de la protection sociale garantissant un accès universel aux soins et une garantie minimum de revenu pour tous les citoyens.