Chaque week-end, l'espace El Mass'art assure la représentation de sa nouvelle création El Bech, une pièce interactive et qui s'offre au public comme un support de débat pour parler de «l'émigration clandestine». Une approche alternative du théâtre pour laquelle le metteur en scène Salah Hammouda se bat depuis plus de deux ans afin d'instaurer une nouvelle dynamique et un lien solide entre ce lieu de culture et son public. En face de l'Ecole des beaux-arts de Tunis, au cœur du quartier de Sidi Abdesselem, l'espace El Mass'Art, petit théâtre de poche, ouvre ses portes quotidiennement au public. Des jeunes oisifs, des étudiants, lycéens et écoliers ont trouvé dans cet espace, un lieu de créativité et d'échange. Ouvert quatre mois après la révolution, par le comédien et metteur en scène Salah Hammouda, un artiste qui, comme la plupart de ses collègues, avait ressenti le besoin d'avoir son propre espace, un lieu dans lequel il pourrait pratiquer l'art qu'il a choisi, un théâtre de proximité, un théâtre social ... «En tant que comédien ayant choisi la voie de la création et non pas celle de l'enseignement, et après avoir été malmené par les différentes productions auxquelles j'ai participé, ouvrir ma propre boîte de production et un espace de création était pour moi une nécessité », explique Salah Hammouda. «Mon rêve était donc d'avoir un lieu dans lequel ma vision de la culture à la portée de tous, pouvait voir le jour. Je voulais rompre avec cette vision élitiste et centralisée du théâtre. C'est de cette idée qu'est né El Mass'art, un théâtre de quartier dans lequel le simple citoyen ne se sent pas étranger». De hangar de quelques mètres carrés, le lieu s'est transformé en un bel espace de création capable d'accueillir une soixantaine de spectateurs, avec une scène, des gradins amovibles, une loge et une régie. En somme, tout ce qu'il faut pour offrir aux gens un spectacle digne de ce nom. «Les gens du quartier se sont investis pour cet espace. Chacun a apporté son savoir-faire, une aide, une idée, des affiches, des dépliants, le café offre souvent des boissons... » El Mass'art est né de ma relation conviviale avec les gens de mon quartier. Ce théâtre vit avec et pour son entourage, raconte l'artiste. «C'est dans ce même espace que nous avons monté la garde pour protéger le quartier, les premier jours de chaos après la révolution. Par la suite, c'est à la demande de mes voisins que des clubs ont été créés», ajoute-t-il. «Petit à petit, le projet d'El Mass'art s'est défini comme je l'ai rêvé, avec tous les artistes qui le soutiennent et qui présentent leurs spectacles gratuitement». Cet espace vit, depuis, grâce aux amitiés et aux bénévoles. Quant au ministère de la Culture, il n'assure que le strict minimum. La subvention de fonctionnement assure à peine le loyer et les charges fixes. El Mass'art , à l'instar d' autres espaces privés, programme différentes activités, dont un festival appelé:«Houmetna Fannéna» (notre quartier est artiste). Il s'agit de 22 soirées avec des artistes tunisiens que les gens du quartier apprécient, tels que le rappeur Klay BBJ ou le groupe de musique engagée «Les Colombes». Outre ces évènements ponctuels, il y a des clubs de théâtre, de dessin, de musique et des ciné-clubs pour adultes et pour enfants. En tant qu'espace de création, chaque week-end, El Mass'art propose la représentation de sa nouvelle création intitulée El Bech, une expérience atypique, qui s'inspire des préoccupations des gens du quartier et de celles des Tunisiens en général. La pièce El Bech raconte également la détresse d'une jeunesse qui rêve d'une vie meilleure et qui prend le large, d'une façon clandestine, défiant la mort pour arriver à bon port. Salah Hammouda a envie d'un théâtre interactif qui ouvre le débat avec le public. Un public qui a vécu dans sa chair cette expérience douloureuse de l'émigration. Avec l'aide du Centre arabe des Droits de l'homme et sa batterie de spécialistes et d'experts, l'artiste tente de trouver des solutions à ce phénomène. Tout un processus est installé autour de cette pièce qui offre un espace de débat et qui se transforme à son tour en un travail documentaire et une collecte de témoignages filmés qui sont projetés régulièrement à la fin de chaque représentation.