Les indicateurs montrent que le volume des marchandises échangées en Méditerranée aura pratiquement doublé entre 2000 et 2025. C'est que la création d'une aire méditerranéenne de libre-échange occasionnera la suppression des barrières tarifaires qui entravent le commerce entre le Nord et le Sud Méditerranée signifie entre les terres. La mer Méditerranée est une mer intracontinentale presque fermée, située entre l'Europe, l'Afrique et l'Asie et qui s'étend sur une superficie d'environ 2,5 millions de kilomètres carrés. Son ouverture sur l'océan Atlantique par le détroit de Gibraltar est seulement de 14 km de large. Elle doit son nom au fait qu'elle est littéralement une «mer au milieu des terres». C'était une autoroute des transports maritimes durant l'antiquité permettant l'échange commercial et culturel entre les peuples émergents de la région, les cultures de la Mésopotamie, de l'Egypte, sémitiques, persanes, phéniciennes, carthaginoises, grecques et romaines. L'histoire de la Méditerranée est importante dans l'origine et le développement de la civilisation occidentale. L'autoroute de la mer est-elle un nouveau concept du Livre blanc de la Commission européenne sur la politique communautaire des transports, repris comme axe prioritaire de la politique nationale pour promouvoir un meilleur équilibre entre des modes de transport dominés par la route, ou tout simplement l'aménagement d'une ancienne formule, le cabotage maritime, dont la promotion est également souhaitée pour élargir la palette de dessertes entre régions européennes. Quant au contexte dans lequel ce nouveau concept s'inscrit, il est certainement caractérisé par celui d'une performance du mode routier qui, malgré les risques de congestion, la hausse des prix du carburant, continue toujours d'apporter une satisfaction indiscutable aux chargeurs, le long des grands axes européens. L'intérêt de cette nouvelle formule est probablement qu'elle ne doit pas se développer contre la route mais au contraire avec les opérateurs routiers. Le concept d'autoroute de la mer est désormais considéré comme un nouveau type d'offre, qui s'inscrit dans une chaîne routière tout en favorisant l'utilisation d'autres modes, qu'il est possible aujourd'hui d'envisager pour des grands axes européens de nouvelles stratégies d'exploitation, mais sa mise en œuvre suppose une mobilisation et une coopération entre acteurs qui seuls peuvent en assurer la pérennité avec le franchissement de «seuils», en termes de volumes de trafic à partir desquels les économies d'échelle deviennent possibles et bénéfiques pour tous. Des perspectives prometteuses en Méditerranée C'est en Méditerranée, plus précisément en Italie, que s'est élaboré pour la première fois, il y a un quart de siècle, un grand projet d'autoroutes (Autostrade) de la mer, destiné à soulager les axes routiers Nord-Sud, de la péninsule. Et c'est en Méditerranée que les perspectives sont aujourd'hui, dans des configurations diverses, les plus prometteuses. Après des initiatives plus ou moins abouties et diverses fluctuations conceptuelles, cet horizon est devenu plus visible, et ce, à partir de réalisations conduites par des acteurs du marché, d'expériences pilotes et de projets publics-privés. Les récentes ruptures dans les échanges internationaux et dans les services qui en assurent l'acheminement renforcent l'intérêt et la pertinence de ces projets pour l'espace régional et leurs premiers impacts apparaissent. Il est ainsi acquis que tous les produits autoroutiers de la mer se présentent comme un paquet de prestations de transport de marchandises générales et accessoirement de passagers dans des configurations bien particulières. Il existe, par ailleurs, un avatar euroméditerranéen du concept d'autoroute de la mer. Depuis 2006, un programme de la Commission européenne, Meda-Mos, est consacré à l'élaboration d'autoroutes de la mer reliant les rives nord et sud. Ainsi, dans l'espace méditerranéen, il est nécessaire de distinguer deux catégories : les autoroutes de la mer méditerranéenne, liaisons intercommunautaires, traits d'union entre deux ports de l'UE ouvrant sur la Méditerranée, et les autoroutes de la mer transméditerranéenne censées relier un port de la rive nord à un port de la rive sud. L'objectif étant de montrer à travers le projet Meda-Mos les enjeux du transport maritime en Méditerranée, et de préciser en quoi le développement de ce mode de transport peut servir l'intégration euroméditerranéenne. Pour y parvenir, faut-il recenser, en premier lieu, les problèmes que pose, en termes économiques, réglementaires et techniques, la mise en œuvre de ce nouveau type de liaison Nord-Sud. Autant dire que la prospective économique qui motive les politiques euroméditerranéennes de transport, et le diagnostic du système de transport méditerranéen montrent que l'enjeu est considérable. Les effets escomptés débordent ce seul secteur : l'on attend de ces liaisons qu'elles jouent le rôle de catalyseur dans l'intégration logistique et économique de l'espace euroméditerranéen. Le modèle prospectif d'«Euromed Transport Project» fonde ses prévisions de trafic de marchandises sur de scénarios plus au moins optimistes quant au niveau d'intégration régionale qui sera atteint en 2030 dans l'espace méditerranéen. Les indicateurs montrent que le volume des marchandises échangées en Méditerranée aura pratiquement doublé entre 2000 et 2025. Un contexte prospectif déterminant L'intégration euroméditerranéenne, quel que soit son état d'avancement, entraînera un accroissement important des flux de marchandises entre les deux rives de la Méditerranée, et ce, pour deux raisons. D'une part, parce que la création d'une aire méditerranéenne de libre-échange occasionnera la suppression des barrières tarifaires qui entravent le commerce entre le nord et le sud et, d'autre part, parce que la reconfiguration progressive des systèmes de production industrielle, selon la nouvelle division internationale du travail, et de production agricole, produira des effets de multiplication et de diversification des échanges. Cette reconfiguration en profondeur du commerce régional sera rendue possible par le secteur privé, dont les investissements directs étrangers (IDE) vont crescendo dans la région. Un plan d'action pour valoriser les atouts de proximité La mise en œuvre de la politique euroméditerranéenne de transport et l'appel à projet lancé par la Commission européenne en octobre 2007 ont permis à la Tunisie de présenter une offre pour la concrétisation du nouveau concept des autoroutes de la mer sur les deux axes, à savoir l'axe Radès (Tunisie)/Marseille (France) et l'axe Radès (Tunisie)/ Gênes (Italie). Les deux axes constituent le projet intitulé ADM, projet qui se présente pour la Tunisie comme une opportunité avantageuse pour faciliter l'intégration dans l'espace euroméditerranéen, développer des axes de transport performants et connectés aux réseaux de transports régionaux et pour valoriser les atouts de proximité géographiques par la mise en place d'une logistique de transport intégré. Cette offre, s'appliquant aux services de transport maritime existant, a été retenue par la Commission européenne en octobre 2008 et qualifiée «d'excellent projet s'inscrivant dans le contexte du libre-échange et couvrant les différents aspects de la chaîne logistique». Le projet des autoroutes de la mer contribuera à l'amélioration de la compétitivité des opérateurs en termes de réduction des surcoûts liés aux retards, avaries, pannes..., au développement de pratiques conformes aux normes et aux législations internationales en matière de sécurité, de sûreté, d'environnement, à l'amélioration des performances et de la qualité des prestations et à une meilleure notoriété auprès des chargeurs. Un intérêt particulier est signalé par les opérateurs sur les lignes Radès/Barcelone, Radès/la Spezia, Radès/Livourne dans la mise en œuvre de la deuxième phase du programme Meda-Mos II. Il est opportun de rappeler que l'initiative «Meda-Mos» a été lancée dans l'objectif de mettre en place des projets pilotes préfigurant les futures autoroutes de la mer du réseau de transport méditerranéen, dans le cadre du programme d'action régional de transport (Part) euroméditerranéen (2007-2013), qui renferme 34 actions prioritaires devant être implémentées dans les différents pays partenaires. Dans le contexte de la mondialisation et l'évolution rapide des modèles commerciaux, le développement d'un système de transport intégré à l'échelle méditerranéenne permettra aux pays signataires du processus de Barcelone de faire face aux défis posés par la compétition internationale. Il favorisera le développement du commerce entre les pays de la région et la mise en place de la future zone de libre-échange euroméditerranéenne. Les échanges entre les pays d'Afrique du Nord ne dépassent pas 5 à 7% du total du commerce extérieur de chacun des pays concernés. Le même taux n'est pas meilleur entre les pays de la rive Est de la Méditerranée. Par contre, la part de l'UE dans le commerce extérieur des pays de la région avoisine 50%. Pour conclure, la perspective laisse voir que l'enjeu est de taille: la construction d'une région euroméditerranéenne conditionne l'avenir des deux rives. Le projet des autoroutes de la mer transméditerranéenne porte en lui une part de cet enjeu.