Piètre mascarade. Celle des Européens, dirigeants français en tête, suite aux révélations sur l'espionnage de leurs citoyens par les renseignements américains. Une indignation à la mesure du forfait de l'Oncle Sam, surtout que l'affaire est devenue publique, comme si les renseignements de ces puissances européennes n'étaient pas déjà au courant et ne collaboraient pas effectivement et efficacement avec leurs homologues outre-Atlantique sous différents prétextes. Hier pour cause de guerre froide, aujourd'hui à cause du terrorisme. Des positions théâtralement exprimées comme pour camoufler un tant soit peu ce manège établi et rodé de longue date. Objectif, prendre les devants afin d'endiguer une éventuelle fronde populaire qui risque de malmener une popularité précaire au plus bas pour certains, comme c'est le cas pour le président français. Ce dernier a essuyé il y a plus d'un mois, un revers international des plus douloureux en se précipitant sur les armes et en se préparant à attaquer la Syrie, se laissant à découvert à cause d'une queue de poisson signée Obama. Ce dernier l'avait entraîné dans cette voie avant de se rétracter, prétextant solliciter le feu vert de son Congrès. Montrer son indignation, exprimer sa colère est donc une manière grossière, cela se voit, de marquer une soi-disant distance vis-à-vis de pratiques devenues quasi routinières. Démocratie ou non, les Etats, avec leurs appareils sécuritaires, parfois lourds et sophistiqués, ont fréquemment, pour ne pas dire systématiquement, pratiqué à large échelle, écoute, espionnage et autre collecte de données personnelles aussi bien à l'égard de leurs ressortissants que de ceux de pays, même amis. Et ce ne sont pas les victimes du président Mitterrand qui pourraient dire le contraire (1983-1986). Satellites-espions, logiciels spécialisés dans le tri des informations, supports de stockage à capacité quasi illimitée et autres technologies sont mis en œuvre afin de contrôler et localiser tout ce qui pourrait servir les intérêts du pays. Cela sans oublier les moyens humains dont les chercheurs et autres scientifiques. Les moyens énormes que possèdent les agences américaines spécialisées dont les fameuses CIA et NSA, ou la Dgse (Direction générale de la sécurité extérieure) de l'Hexagone ou encore le Mossad israélien ne sont donc pas affectés juste pour amuser la galerie. Ainsi, les renseignements occidentaux et autres ne se sont jamais croisé les bras pour soi-disant respecter les libertés individuelles et l'intégrité des correspondances et leur caractère personnel et secret. Bien plus, ils sont fréquemment passés à l'action afin d'influer sur le cours des événements. Assassinats ciblés, coups d'Etat, enlèvements même de présidents, élimination de documents et dossiers compromettants, fabrication de fausses preuves (Niger, Irak...), infiltration de partis, associations et groupuscules d'activistes... Des actions et activités qui ne connaissent aucune frontière ni ne respectent aucune législation, encore moins des valeurs telles que l'amitié, évoquée jeudi par la chancelière allemande après des révélations sur une possible mise sur écoute de son téléphone personnel par les Américains. La réaction officielle européenne n'est donc qu'une mise en scène galvaudée afin de se disculper devant une opinion publique de plus en plus insatisfaite de ses politiques et de ses dirigeants. Une réaction qui ne fait que renforcer l'égoïsme et l'hypocrisie des puissances occidentales qui sont toujours prêtes à réagir avec fermeté quand elles se sentent concernée alors qu'elles ont tendance à fermer les yeux sur toutes les bavures et entorses à la loi et à l'éthique quand ce sont les pays du Sud, même déclarés amis, qui encaissent. Pire, elles n'ont jamais cessé d'exercer leur influence, entre autres, par le biais des renseignements. Mais ce scandale, de plus en plus gênant pour l'administration américaine, a eu le mérite de dénoncer encore une fois la politique étrangère hégémonique des Etats-Unis. Ces derniers sont allés jusqu'à tuer des innocents rien que sur fond d'informations approximatives. Le scandale des drones au Pakistan n'est qu'une illustration de ce «drôle» de droit inventé par l'Oncle Sam pour, soi-disant, assurer sa sécurité. Une politique hégémonique fondée sur une militarisation à outrance, des alliés qui ne sont que des vassaux et le droit auto-octroyé d'agir sur n'importe quel territoire de la planète. Plusieurs chefs d'Etat ou de gouvernement ont à leurs dépens subi le diktat de ce «droit» qui n' en est pas un. Allende, Mossadeq, Noriega, Saddam Hussein et Kadhafi, entre autres. Que dire alors des peuples qui ont connu ou connaissent encore de véritables tragédies à cause de cette politique?