Le président déchu comparaît pour incitation à la violence et risque, comme les 14 autres prévenus, la peine de mort ou la réclusion à perpétuité LE CAIRE (Reuters) — Le procès du président égyptien déchu Mohamed Morsi et de 14 autres dirigeants des Frères musulmans s'ouvre aujourd'hui au Caire dans un contexte de répression qui a mis à genoux la confrérie et inquiète les défenseurs des droits de l'Homme. Mohamed Morsi, détenu au secret depuis son renversement par l'armée le 3 juillet, après de grandes manifestations de rue, doit comparaître pour incitation à la violence et risque, comme les autres prévenus, la peine de mort ou la réclusion à perpétuité s'il est reconnu coupable. Un tel verdict ne manquerait pas d'attiser encore les tensions entre partisans et adversaires du premier président démocratiquement élu de l'histoire du pays. «Si Morsi est condamné, il y aura une escalade majeure par le biais de manifestations pacifiques et sans l'usage de la force», prévient un haut responsable des Frères musulmans, sans exclure que d'autres islamistes puissent prendre les armes conre l'Etat. Depuis la chute de Mohamed Morsi, le gouvernement intérimaire appuyé par les militaires a lancé une implacable répression contre la confrérie, tuant des centaines de ses partisans et arrêtant presque tous ses dirigeants. L'assaut sanglant lancé en août par l'armée pour démanteler des campements établis par les pro-Morsi au Caire a déclenché parallèlement une vague de violences sans précédent depuis l'insurrection islamiste des années 1990. Une centaine de membres des forces de sécurité ont été tués dans une série d'attaques dans la péninsule du Sinaï, dans les villes bordant le canal de Suez et dans la vallée du Nil. «Une justice extrêmement sélective» Mohamed Morsi et les autres dirigeants islamistes devraient être jugés dans un institut de la police proche de la prison de Torah, l'établissement pénitentiaire le plus connu du pays, où a été emprisonné l'ancien président Hosni Moubarak après sa chute en février 2011. Ils sont poursuivis pour incitation au meurtre et à la torture de manifestants devant le palais présidentiel Etihadeya en décembre 2012. L'acte d'accusation se réfère à la mort de dizaines de personnes lors d'affrontements entre Frères musulmans et opposants qui protestaient contre un décret étendant les pouvoirs de Mohamed Morsi, élu six mois plus tôt. «Ce qui m'inquiète à propos de ce procès», déclare Heba Morayef, directrice pour l'Egypte de Human Rights Watch, «c'est que le système judiciaire est extrêmement sélectif et que les services de sécurité bénéficient d'une quasi-impunité pour le meurtre de centaines de manifestants.» D'autres signes préoccupent les défenseurs des libertés, comme la déprogrammation vendredi de l'émission de l'humoriste Bassem Youssef, une semaine après son retour à l'antenne de la chaîne CBC, où il s'est moqué du chef de l'armée et nouvel homme fort du pays, le général Abdel Fattah Al Sissi. «Les Frères vont continuer à protester partout pour semer le chaos. Ces manifestations ne ramèneront pas Morsi ni les Frères au pouvoir», déclare Fathi Awadallah, un homme d'affaires de 50 ans habitant à Mansoura, dans le delta du Nil. Quant aux partisans des Frères, certains ne cachent pas leur écœurement, comme Abdoullah Moustafa dont le frère, dit-il, est mort peu après un séjour en prison: «Ce procès Morsi est une farce. Qui faut-il juger? Ceux qui ont été dépossédés du pouvoir ou ceux qui ont commis le vol?»