Le cadre médical et paramédical accorde peu d'importance au moral des patients qui souffrent le calvaire dans le milieu hospitalier Si les compétences dont jouissent les médecins tunisiens ne sont plus à démontrer et sont reconnues à l'échelle internationale, ces derniers ont, par contre, fort à apprendre en matière de relations humaines. On voit rarement un médecin saluer ses patients en entrant dans la salle de consultation d'un hôpital ou dans son cabinet privé. Peu de médecins prennent la peine de discuter et de remonter le moral de leurs patients qui arrivent souvent dans un état de grande détresse psychologique. Dès le départ, la relation médecin-patient, dévoyée par les représentations, les préjugés, les attentes et les considérations de chacun, va rendre difficile les échanges entre les deux parties. La communication est réduite au strict minimum. Pour le médecin, le patient est un simple numéro de dossier, un cas parmi tant d'autres, présentant une ou plusieurs pathologies qu'il faut soigner. Exactement comme un exercice d'arithmétique ou de géométrie qu'il faut résoudre. De son côté, éprouvé, affecté moralement par sa maladie, le patient attend non seulement du médecin qu'il le guérisse mais qu'il lui remonte le moral et qu'il lui redonne espoir. En réalité, il se retrouve face à un praticien qui, en l'informant, sur un ton laconique, sur ce qu'il a, lui oppose un mur de froideur, sans prendre la peine de chercher les mots pouvant lui apporter un tant soit peu de réconfort. La relation médecin-patient est, quelque peu, meilleure, dans le privé. Le patient en a pour son argent. Face à lui dans le cabinet privé, le praticien fait l'effort de mettre des mots sur la pathologie dont il souffre et l'informe sur la manière dont elle va être traitée et sur les chances de guérison. On ne peut pas en dire autant en milieu hospitalier. Qu'ils soient internes, résidents, chefs de service, professeurs de médecine, les médecins sont partisans du moindre effort en matière de relations humaines. Des patients qui ont eu à se faire soigner à l'hôpital ont en déjà fait les frais. Il y a plus d'un mois, une patiente a été admise aux urgences de l'hôpital de La Marsa pour de violentes douleurs abdominales. Aucun médecin n'est là pour l'ausculter. Il faut dire que ce jour-là la plupart étaient en grève, mécontents du projet de loi relatif au travail obligatoire des médecins dans les régions. C'est un infirmier qui installe la malade dans une grande salle et qui la met sous antalgiques pour calmer la douleur. Il procède par la suite à un prélèvement de sang pour effectuer des analyses. Ce n'est que trois heures après qu'un médecin daigne enfin s'intéresser à l'état de la malade. Ce dernier ne prend même pas la peine de saluer la patiente à laquelle il a affaire et lui adresse à peine la parole. Après une échographie , une palpation abdominale et un rapide coup d'œil au bilan sanguin, ce dernier conclut à une crise provoquée par la présence de lithiases dans la vésicule biliaire et prescrit des antalgiques à la patiente. Pourtant le bilan révèle une hépatite aiguë qui échappe au jeune praticien. Négligence, laisser-aller ? L'erreur médicale vient se greffer à l'accueil catastrophique qui a été réservé à la patiente. Ce soir-là, une autre malade est admise également aux urgences. La jeune femme enceinte de cinq mois souffre de multiples contusions causées par un accident de la route. Transportée sur un brancard, elle est installée dans une grande salle de l'établissement. Pendant plusieurs heures, cette dernière gémit de douleur dans l'indifférence générale. La jeune femme qui craint de perdre son enfant est dans un état de détresse psychologique. Pourtant, aucun membre du personnel médical et paramédical ne semble s'en soucier et ne viendra parler avec la malade pour la rassurer sur son état, ni pour la réconforter. Son mari décidera tard dans la soirée de la transférer dans une clinique privée. En somme, le moral du patient est bien la dernière chose à laquelle s'intéresse le praticien. Pourtant en embrassant ce métier, les médecins ont juré, sur le serment d'Hippocrate, de protéger les personnes se trouvant dans un grand état de vulnérabilité et de les soutenir psychologiquement. La réalité est tout autre, semble-t-il. Tout médecin auscultant un malade doit garder à l'esprit que la personne en face de lui n'est pas seulement un cas pathologique mais un être vulnérable fragilisé psychologiquement par la maladie et qui recherche soutien et réconfort. On devrait enseigner également cela dans les facultés de médecine.