Par Hmida BEN ROMDHANE Cela fait onze ans, presque jour pour jour, depuis que George W. Bush envoya sa machine de guerre à 10.000 kilomètres de chez lui avec pour instructions de renverser le régime dictatorial de Saddam Hussein et faire goûter au peuple irakien les délices de la démocratie et de la liberté. Cette aventure, initiée par le « pire président » de l'histoire américaine, s'est révélée être un désastre pour les Etats-Unis et pour le monde, mais surtout pour l'Irak qui regarde impuissant ses enfants s'entredéchirer après que la superpuissance américaine eut ouvert la boîte de Pandore que, onze ans après, personne n'arrive encore à refermer. Les Etats-Unis ont énormément perdu financièrement, politiquement et moralement. Financièrement, la guerre d'Irak est incontestablement la plus chère de leur histoire puisque l'argent dilapidé dans cette guerre absurde se chiffre en trillions et non en milliards de dollars. Politiquement, la superpuissance américaine a vu sa crédibilité fondre comme neige au soleil aux yeux de la communauté internationale qui n'oubliera jamais que cette guerre fut déclenchée sur la base d'un mensonge. Moralement, les Etats-Unis sont perdants aussi. Onze ans après leur agression gratuite contre un pays qui ne leur a rien fait, leur réputation est toujours au plus bas et la plupart des peuples du monde ne voient plus l'Amérique comme la grande démocratie bienfaitrice, mais comme une superpuissance agressive, armée jusqu'aux dents et que, là où elle passe, elle sème la mort et la destruction. Les conséquences de la guerre d'Irak sur le monde en général, et le Moyen-Orient/Afrique du Nord en particulier sont très graves. L'Irak, à cause de George W. Bush, est désormais le plus grand vivier du terrorisme. D'obstacle majeur au terrorisme du temps de Saddam Hussein, l'Irak est devenu le plus grand exportateur de ce fléau, dont les victimes sont aujourd'hui la Syrie, le Liban, la Libye, la Tunisie, le Mali, etc. Al Qaïda en Irak suit la stratégie du cancer : la progression continue en vue de la métastase. Et le terrorisme est en train de métastaser. Il est devenu une menace aussi bien pour les pays qui, volontairement ou involontairement, l'ont nourri, que pour les pays qui n'ont jamais cessé de le combattre. Mais les conséquences les plus dramatiques de l'agression américaine de mars 2003 sont subies par le peuple irakien lui-même dont les victimes entre morts, blessés et déplacés se comptent par millions. Dans l'année 2013, plus de 8.000 Irakiens ont trouvé la mort dans la violence terroriste et confessionnelle, et le nombre des blessés et des mutilés est beaucoup plus grand encore. Plus de 2.000 morts depuis le début de l'année en cours, et nul ne sait comment cette violence terrifiante finira. Actuellement, la stabilité est la chose la plus difficile à réaliser en Irak, car l'Etat irakien est en déliquescence. Il est dépassé par les événements. Les groupes terroristes violents ont juré sa perte et semblent déterminés à ne pas lâcher prise. Visiblement, ils disposent de gros moyens qui leur permettent de semer la mort et la destruction dans un axe qui s'étend de Bagdad à Beyrouth, et de Tripoli à Abuja en passant par Bamako et Nairobi. Face à un pays qu'ils ont brisé, les Etats-Unis n'ont pas jugé nécessaire de reconnaître leur responsabilité et d'adapter leur politique moyen-orientale en conséquence. Pire encore, ils ont aidé les groupes violents qui combattent en Syrie dans le but de renverser le régime de Bachar Al Assad. Ils ont failli même intervenir militairement à côté de ces groupes en Syrie, y compris les groupes liés à Al Qaïda, celle-là même qui, le 11 septembre 2001, avait tué 3.000 Américains en quelques minutes. Ce n'est pas la sagesse d'Obama qui a empêché les Etats-Unis de provoquer, après l'Irak, un nouveau désastre en Syrie. Le lauréat du Prix Nobel de la paix semblait frustré de ne pas avoir sa guerre à lui comme ses prédécesseurs ont eu la leur. C'est le peuple américain qui, visiblement excédé par le bellicisme outrancier de ses dirigeants, a fait comprendre à Obama qu'il ne paierait pas pour une autre guerre au Moyen-Orient. Mais c'est un réveil tardif, car le mal est déjà fait. C'est à George W. Bush en 2003 que le peuple américain aurait dû dire non. La «guerre contre le terrorisme» que celui-là avait décidé d'engager en octobre 2001 en Afghanistan et en mars 2003 en Irak s'est révélée un pain bénit pour le terrorisme. Déterminés à combattre le terrorisme, les Etats-Unis l'ont combattu à la manière des pompiers qui, pour combattre le feu, utilisaient non pas les citernes d'eau, mais les citernes d'essence. L'image n'est nullement exagérée. En effet, onze ans après le déclenchement de la guerre de Bush, on ne peut qu'être horrifié par l'énorme terrain gagné par l'hydre terroriste au Golfe, au Moyen-Orient et Afrique tant au nord qu'au sud du Sahara.