La galerie Mille Feuilles fête, elle aussi, son printemps pictural, même si le printemps prend ses aises avec l'été…C'est dire que le Printemps, à La Marsa, connaît des prolongations et qu'il n'en finit pas d'en finir. Il faudrait souligner que la 8e session, tout en rencontrant quelques difficultés… de développement trop rapide, n'a pas manqué de susciter une dynamique picturale remarquable dans tout le pays et surtout à La Marsa. L'exposition d'aujourd'hui, à Mille Feuilles, semble représenter une “moisson” dont “l'ensemencement” a été réalisé par le Printemps ou plutôt par tous les Printemps tout au long de ses sessions. Douze peintres, pour la plupart ayant participé aux autres Printemps, ont œuvré presque tous à imprimer une direction particulière qu'on nommera, par commodité, poétique. Cette recherche est bien présente dans l'exposition d'aujourd'hui. Nous dirons qu'elle est à Mille feuilles mieux assise, plus claire et moins chahutée que dans ce foisonnement et ce tohu-bohu des six espaces d'exposition du Printemps officiel. Radhouane Ayadi, ce vieux routier de la peinture bien faite, Nabil Saouabi qui se reconvertit à la peinture, Samir Makhlouf qui confirme le transfert de son amour de l'architecture à la peinture…Amel Ben Attia, Oussama Troudi, Imen Berrhouma, Mohamed Ben Slama, Karim Mrad, ainsi que le prolixe Ali Tnani… Henri Duccoli expriment, avec un égal bonheur, leur ambition d'élaborer des moyens techniques et formels en donnant sens à la forme, à dire la vie et ce qui la rend belle, ou peut-être sublime, ou tout simplement vivable. La forme n'est pas recherchée pour elle-même. Elle n'est pas autonome. La forme suppose un fond, une idée, un immatériel qui est toujours dans un rapport d'instabilité mais qui aspire à établir entre la forme et le fond une adéquation organique et vivante. L'instabilité est le signe évident d'une âpre lutte entre la force formante et la matière (Panofsky très hégélianisé). La matière, en se soumettant à cette force formante, finira par se présenter en une configuration nouvelle, telle, qu'inédite elle dise la suprématie de l'idée-force hégélienne ou du concept opératoire moderne. Qu'en est-il de tout cela chez nos douze peintres? Voyons comment naîtra notre figuration détectée comme modèle opératoire chez nos peintres exposants et comment la matière et les éléments matériels des œuvres aboutissent à la forme, à son sens et à son expression. Les travaux de Ali Tnani, par exemple, effacent jusqu'à la texture la matière sensible des représentations concrètes pour se contenter de leurs ombres esquissées. La figuration, ici, n'est pas classique, elle n'est pas académique, elle se suffit à sa propre évanescence entre des valeurs très voisines de blanc, de gris et de noir. Imen Berrhouma, à force de démembrement coloré, annihile toute tentative de former amplement et concrètement ses figurations. Celles-ci occupent le centre des toiles mais ne se soucient guère de leur position et de leur mouvement de pantins très gauches. Samir Makhlouf, le plus coloriste de ces peintres, affirme sa figuration mais lui fait subir des distorsions quelquefois amples, quoique limitées par une approche minimaliste extrêmement fine et par des plages de couleurs pures. Nabil Saouabi se libère des petites dimensions de la gravure et propose une gestualité picturale rythmée, nerveuse et concentrique, esquissant à peine une forme emprisonnée derrière un hublot. Toute sa toile est saturée également par la couleur noire et grise. Amel Ben Attia, nageant dans le courant des gris et du noir, aménage son “soleil” par un long coup de pinceau d'une blancheur aveuglante, instaurant la forme et matérialisant une figuration fugitive des plus expressives. Amel Ben Attia insiste pour devenir peintre et elle en a les moyens. Radhouane Ayadi participe avec un seul tableau. Mais celui-là est suffisant pour que le peintre montre ses grandes possibilités compositionnelles et son sens de la distribution austère de la couleur. L'artiste semble être plus à l'aise dans les grands espaces. Oussama Troudi travaille lui aussi en noir et blanc et anime un triptyque de mouvements noirs et verts plantureux, limités par des traits rouges. Oussama est aussi sévère dans sa composition que dans son expression. Mohamed Ben Slama s'est déjà faufilé sur un sentier qui lui est particulier, où la figuration hiératique fixe les choses comme devant l'objectif d'une caméra. L'expression silencieuse de ses toiles est une des caractéristiques de la peinture brute et naïve. Est-ce là le seul apport de Mohamed Ben Slama à cette exposition? Le printemps du printemps de Mille feuilles se montre soucieux d'apporter un plus, en regroupant de jeunes peintres confirmés ou en voie de l'être. Tous les peintres qui y ont exposé ont toujours montré de la persévérance dans leur acticité picturale. Certains peintres ne se suffisent plus du rôle de figurant ? Tnani, A. Ben Attia vont certainement évoluer¸ Saouabi aussi ! Samir Makhlouf commence déjà à donner à ses formes et figurations toute la beauté des formes ondulatoires et de l'élégance quelque peu Klimtienne. La peinture, à travers tous les Printemps de l'art, est en train de se transformer et de s'enrichir. Le blocage qui a pendant longtemps arrêté le mouvement pictural en le réduisant à la vieille querelle abstraction et figuration folklorique est en train de se lever. De nouveaux itinéraires semblent se dessiner, beaucoup de jeunes peintres semblent vouloir les emprunter.