Tunis est devenu en l'espace de trois années l'une des villes les plus sales du monde. Elle n'a plus rien à envier à des villes comme Lagos, le Caire, connues pour être les plus insalubres d'Afrique. Notre capitale après s'être distinguée en matière de propreté, parmi les métropoles de la rive nord de la Méditerranée, n'a pu résister à la tentation du retour aux origines. Ce n'est pas de sa faute si elle est, aujourd'hui, dans l'état de désolation où elle se trouve. C'est la faute à ses habitants en premier lieu et en très grande partie, mais aussi — dans une moindre proportion — à ses services municipaux de plus en plus désabusés et gagnés par une sorte de lassitude devant cette déferlante de gabegie qui envahit le pays et à laquelle la capitale n'échappe pas. On peut dire ainsi — et sans risque d'être contredit— que nous avons inauguré, avec la deuxième décennie de ce siècle, l'ère de l'immondice et de l'insalubrité. Que vous soyez à pied ou en voiture, vous ne voyez que tas de détritus, et rues-poubelles. Toutes les conduites d'eau ou presque sont bouchées. Il suffit d'une petite averse pour que les égouts vous rendent votre monnaie de change. En lieu et place de l'évacuation des eaux pluviales, c'est le vomissement des eaux usées auquel vous avez droit, surtout dans les rues et ruelles basses et dans les vieux quartiers. Dans le voisinage des restaurants, c'est la crasse en raison des matières grasses déversées à même le sol. C'est notamment le cas de la rue Mokhtar Attiya et les ruelles adjacentes, la rue Ibn-Khaldoun et ses environs. Idem pour la rue Charles-de-Gaulle, la rue d'Espagne, celles d'Allemagne, de Suède, etc. Aux restaurants et gargotes dont la plupart ne respectent pas les règles les plus élémentaires de l'hygiène, il faudrait ajouter ce que laissent chaque jour les centaines d'étals du commerce parallèle qui a infesté toutes les artères de la ville. Véritable paysage de désolation auquel a droit tout passant, une fois ces hors-la-loi rentrés chez eux la nuit. Les services municipaux passent, certes, par là pour nettoyer et remettre un tant soit peu de l'ordre, mais ils ne prennent que ce qui est apparent et à portée de main. Les coins et les recoins restent tels quels, avec la nuit tombante, les rats engraissés, les chats et les chiens errants devenant les maîtres des lieux. Paysage de désolation Un peu plus loin, du côté de l'avenue Med V, l'artère des banques avec à leur tête la Banque centrale et son musée, l'Office de l'huile et de l'autre côté, le ministère du Tourisme, juste avant la rue de Ghana, à gauche en remontant vers la place Pasteur, il y a un parc municipal pour tracteurs et petits engins utilisés pour la «propreté de Tunis», et juste derrière, il y a un espace vague, où on n'hésite pas à jeter toutes sortes d'ordures et même des cadavres de chiens. En passant par là par journée sans grande chaleur et le matin, vous avez la nausée, à vous arracher les tripes, tellement l'odeur qui s'en dégage est pestilentielle ! Dans ce terrain vague, on n'a pas trouvé mieux que de mettre le feu lors de la dernière grève des éboueurs. Tous les passants par cette artère et les habitants des quartiers proches ont sans doute inhalé de cette fumée. Du côté des vieux quartiers, la situation est pire. Les rues sont invivables, les commerces sont dans un état d'insalubrité, tel qu'on se demande si nous sommes en Tunisie et à Tunis ou dans une autre capitale. Au charme de ces quartiers, à leur propreté jadis assurée par les ménagères qui y résident chacune devant chez elle, ont pris place l'inhospitalité dans toutes ses dimensions, la crasse, les égouts à ciel ouvert et de plus, cette agressivité qu'on peut lire sur les visages de ceux qui vous croisent. Sommes-nous à Tunis? A monsieur le maire de la capitale, nous proposons avec toute la délicatesse qui sied à son statut, une petite tournée dans sa ville pour qu'il s'arrête sur les vicissitudes et les problèmes réels que vivent ses administrés pour qu'il constate l'état de délabrement atteint par certains endroits, pour qu'il vérifie par lui-même, s'il y a ou non carences au niveau des services municipaux. Car en dépit de la responsabilité incontestable des habitants, il y a une bonne part qui est imputable à la municipalité elle-même. De ces carences, nous nous contenterons de signaler celle des feux défectueux dans la plupart des carrefours et croisements de rues. Mis à part ceux devant le ministère de l'Intérieur, aux alentours de l'Horloge et quelque peu du côté de l'Avenue Med V et artères proches, tous les autres sont en panne depuis des années. Et avec le Tunisien nouveau, indiscipliné et incivilisé sans complexe, imaginez les embouteillages monstres et cette cacophonie sonore à chaque sortie de bureau! Tunis, M. le maire, a besoin d'une autre perception dans la gestion de ses affaires. Tunis a besoin aujourd'hui d'hommes de terrain et non plus de bureaucrates qui suivent son évolution à travers les écrans de leurs ordinateurs ou en se fiant aux rapports de leurs conseillers et subordonnés. Tunis suffoque, M. le maire, Tunis a besoin d'être secouru en tant que métropole que nous voulons rayonnante dans son environnement méditerranéen. Un petit effort de la part de tous et il nous revient de droit et de devoir d'être l'initiateur pour que Tunis retrouve son lustre, et gagne le pari d'être au diapason de son époque. Pour cette petite virée dans votre chère ville, daignez M. le maire accorder à ce problème d'hygiène et de propreté toute l'importance qu'il mérite.