Le système qui alterne récompense et punition devrait normalement prévaloir dans tous les domaines de la vie sociale. Chez nous, ce n'est pas toujours le cas. En ce qui concerne la sécurité routière par exemple, on n'entend parler que des mesures punitives prises à l'encontre des usagers de la route et pratiquement jamais de satisfécits adressés à tel ou tel conducteur respectueux du Code de la route. Tout récemment en France, on a lancé sur plusieurs autoroutes de l'Hexagone une campagne de gratification destinée à récompenser les automobilistes modèles. Il ne s'agit pas de les décorer de médailles ni d'insignes honorifiques mais de leur offrir quelque chose de beaucoup plus concret : des bons d'essence de valeur conséquente. Voilà sans doute, à côté des sanctions sévères visant les chauffards irresponsables et turbulents, une méthode très efficace pour inciter les conducteurs à observer les bonnes règles en matière de sécurité routière. Avec la hausse continue du prix des carburants, il y a des chances que la gratification promise aux automobilistes prudents soit vraiment payante et concoure à la diminution des drames de la route. Nous devons, en Tunisie, et surtout pendant l'été, prendre exemple sur nos voisins français et tout en restant extrêmement rigoureux à l'encontre des conducteurs en faute, nous montrer généreux en honorant les citoyens les plus scrupuleux et les plus civiques au volant. «Tébourbier» ! En matière de vie urbaine, il existe chez nous un prix qui bénéficie chaque année à la cité la plus propre du pays. Mais parallèlement à cette distinction, a-t-on jamais pensé à décider des sanctions symboliques ou concrètes contre les villes les plus négligées et les quartiers les plus insalubres. Certaines de nos municipalités font régulièrement preuve d'une incurie révoltante sans que personne ni une quelconque autorité n'osent sévir contre leur laisser-aller irresponsable, et criminel même : la ville de Tébourba, pourtant cité historique au patrimoine séculaire, figure malheureusement sur la liste des cités les plus obstinément malpropres. Cela fait des années que les passagers des lignes ferroviaires reliant la capitale aux villes du Nord-ouest constatent avec beaucoup de peine et d'amertume les tas d'immondices qui s'amoncellent sur les bords du canal de la Medjerda qui contourne et traverse Tébourba. Le spectacle du cours d'eau et de ses deux rives est vraiment affligeant, mais il ne semble déranger personne parmi les habitants de la zone. Au contraire, ces derniers ont l'air de tenir à ces environs désolants plus qu'à leur santé et à leur vie. C'est en tout cas l'impression première qu'ils donnent en continuant à déverser toutes sortes de crasse autour de ce site naturel dangereusement pollué. En hiver et comme aucun des quartiers populaires qui longent la voie ferrée sur près de trois kilomètres, ne donne lieu à une route goudronnée ni même à une piste grossièrement bitumée, les hommes, leurs bêtes et leurs véhicules pataugent jour et nuit dans la boue la plus gluante. Ce même spectacle désespérant se prolonge jusqu'à l'entrée de la Manouba, cité surpeuplée et quasi invivable de nos jours. Responsable dévoué et budget conséquent Il est vrai qu'une telle désolation n'est pas spécifique aux deux villes citées mais ailleurs l'incurie des habitants et des responsables municipaux n'est pas aussi criante ni aussi persistante. A Tebourba plus particulièrement, le répugnant bourbier qui accueille le visiteur semble être préservé comme un emblème de la ville. Gare à celui qui entreprend d'assainir le site et mille bravos à celui qui l'encrasse un peu plus ! Apparemment, c'est ainsi que se conçoit le rapport à la cité et à son environnement, là-bas ! Devant une telle persévérance dans l'incivisme, n'est-on pas en droit d'instituer le prix de la ville la plus sordide, le tanit du maire le plus négligent et le césar des citoyens les plus malpropres ? Heureusement que c'est là une exception et que la plupart de nos entrées de villes ne sont pas toutes aussi repoussantes. D'ailleurs, il faut continuer à encourager ces travaux d'embellissement entrepris aux portes des petites et grandes agglomérations de Tunisie. Nous avons grandement besoin de vitrines accueillantes, dans ce cher pays aimé des touristes étrangers. Mais que cela ne nous fasse pas oublier les artères intérieures de nos villes. Là aussi, il faut décerner des prix aux rues et aux quartiers les plus propres, aux constructions les plus attrayantes, aux zones vertes les mieux préservées, aux enseignes les plus séduisantes, aux habitants les plus hospitaliers et les moins grossiers. La meilleure mairie verra par exemple son budget doubler et ses moyens techniques se renforcer. Des primes spécifiques seront allouées à tous ses agents. On peut penser à récompenser également les résidences et les commerces qui n'altèrent pas le paysage urbain ainsi que les espaces les mieux entretenus. Par contre, et pour sévir efficacement contre les réfractaires à l'ordre, à la propreté et à la beauté dans nos villes, il faudrait doter chaque municipalité d'un budget conséquent qui permette à ses agents de réussir leurs campagnes dissuasives, de mener à terme leurs projets réformateurs et de contribuer à la revalorisation du site dont ils ont la responsabilité. Encore faut-il désigner à ces lourdes tâches les personnes les plus intègres et les plus dévouées. C'est peut-être là que le bât blesse !