Par Khaled TEBOURBI «Les Journées musicales de Carthage» reprennent donc, c'est chose acquise maintenant. Inutile de revenir sur leur «éclipse» de quatre longues années, c'est un petit mystère resté à ce jour non éclairci. Mais enfin... la reprise y est; et vraisemblablement l'on s'y emploie avec beaucoup d'ardeur et de sérieux. Première indication : des retrouvailles (la seconde après celle de 2010) aura lieu en mars 2015 et non pas fin 2014 comme initialement prévu. La raison? Ces trois à quatre mois supplémentaires serviront à mieux affûter la nouvelle stratégie. Les JMC ont été créées pour rompre définitivement avec «la routine et le folklore du festival de la chanson». On voulait réhabiliter la musique, lui redonner son statut et son prestige culturels, et pour cela, il n'y avait pas mieux que de l'aligner sur le cinéma et le théâtre en la dotant d'une véritable joute, telles les JCC et les JTC où l'art musical, sous tous ses aspects (création, recherche, prospectives-perspectives, etc.), puisse s'exposer, s'exprimer, se «confronter» de façon saisonnière et au meilleur niveau. Ce que l'on voulait éviter le plus, c'était «le syndrôme de la compétition». Ces «batailles rangées» qui mettaient aux prises des artistes sans ajouter quoi que ce fût à la qualité de la musique ou de la chanson. La première édition de 2010 avait commencé à corriger ces «abus». Mais dans la modération. Il ne fallait pas «choquer le milieu». Il fallait esquisser une transition. L'édition de la reprise, prévue fin 2014, devait parachever la transition. L'interruption de quatre années n'avait pas dissipé les craintes : l'intention demeurait de procéder «par étapes, d'y aller mollo» afin (toujours) de ne pas «effaroucher les professionnels». La décision récente de différer la reprise à mars 2015 amorce le vrai tournant. On se donne du temps pour pouvoir aller droit au but. On veut en finir avec l'idée de transition pour se consacrer à une refonte entière des JMC. Et ce qui se prépare en ce moment du côté du comité directeur équivaut à une véritable naissance. On a désormais affaire à une manifestation, d'abord arabe et africaine, sous peu méditerranéenne, et bientôt internationale. Plus de «batailles rangées» entre les seuls chanteurs locaux. On va à la rencontre d'autres musiques, d'autres talents. D'autres créations par-dessus tout, car la compétition portera, d'ores et déjà, sur des projets musicaux entiers, et non plus sur de simples chansons. Le concept de projet est sans doute la plus grande innovation des Journées musicales de Carthage. Et peut-être encore constituera-t-il l'impulsion majeure pour la création musicale dans notre pays. Par «projet» on entend tout travail basé sur l'élaboration, la cohérence et la consistance des contenus. Aucune musique ne sera exclue. Ce qui va compter à partir des JMC 2015, ce sera la qualité intrinsèque du produit proposé, plus de distinctions de formes, de modèles, d'écoles ou de réputations. Il y aura un seul Tanit d'or (le grand prix des JMC) qui pourra échoir invariablement à un compositeur traditionnel comme à un jazzman, un «symphoniste» ou un rappeur. Et trois Tanit d'argent et six prix attribués selon la catégorie des ensembles et les spécialités. La «dramatisation» de la compétition disparaît pour laisser place à une confrontation de projets et à une rivalité pleine, entière et égale entre tout ce que le chant et la musique comportent comme expressions. Du nouveau encore : des «tourneurs», agents internationaux de prospection de talents, seront invités pour, éventuellement, choisir de parrainer une de nos voix ou un de nos musiciens. Il y aura aussi des ateliers de création, des colloques et des expos. Il y aura surtout, à la soirée d'ouverture du 14 mars 2015, la remise du prix Ziryab, créé récemment par le groupe MED 21, en partenariat avec le Cmam (Ennejma Ezzahra) et les JMC, pour récompenser des créateurs et des chercheurs dans le patrimoine musical méditerranéen, quatre lauréats en tout, représentant la rive nord et la rive sud. Cela va donner assurément du lustre aux JMC. Accroche «Les Journées musicales de Carthage» choisissent la refonte d'emblée... On élève le niveau, on élargit les horizons, on dédramatise la compétition. C'est une vraie naissance avec «Le prix Ziryab» pour cerise sur le gâteau.